C’est une véritable marée humaine qui a déferlé hier dans les rues de Perpignan. Malgré la pluie fine qui tombait sur la ville, ils étaient entre 4000 (selon la police) et 8000 (selon les syndicats) à défiler entre les places Catalogne et de la Victoire via les grands boulevards. Objectif : réclamer une nouvelle fois le retrait du projet de loi travail porté par la ministre Myriam El Khomri. En tête du cortège, des lycéens munis de cornes de brume et de porte-voix se sont chargés de mettre l’ambiance en scandant des slogans divers et variés. Du désormais classique « El Khomri, t’es foutue, la jeunesse est dans la rue » au plus osé « El Khomrilicenciée ». Les manifestants n’ont pas non plus lésiné sur les pétards et les fumigènes. Bref : l’animation était au rendez-vous.
– Au coeur du cortège
En milieu de cortège, les bannières syndicales se faisaient en certains endroits plus rares. Certains défilaient même en silence. Comme Elio, 17 ans, un lycéen perpignanais qui déclare n’adhérer à aucune idéologie. « Je trouve que ça coupe la réflexion », explique-t-il. Mais cela ne l’empêche pas de condamner lui aussi le projet de loi : « Les gens vont devoir travailler plus pour gagner moins. Du coup, ils seront moins heureux et donc moins productifs. Ça ne va pas améliorer la situation du pays. » Zacharia, 15 ans, en seconde au lycée Arago, tient un discours du même acabit. « Je ne milite dans aucun parti ni dans aucun syndicat, souligne-t-il. Mais je ne veux pas voir tout ce pourquoi nos ancêtres se sont battus réduit à néant en quelques jours. » À quelques pas de là, Jean-Louis et Nadine, 60 ans, de Passa, déclarent être descendus dans la rue pour leurs enfants : « On leur laisse une société où il ne fait pas bon vivre à cause du chômage et de la mauvaise répartition des richesses. On pense qu’en détériorant les conditions de travail, la loi El Khomri va encore accroître la précarité. » La manifestation s’est terminée sans incident. Il faut dire que les organisateurs avaient pris les devants. Les syndicats et le collectif des jeunes révoltés avaient mis en place un service d’ordre d’une trentaine de personnes. Mieux vaut prévenir.
ILS L’ONT DIT
« Nous voulons avoir un futur »
Frédéric Rosa, porte-parole lycéen : « Nous sommes la jeunesse, l’avenir du pays. Nous ne sommes pas des esclaves. Nous voulons avoir un futur. Nous refusons de travailler soixante heures par semaine. On ne veut pas d’un monde où on n’a plus la parole. Aujourd’hui, on se bat pour nos droits. »
« Pour une vraie justice sociale »
Esaïe Dahmane, de l’Union nationale lycéenne : « Ce projet de loi veut changer les salariés en esclaves modernes. J’entends certains dire que les jeunes se mobilisent pour rater les cours. Aujourd’hui, on leur prouve qu’on connaît la loi et qu’ils ont tort. Ensemble, battons-nous pour une vraie justice sociale ! »
« On ira jusqu’au bout »
Pierre Place, de la CGT : « Nous sommes là pour nous révolter contre un énième projet de loi antisocial qui casse les codes et les garde-fous qui équilibrent un peu le monde du travail. Nous réclamons le retrait immédiat de ce projet de loi. On ira jusqu’au bout. »
« Haute trahison »
Jérôme Capdevielle, de FO : « Avec la loi travail, nous serons plus facilement licenciés et moins bien payés. Nous travaillerons plus en gagnant moins. En somme, la subordination est remplacée par la soumission. Et, osons le dire, par l’esclavage moderne. Cette loi constitue une haute trahison ! »
L’Indépendant – Edition du 1er avril 2016 – Arnaud Andreu