Dans une France où l’épidémie de Coronavirus (Covid-19 ou 2019-n-Cov) progresse rapidement, les interrogations se multiplient chez ceux qui travaillent dans le public comme dans le privé. Du personnel de santé aux services à la personne en passant par la police et les douanes, ils sont nombreux à être confrontés au danger et à la menace dans l’exercice de leur travail, sans toujours savoir l’attitude à adopter.
Alors que les cas avérés de contamination au virus se multiplient, le droit de retrait est de plus en plus souvent évoqué et même invoqué. Individuel et collectif, ce droit est inscrit dans le Code du travail, en l’occurrence dans l’article L4131-1, qui prescrit que « le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection »
. Alors, « il peut se retirer d’une telle situation » mais doit rester à la disposition de son employeur. Comme stipulé dans le Code du travail, le ou les salariés doivent avoir « alerté »
l’employeur avant d’exercer le droit de retrait. Si le risque n’a pas été signifié à l’employeur, l’absence du salarié est considérée comme injustifiée. La notion de « danger grave et imminent » est susceptible de donner lieu à discussion notamment en justice.
Le Musée du Louvre ayant dû fermer le 1er mars suite au droit au retrait invoqué par un personnel inquiet, le directeur général de la santé avait alors précisé que « la situation et les conditions actuelles ne sont pas compatibles avec un droit de retrait ».
L’établissement a ouvert de nouveau le 4 mars après l’engagement de la direction à des mesures complémentaires à celles déjà déployées. « On n’est pas aujourd’hui dans des mesures de fermeture des grands établissements, parce que la situation épidémiologique ne l’exige pas »
a déclaré à cette occasion le ministère de la Santé…
Même si Pôle emploi a annoncé, le 2 mars, la fermeture provisoire de ses bureaux d’Annecy, suite à la contamination d’une de ses salariées, son directeur général a décidé, le 6 mars, de garder ses agences ouvertes même dans les foyers (« clusters ») de propagation du Coronavirus, affirmant son « obsession de continuer à fonctionner comme un service public »
et ce même en cas de passage au stade épidémique…
Questionnée sur le droit de retrait exercé sur des lignes de bus exploitées par les opérateurs Keolis et Transdev dans l’Essonne, la ministre des Transports a expliqué que entreprises de transport recevaient des consignes des pouvoirs publics et que « quand les entreprises respectent ces consignes, le droit de retrait ne s’applique pas ».
Dans le public, le droit de retrait peut être invoqué sauf s’il compromet des « missions de sécurité des biens et des personnes » qui sont « incompatibles avec l’exercice du droit de retrait individuel ». Ces missions sont déterminées par les ministères concernés après avis des instances et la commission centrale d’hygiène et de sécurité du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État. La non-présentation à ces instances d’une note du 24 février concernant les mesures prises face au coronavirus et adressée aux recteurs d’académie par le ministre de l’Education nationale a été dénoncée, le 26 février, par la FNEC-FP-FO (Fédération nationale de l’Enseignement, de la Culture et de la Formation professionnelle). Cette dernière a demandé que « lorsque des élèves sont placés en quarantaine, comme cela a été le cas en Seine Saint Denis, (…) les personnels en soient tenus informés ».
Le Ministre de l’Education nationale a, le 5 mars, fermé la porte au droit de retrait pour les enseignants, sauf « fragilités immunodéficitaires particulières », en déclarant : « Le sujet du droit de retrait est un sujet pour tout le monde et pas spécifiquement pour les professeurs. Toutes les études juridiques ont été très claires sur ce point : le droit de retrait ne s’applique pas dans des circonstances comme celles-ci, la définition du droit de retrait ne correspond pas à ce que nous sommes en train de vivre, donc il y a pas de droit de retrait ».
http://www.fo-snudi.fr/IMG/pdf/20-02-26-_cp-gt-jmb_-_coronavirus.pdf
Pour assurer sécurité et santé…
Alors qu’hygiène et santé sont devenus primordiaux pour ne serait-ce que freiner la progression de l’épidémie, on peut s’interroger sur la pertinence d’avoir dissous le CHSCT dans le CSE (Comité social et économique), qui a lui-même remplacé le comité d’entreprise (CE) au 1er janvier 2020. Pour les entreprises d’au moins 300 salariés, une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) au sein de ce CSE doit être établie. Comme il peut informer l’employeur, le salarié peut prévenir le CSE, qui dispose d’un droit d’alerte.
