CSE : le renforcer pour améliorer le dialogue social

Cela fera deux ans au 1er janvier 2022 que la mise en place du comité social et économique (CSE) est obligatoire dans les entreprises de plus de onze salariés. Et les craintes exprimées par FO dès les prémices d’un regroupement des IRP au sein d’une instance unique se sont confirmées. Pour FO, le CSE, qui depuis l’été a vu s’élargir ses prérogatives (en matière de santé au travail et sur les questions environnementales), est une instance qui doit être renforcée et à plusieurs titres, insiste la confédération qui a réalisé un cahier revendicatif relatif à l’amélioration du dialogue social.

Le comité social et économique (CSE), instance unique de dialogue social créée par les ordonnances Macron de septembre 2017, a été instauré au 1er janvier 2018, avec une période transitoire de deux ans. Il devait donc être mis en place au plus tard au 1er janvier 2020 dans les entreprises de 11 salariés et plus. Le CSE se substitue aux trois anciennes instances représentatives du personnel (IRP) : délégués du personnel (DP), comité d’entreprise (CE) et comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT, qui était obligatoire à partir de 50 salariés). Ce regroupement des instances ne s’est pas fait subitement. Son origine remonte à la délégation unique de personnel (DUP), mise en place par une loi de 1993. Mais cette dernière ne permettait à l’époque que de rapprocher DP et CE, et seulement dans les entreprises de moins de 200 salariés. La loi Rebsamen de 2015 a ajouté le CHSCT.

Dès le départ, la confédération FO s’est opposée au rapprochement des IRP, qui a trouvé son paroxysme dans le CSE. Le congrès confédéral d’avril 2018 avait condamné dans cette instance unique une baisse de moyens et d’attributions sans précédent. Il avait notamment pointé une diminution du nombre de représentants, une diminution des heures de délégation, une limitation du nombre de mandats successifs et l’exclusion des suppléants dans les réunions d’instance. En effet, le nombre d’élus du CSE et d’heures de délégation a été fixé par décret selon l’effectif de l’entreprise. La confédération avait évalué à l’époque les pertes entre 150 000 et 200 000 mandats d’élus. Par ailleurs, le nombre de mandats successifs est limité à trois pour les élus du CSE, sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Les revendications de FO

Près de deux ans après la création obligatoire des CSE, et trois ans après la mise en place des premières instances, un premier bilan a été dressé au printemps dernier. Et à l’issue d’une réunion plénière du comité d’évaluation des ordonnances, la confédération FO s’est inquiétée de la présentation par la Dares (rattachée au ministère du Travail) d’éléments plus qu’alarmants sur l’implantation syndicale et la représentation du personnel. Elle a notamment fait état d’une baisse du taux de couverture des entreprises par des IRP ou un DS, alors que ce taux était stable par le passé. Les remontées des structures FO et des représentants de terrain le confirment. Les élus ont constaté une dégradation générale du dialogue social. Ils déplorent notamment des ordres du jour à rallonge qui entraînent une discussion souvent trop rapide sur certains sujets. En outre, bon nombre d’entreprises, auparavant découpées en établissements distincts, ont fait le choix de centraliser leur CSE et les élus se retrouvent éloignés du terrain. FO constate également des difficultés pour certains élus à exercer efficacement leur mandat en raison de l’élargissement de leurs attributions sans compensation en termes de moyens.

Les nouvelles compétences du CSE sur les questions environnementales (loi Climat du 22 août 2021) illustrent le problème. La loi du 2 août « Pour renforcer la prévention en santé au travail » a, elle, repris l’ANI santé au travail (10 décembre 2020), signé notamment par FO. Plusieurs mesures de cette loi portent sur le CSE et seront en vigueur le 31 mars 2022.

Alors que débute un nouveau cycle de mesure de l’audience syndicale avec notamment nombre d’élections CSE à venir (9 426 entreprises concernées en 2022, plus de 24 000 en 2023), Force Ouvrière appelle dans un cahier revendicatif au rétablissement des capacités de représentation collective des salariés, de leurs droits et de leurs moyens indispensables à l’exercice d’un dialogue social de qualité dans l’entreprise. Parmi les revendications : le rétablissement des CHSCT, la mise en place d’une représentation du personnel au plus proche des salariés, la suppression des entraves à la mise en place des CSE ou encore des moyens adaptés à l’exercice des mandats.

 

Santé au travail : une consultation réelle du CSE

L es dispositions de la loi du 2 août 2021 « Pour renforcer la prévention en santé au travail » concernent le CSE, entre autres par le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) ou encore via la formation des membres du CSE à la santé et à la sécurité. Formation pour laquelle FO a  fermement milité. Par cette loi, le CSE contribue à l’évaluation des risques dans l’entreprise et bénéficie d’une « réelle consultation », considère FO. La loi du 2 août (…) a en partie fait droit aux revendications de Force Ouvrière. En effet, la loi modifie l’article L 2315-18 du Code du travail et abroge l’article L 2315-40 du même code, lequel déterminait la durée de la formation santé et sécurité mais créait, de par son manque de clarté, des difficultés d’interprétation. L’administration en concluait que les durées de formation minimale de cinq jours dans les entreprises d’au moins 300 salariés ou de trois jours dans les entreprises de moins de 300 salariés ne s’appliquaient qu’aux membres de la CSSCT [Commission de santé, sécurité et conditions de travail, NDLR]. FO contestait cette affirmation dans la mesure où l’article L 2315-40 renvoyait à l’article L 2315-18, qui octroyait le droit à formation à tous les membres du CSE.

Valérie Forgeront

 

Compétence environnementale : attention danger…

P our FO,  l’élargissement des attributions du CSE aux conséquences environnementales pose question. Tout d’abord, le rôle premier de l’organisation syndicale et des représentants du personnel est la défense des intérêts matériels et moraux des salariés. L’intégration des enjeux de transition écologique ne doit donc pas amener les élus à co-décider des mesures qui ne relèvent pas de leur responsabilité et sont susceptibles d’opposer maintien de l’emploi et préoccupations environnementales. De surcroît, le CSE est déjà chargé de rendre des avis sur des problématiques complexes et techniques dans des domaines très variés. Quant aux moyens, ils sont à l’évidence insuffisants. FO considère que l’élargissement de ses prérogatives [du CSE, NDLR] ne peut se faire à moyens constants. Or, la loi se limite à proposer d’ajouter les conséquences environnementales à la formation [des élus, NDLR], sans accorder de temps supplémentaire. De plus, aucune disposition n’est prévue pour renforcer les moyens du CSE (heures de délégation, commissions, expertises…). De même, les délais de consultation prévus pour que le CSE puisse rendre un avis éclairé ne sont pas non plus allongés. Tout est donc à négocier !

Valérie Forgeront

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