Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière, était invité à débattre, devant les adhérents du think-thank Shift Project, du rôle des syndicats dans la décarbonation de l’économie.
Quelle politique de l’emploi pour réussir la transition vers une économie bas carbone ? Telle était la question posée à Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière, par le Shift Project, le laboratoire d’idées présidé par Jean-Marc Jancovici qui organisait, le 20 novembre, une journée consacrée à l’économie libérée de la contrainte du carbone, dont un atelier sur « syndicalisme et limite planétaire », auquel participaient également les numéros un de deux autres confédérations syndicales.
FO n’a pas attendu 2023 pour se préoccuper d’écologie puisque dès 1974, la feuille de route d’André Bergeron comportait un volet sur l’environnement et le cadre de vie a tenu à rappeler en préambule Frédéric Souillot. Le secrétaire général a souligné également qu’un groupe de travail confédéral sur le climat et l’environnement, réunissant les fédérations FO les plus concernées, a été créé en 2019. Ce groupe prévoit de publier un guide sur le sujet prochainement. Par ailleurs, une formation sur la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) sera lancée en 2024 à destination des élus FO des comités sociaux et économiques (CSE), a-t-il encore indiqué.
Plus largement, Frédéric Souillot pointe plusieurs obstacles se dressent sur le chemin d’une économie bas carbone pointe Frédéric Souillot. Quand il y a transition [d’un secteur, Ndlr], cela se termine plus souvent à Pôle emploi qu’en formation, analyse le militant. Et de donner un exemple. Si l’État a accompagné le secteur de la sidérurgie lors de sa transition, ce n’est pas le cas actuellement pour les industries qui vont devoir faire leur transition écologique, déplore Frédéric Souillot. Il prône une approche de long terme, Le contraire donc de la philosophie court-termiste en vogue en politique. A une époque, quand on se disait pro-nucléaire, on se faisait clouer au pilori, rappelle-t-il devant une salle qui semble partager ses constats. Le think-thank qui organisait ce débat considère en effet que l’énergie nucléaire, décarbonée, est une des solutions. Il a conçu un projet intitulé Plan de transformation de l’économie française, qui prévoit une relance de l’électronucléaire.
Le Shift Project s’est efforcé de calculer les conséquences d’une transition écologique sur l’emploi dans des secteurs particulièrement concernés (agriculture, transport, logement et certaines industries) employant au total 4 millions de personnes. Le laboratoire d’idées en arrive à la conclusion que 300 000 emplois nets seront créés d’ici à 2050 mais au terme d’un énorme phénomène de destruction (800 000 emplois) / créations (1,1 million). Des métiers risquent de disparaître et d’apparaître. Dans l’intervalle des travailleurs devront se reconvertir.
Servons-nous de la transition [écologique] pour revoir les conditions de travail, la pénibilité et les retraites
Ils commencent déjà à le faire. Renault Trucks [propriété de Volvo] reconvertit des salariés pour construire des vélos-cargo, signale Frédéric Souillot. Une initiative qui n’est évidemment pas à l’échelle de l’enjeu dont Il faudrait parler à un niveau politique, estime le secrétaire général de FO.
Les reconversions professionnelles sont compliquées par la désindustrialisation du pays, qui éloigne les lieux de travail des lieux de résidence des salariés, analyse Frédéric Souillot. Parmi les autres obstacles pointés par le secrétaire général de FO : la baisse des contributions des employeurs à l’effort de formation continue ainsi que la monétisation du CPF (compte personnel de formation), qui a entraîné des dérives, pour ne pas dire des arnaques. FO est par ailleurs favorable à un co-financement (avec l’employeur) des formations prises dans le cadre du CPF afin de s’assurer qu’elles sont bien professionnalisantes.
Que dire aux salariés d’industries qui déclinent ?, s’interroge Frédéric Souillot. Des discussions ont déjà commencé dans les entreprises, rappelle-t-il. Dans l’automobile, ils essaient d’anticiper pour ne pas se retrouver dans la même situation que la sidérurgie. Servons-nous de la transition [écologique] pour revoir les conditions de travail, la pénibilité et les retraites.