Depuis septembre, les habitants du 101e département sont privés d’eau potable deux jours sur trois, en attendant l’arrivée de la saison des pluies mi-novembre. Déclenchée par une sécheresse historique, la crise est amplifiée par le sous-investissement dans les infrastructures et l’inefficience de celles-ci. Face aux conditions de vie devenues extrêmement difficiles, FO a déposé, dans le cadre d’une intersyndicale, un préavis de grève illimitée à partir du lundi 9 octobre, pour exiger notamment de l’eau gratuite pour tous.
Prise en charge par l’État des factures d’eau des 310 000 habitants, distribution de bouteilles d’eau gratuites à 120.000 personnes d’ici mi-novembre (contre 50 000 fin septembre) … Face à la pénurie historique d’eau potable que subit le 101e département français, l’exécutif a annoncé le 5 octobre renforcer les mesures d’urgence. Mais le compte n’y est toujours pas pour l’Union départementale (UD) FO de Mayotte. L’État doit engager des mesures structurantes, et durables, pour garantir l’accès à l’eau potable et un service public de l’eau de qualité, appuie Arkaddine Abdoul-Wassion, son secrétaire général.
Présent au Comité confédéral national les 26 et 27 septembre à Bourges (Cher), le militant a reçu tout son soutien. La résolution adoptée revendique le retour de (la) gestion (de l’eau) dans le cadre exclusif du service public afin d’assurer une légale répartition de l’eau potable sur le territoire.
Premiers licenciements
Comme l’a reconnu le ministre de la Cohésion des territoires, la situation est dramatique à Mayotte. Ses habitants, qui vivaient depuis mai dernier au rythme des coupures d’eau potable pour en limiter la consommation, connaissent des restrictions drastiques. Pour ménager les maigres réserves jusqu’à l’arrivée attendue mi-novembre de la saison des pluies, les Mahorais sont privés, depuis septembre, d’eau potable deux jours sur trois dans la plupart des 17 communes (et les zones d’activité, soumises à des coupures nocturnes en semaine, avec une coupure de 36 heures le week-end). Le 11 octobre, dans la majorité des communes, la période d’accès à l’eau sera encore réduite, à 18h, tous les deux jours, contre 24 heures précédemment.
Le tissu économique commence à être touché. Dans le Bâtiment, qui est un secteur qui consomme beaucoup d’eau, une vingtaine de salariés licenciés ont déjà contacté l’UD FO. Dans l’hôtellerie-restauration aussi, les inquiétudes montent. Des salariés sont licenciés ou leur employeur suspend leur contrat, leur demandant de revenir quand la situation sera rétablie, constate Arkaddine Abdoul-Wassion, qui exige des solutions de long-terme donnant des perspectives, comme un engagement de l’État à construire trois usines de dessalement d’eau de mer. Une revendication portée en préfecture, dès juin, dans le cadre d’une intersyndicale avec trois autres organisations. Nous n’avons eu aucun retour, déplore-t-il. Il y a pourtant urgence.
Sous-investissement dans les infrastructures
Si la préfecture explique le rationnement par un déficit pluviométrique jamais connu depuis 1997, celui-ci n’est pas seul responsable. En 2017 déjà, l’archipel de l’océan Indien a subi, plusieurs mois durant, une pénurie d’eau. A l’époque, un Plan eau a été signé entre l’État et le syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement (SIEAM), incriminé depuis pour sa gestion par la Cour des comptes.
Ce qui a été décidé en 2017 était insuffisant. Et tout n’a pas abouti, explique Arkaddine Abdoul-Wassion, qui dénonce le sous-investissement dans les infrastructures, lesquelles sont sous-dimensionnées par rapport à la croissance démographique (+3,8% par an). Sans même parler de l’inefficience desdites infrastructures. 35% de l’eau sur le réseau serait perdu en raison de fuites. Étendue depuis 2017, l’unique usine de dessalement d’eau de mer ne tourne pas à plein. Annoncés en 2017, la seconde usine et la troisième retenue collinaire (ouvrage de stockage, NDLR), censée à elle seule fournir presque autant d’eau que les deux premières retenues qui procurent 80% des ressources, restent… des projets.
Alors que les besoins quotidiens en eau sont de 42 000 m3 par jour, la production atteint 38 000 m2 au maximum, en temps normal, résume le militant FO. En cette année de sécheresse historique, les deux retenues collinaires devraient être à sec fin octobre. A compter de cette date, le département disposera de moins de la moitié de ses besoins en eau, selon la préfecture. Pour tenir jusqu’à la saison des pluies, le département le plus pauvre de France ne devrait alors compter que sur ses rivières, ses eaux souterraines, la production de son usine de dessalement, celle en provenance de l’installation (temporaire) d’une unité de potabilisation d’eau douce et de la vingtaine de nouveaux forages lancés depuis septembre.
L’ensemble de la population peut être considérée comme vulnérable
Pour FO, il faut élargir encore, et sans tarder, les distributions de bouteilles d’eau gratuites, initialement réservées aux personnes jugées vulnérables, femmes enceintes et enfants en bas âge. Après des semaines de privation en eau potable, l’ensemble de la population peut être considérée comme vulnérable, précise Arkaddine Abdoul-Wassion. Le militant raconte les difficultés de tous pour stocker l’eau (qu’il faut de surcroît faire bouillir avant de boire), plus encore celles des travailleurs dont les horaires de travail ne correspondent pas aux plages d’ouverture des vannes. L’achat d’eau en bouteille dans les commerces de proximité indépendants n’est pas une alternative : dans les établissements qui ignorent le plafonnement des prix décidé par la préfecture, l’eau embouteillée est revendue au prix fort. Jusqu’à 12-15 euros le pack de six bouteilles, rappelle le militant FO.
Dégradation des services publics, cherté de la vie, insécurité… Pour dénoncer les conditions de vie extrêmement difficiles dans le 101e département français, l’UD FO de Mayotte a décidé, dans le cadre d’une intersyndicale à sept organisations, de déposer un préavis de grève illimitée, courant depuis le lundi 9 octobre, 7 heures. Elle y exige de l’eau potable et gratuite pour tout le monde, tant au domicile que sur les lieux de travail, mais aussi une augmentation significative du taux d’indexation des salaires, une meilleure protection des agents sur leurs lieux de travail et la sécurisation des trajets pour s’y rendre. L’insécurité est une autre préoccupation quotidienne des agents et salariés, qui ajoute à la crise. Mi-septembre, après le caillassage d’une des navettes reconduisant le personnel à leur domicile, soixante-dix agents du Centre hospitalier de Mayotte (CHM) ont exercé leur droit de retrait. Avec le soutien de FO.