A la RATP, à la suite de l’annonce de la contamination d’une employée, un CSSCT extraordinaire a été réuni le 5 mars « pour définir les nouvelles règles sanitaires et rassurer les salariés. » Habilitée à valider le confinement de salariés, « l’Agence régionale de santé va faire tout de suite l’enquête et va dire qui doit rester chez soi »
, a précisé la ministre du Travail.
Côté police, en revanche, le secrétaire général du syndicat de police Unité-SGP-FO, a déploré le manque d’équipements face au Coronavirus au lendemain d’une réunion hygiène et sécurité extraordinaire le 4 mars, déclarant : « Si le 9 mars, nous n’avons pas une réponse formelle, positive en la matière, nous exercerons notre droit de retrait ».
La lutte contre le Coronavirus incombe aussi à chacun, comme le stipule le Code du travail : « il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou omissions au travail »
. Toutefois, « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs » (articles L.41221, 1 et 2). D’ailleurs l’employeur, « pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L4121-1 du Code du travail), doit prendre « les mesures nécessaires », notamment « des actions d’information et de formation ». Ces mesures doivent être adaptées « pour tenir compte du changement des circonstances »…
Le télétravail peut être une solution, une épidémie étant même envisagée par l’article L1222-11 du Code du travail : « En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés ». C’est-à-dire sans l’accord du salarié́.
Carence
Le délai de carence ne s’applique pas dans le cadre des indemnités journalières bénéficiant aux « assurés qui font l’objet d’une mesure d’isolement, d’éviction ou de maintien à domicile et se trouvent dans l’impossibilité de travailler ». Ces indemnités sont fixées à vingt jours. Ce sont les agences régionales de santé (ARS) qui identifient les assurés en question. Ces mesures ont été annoncées par le gouvernement le 27 février suite à une réunion des ministres du Travail et de l’Economie avec les interlocuteurs sociaux, dont FO. Par contre, une personne touchée par le coronavirus et en arrêt maladie délivré par son médecin traitant n’échappera pas à ce délai de carence.
Il n’y a pas non plus d’application du délai de carence quand un des deux parents d’enfant de moins de 16 ans concerné par une fermeture d’école en zone de circulation du virus bénéficie d’un arrêt de travail indemnisé (si une solution de télétravail n’a pu être organisée), a indiqué le ministère des Solidarités et de la Santé. Le parent concerné doit contacter son employeur et l’employeur doit déclarer l’arrêt. Le 6 mars, le ministre de l’Education nationale a indiqué que « 150 établissements scolaires sont fermés en ce moment, cela touche entre 30 000 et 45 000 enfants ».
Pour plus d’informations : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus
Activité partielle
400 sociétés ont annoncé qu’elles entendaient « mettre au chômage partiel une partie de leurs salariés », soit quelque 6 000 personnes, a indiqué, le 5 mars, la ministre du Travail. Celle-ci a rappelé que toute entreprise dont l’activité est mise en difficulté par l’épidémie peut faire une demande de chômage technique aux directions régionales du ministère du Travail. Si cette dernière est acceptée, « le ministère du Travail rembourse une partie du salaire aux entreprises pour passer le coup dur ». Le ministère du Travail indique que les salariés placés en position d’activité partielle, « perçoivent une indemnité compensatrice versée par leur employeur » qui correspond « au minimum à 70 % de la rémunération antérieure brute et peut être augmentée par l’employeur. En cas de formation pendant l’activité partielle, cette indemnité est portée à 100 % de la rémunération nette antérieure ».
https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/coronavirus_entreprises_et_salaries_q-r.pdf
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly