Crise sanitaire : quand la Cour des comptes explore les leçons à en tirer


Pas de chapitre sur la situation des finances publique (elle sera évoquée mi-avril), le rapport annuel 2021 de la Cour des comptes se concentre sur la crise sanitaire et ses conséquences à travers neuf thèmes. Parmi eux, l’utilisation du numérique à l’éducation nationale pendant les confinements, la situation des services hospitaliers de réa et soins critiques, celle de l’Assurance chômage, le fonds de solidarité pour les entreprises ou encore la SNCF… Les magistrats accordent quelques bons points mais pointent surtout sévèrement le manque d’anticipation de la crise. Faute de moyens ?

Le rapport salue la capacité d’adaptation des services publics et plus largement les différentes mesures décidées par l’exécutif au plan national (chômage partiel, soutien à l’économie, fonds de solidarité…). Les magistrats de la rue Cambon soulignent les efforts des différents secteurs publics pour que les services continuent à fonctionner parfois sur un mode dégradé telle la SNCF au début.

L’austérité sur les dépenses a pesé lourd

Ils notent par exemple encore la rapidité de mise en place du fonds de solidarité, tout en préconisant cependant de  mettre en place des outils permettant d’éviter que le cumul d’aides versées à une entreprise soit supérieur au préjudice subi ou encore d’accompagner l’accroissement du montant des aides et l’élargissement du fonds à des entreprises de taille plus importantes par la mise en place d’une instruction plus exigeante des aides et d’un dispositif renforcé de la fraude et de sanctions… De longues date, et d’autant plus depuis la crise, FO demande que l’aide publique aux entreprises soit l’objet de contrôles et au besoin de sanctions.

Plus largement, le rapport 2021 tacle surtout sévèrement la sphère publique pour son impréparation de la crise. Dans la plupart des cas, les dispositifs d’anticipation […] n’étaient pas au rendez-vous assène ainsi la Cour estimant que les acteurs publics n’accordent pas suffisamment d’attention à la gestion des risques, à leur préparation, quelle que soit leur nature. Cela nécessite des moyens budgétaires, or ainsi que l’a souvent contesté FO, les années précédant l’épidémie, une austérité était infligée aux dépenses publiques. Et cela notamment via des réformes structurelles que la Cour a elle-même parfois préconisées.

Le constat d’hôpitaux sans moyens suffisants

Le rapport déplore aussi que dans les établissements scolaires l’insuffisance d’outils numériques et d’organisation n’ait pas permis d’assurer pleinement, à distance, la continuité de l’enseignement. Est critiqué aussi le manque de préparation des services hospitaliers de réanimation et soins critiques. Les Sages constatent un taux d’équipement qui se dégrade, qui a sensiblement baissé depuis 2013 et est marqué par de fortes inégalités territoriales. Et de rappeler que  la crise sanitaire est intervenue dans un contexte de fragilité structurelle des ressources humaines induisant une forte tension sur les effectifs. Les personnels, soutenus notamment par les militants FO, qui, ont alerté, eux, sur cette situation de manque de moyens généralisé par des manifestations et cela pendant deux années avant la crise Covid, ne diraient pas mieux…

Pour la Cour, ce secteur de l’hospitalisation doit donc être mieux armé, alors que des choix de financement ont fait de la réanimation une activité structurellement déficitaire, ce qui a participé indirectement à leur recul progressif au regard des besoins. Il faudrait explique alors la Cour, repenser le modèle de financement des soins critiques afin de garantir la neutralité de la tarification à l’activité, qu’elle ne remet pas en cause donc… La T2A, lancée en 2004, a cependant conduit les hôpitaux à une recherche permanente de rentabilité. Et FO a maintes fois dénoncé les dégâts de cette gestion comptable et de l’absence de moyens à hauteur de leurs besoins apportés aux établissements.

 

Zoom sur le cas de l’Assurance chômage

La situation de l’Assurance chômage est aussi un des sujets d’analyse pour la Cour des comptes dont le rapport s’attarde sur son déficit historique, préconise une une trajectoire financière à définir et une gouvernance à revoir en clarifiant les rôles de l’État et des partenaires sociaux.

Elle retrace ainsi l’histoire récente de l’Assurance chômage, évoquant le rôle renforcé de l’État depuis la loi de 2018 (liberté de choisir son avenir professionnel), l’échec des négociations en 2018, la réforme annoncée par le décret de juillet 2019, sa mise en œuvre dès novembre de la même année avant une nouvelle étape (mode de calcul de l’allocation chômage) repoussée, sur fond de crise, au 1er juillet prochain et, la suivante, le durcissement de l’ouverture des droits annoncée à l’automne prochain…

FO redit son opposition à cette réforme injuste

FO ne cesse de contester et de demander l’abandon de cette réforme, imposée par le gouvernement, et qui sanctionne les demandeurs d’emplois notamment les plus précaires. La Confédération exige ainsi un retour aux règles de la convention d’assurance chômage du 14 avril 2017, négociée par les interlocuteurs sociaux.

Fin mars, l’Unédic réévaluait d’ailleurs à la hausse, soit à 1,15 million, le nombre de demandeurs d’emplois dont la situation se dégraderait au 1er juillet par le durcissement sur le calcul du salaire journalier de référence. Leur allocation serait ainsi réduite de 17% en moyenne rappelait la confédération réitérant sa demande d’un abandon de la réforme de 2019 dans une lettre adressée le 26 mars à la ministre du Travail, Élisabeth Borne.

Cette dégradation à venir de la situation des demandeurs d’emploi souligne la nécessité que  les dispositions de la convention de 2017, qui auraient dû demeurer en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2020 – si le gouvernement n’avait imposé une réforme contestée par l’ensemble des confédérations syndicales – soient maintenues à tout le moins tout au long de l’année 2021 insiste FO. Par ailleurs conteste la confédération cette réforme conduirait à faire porter sur les demandeurs d’emplois le volume d’économies qu’entend réaliser le gouvernement (plus de deux milliards en année de croisière), quand le processus dit de bonus-malus, dont l’entrée en vigueur est reportée au mieux à la fin 2022, serait à coût nul pour les entreprises.

Les effets d’une fiscalisation des recettes

La Cour évoque elle, avec distance, la mise en œuvre de la réforme, laquelle « devait permettre une amélioration du solde financier du régime, avec un retour à l’équilibre prévu en 2021 et un endettement réduit à 31,9 Md€ fin 2022. Les mesures prise dans le cadre de la crise ont tout chamboulé et ont aggravé l’endettement indiquent les magistrats qui assènent : structurellement déséquilibré au plan financier, le régime d’assurance chômage ne peut plus jouer son rôle d’amortisseur conjoncturel. Par ailleurs, poursuivent-ils sa cohérence a été altérée, sur le plan des recettes comme des dépenses. Le rapport rappelle les transformations introduites en 2018, soit la suppression des cotisations chômage et l’affectation d’une part de CSG à l’assurance chômage. Ce qui revient à fiscaliser les recettes. Pour la Cour, les partenaires sociaux ne maîtrisent plus les conditions de l’équilibre financier du régime et les gestionnaires connaissent des difficultés pour prévoir l’évolution pluriannuelle des recettes.

Quant aux dépenses du régime le poids de celles qui ne concernent pas l’indemnisation des salariés ayant perdu involontairement leur emploi a nettement augmenté. Et de citer le financement de Pôle emploi ou encore l’extension de l’activité partielle. Pour la Cour, en ce qui concerne la dette actuelle, une partie […] étant liée à la mobilisation du régime en faveur du soutien des entreprises et des emplois pendant la crise sanitaire, la question de son traitement se pose.

Qui doit payer les mesures liées à la crise ?

Les magistrats assurent ainsi qu’il importe de déterminer la part de la dette effectivement laissée à sa charge [de l’assurance chômage, NDLR] et celle à amortir dans le cadre plus vaste des mesures prises par l’État pour gérer le niveau historiquement haut de la dette publique, qu’il s’agisse de cantonner cette part de dette dans les comptes de l’Unédic et d’y affecter une ressource spécifique ou d’en organiser la reprise.

Plus largement, depuis l’an dernier, FO conteste la décision de l’exécutif de faire peser une part des dépenses liées à la crise Covid sur les comptes sociaux, cela via la Cades (dont les recettes proviennent de la CRDS et la CSG et que payent notamment les demandeurs d’emploi).

En septembre, le CCN de FO rappelait ainsi que le transfert de la dette sociale à la CADES (136 milliards d’€) conduit à faire supporter l’essentiel du coût des mesures prises pour faire face à la crise sanitaire, sur les salariés et retraités via la prolongation de la CRDS (Contribution au remboursement de la dette sociale) jusqu’en 2033, alors qu’elle devait s’éteindre en 2024 avec les prélèvements qui l’alimentent.

FO met en garde contre l’étatisation de la protection sociale

En ce qui concerne l’assurance chômage, il faut estime la Cour restaurer un mode de fonctionnement plus satisfaisant de la gouvernance de l’assurance chômage et préciser les rôles respectifs de l’État et des partenaires sociaux, concernant la détermination des recettes comme des dépenses.

Dans sa lettre du 26 mars à la ministre du Travail, la Confédération soulignait sa totale opposition quant aux dispositions contenues dans la proposition de loi organique discutée en commissions au Parlement, conduisant à intégrer les comptes de l’assurance chômage et des caisses de retraites complémentaires au PLFSS. Et FO de pointer ce pas supplémentaire allant dans le sens d’une étatisation de l’ensemble la protection sociale, et de l’éviction de la négociation collective et du paritarisme.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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