Coronavirus : à la RATP, pour FO, c’est priorité à la sécurité


Alors que la RATP a maintenu près d’un tiers de son offre de service, le syndicat FO dénonce des conditions de travail particulièrement difficiles et revendique une meilleure protection pour les agents comme les usagers.

Depuis la mise en place des mesures de confinement le 17 mars, seuls les déplacements strictement nécessaires sont autorisés et les transports en commun sont quasiment désertés. La Régie autonome des transports parisiens (RATP) assure encore 30 % en moyenne de son service normal, essentiellement pour permettre aux salariés des hôpitaux, commerces ou services vitaux, comme l’énergie ou l’eau, d’aller travailler. La fréquentation des bus, métros, RER et trams est tombée aux alentours de 5 % de l’affluence habituelle selon la direction, mais certaines lignes restent chargées. Une cinquantaine de stations de métro sont fermées et les métros et RER s’arrêtent désormais à 22h. Des navettes spéciales ont également été mises en place pour le personnel hospitalier.

Dès le début de la crise sanitaire, FO a exigé que tout soit mis en œuvre pour assurer la sécurité des salariés et des usagers des transports. Et cela reste aujourd’hui la revendication première du syndicat. Au départ, il n’y avait même pas de savon pour se laver les mains dans les locaux, dénonce Patricia Lasalmonie, secrétaire générale du syndicat FO-RATP.

Les premières semaines ont été particulièrement difficiles pour les agents qui n’étaient pas considérés comme prioritaires pour obtenir du matériel de protection. Tous les salariés qui n’étaient pas en arrêt pour maladie ou garde d’enfants ont continué à venir travailler, malgré la baisse d’offre de transport, c’était la promiscuité totale, dénonce-t-elle. Il y avait aussi des problèmes pour se passer les clés entre salariés. La direction a même refusé à des agents du guichet de venir avec leurs propres masques et gants.

Quatre petites lingettes pour nettoyer un poste de conduite

Philippe Trébeau, délégué FO et conducteur sur la ligne B du RER, évoque un climat très anxiogène. Il est d’ailleurs en arrêt maladie depuis le 1er avril, avec tous les symptômes du Covid-19. J’avais un peu peur de venir travailler, admet-il. On nous donnait quatre lingettes de taille lunettes pour nettoyer le poste de conduite. On avait aussi un kit avec un masque et des gants, mais on ne devait s’en servir que pour intervenir dans les trains si le signal d’alarme était tiré. Sinon, on devait le rendre à la fin du service. Ce kit passait de main en main. Les moyens n’étaient pas à la hauteur, c’est scandaleux.

À la RATP, plus d’une centaine de cas de contamination ont été enregistrés selon la direction. Et le 9 avril, un troisième agent est décédé du Coronavirus. Pour les syndicats les mesures ont été prises bien trop tard.

Contrairement à ce qui se faisait déjà en province, la RATP a mis trois semaines avant de condamner les portes avant des bus, afin que les passagers ne montent que par l’arrière, dénonce Patricia Lasalmonie.

C’est seulement le 8 avril, après plus de trois semaines de confinement, que la RATP a commencé à distribuer des masques aux salariés. Les syndicats les réclamaient depuis le début de la crise. La présidente de Région Valérie Pécresse en avait fait la demande la veille. Désormais, la direction affirme en donner deux par jour et par agent. On leur dit que le masque est obligatoire, mais seulement lors d’un contact avec quelqu’un suspecté de Covid, poursuit Patricia Lasalmonie. S’ils ne s’en servent pas, les chauffeurs sont censés les rendre à la fin du service. En revanche, elle reconnaît que la gestion du personnel est un peu mieux faite depuis cette date, avec moins de contacts entre les salariés.

Désinfection insuffisante du matériel

FO pointe aussi la mauvaise désinfection du matériel On voit des trains prétendument désinfectés avec plein de détritus par terre, raconte Philippe Trébeau. Avant de désinfecter, il faut nettoyer, l’un ne va pas sans l’autre. On ne remet pas en cause les salariés des entreprises de nettoyage, mais leurs employeurs qui leur imposent ces conditions et ne leur fournissent pas forcément les produits adéquats. Et ce qui m’a scandalisé, c’est que la Régie a conservé la culture du rendement. Si on démarrait en retard parce qu’on prenait le temps de nettoyer le poste de conduite, on se faisait rappeler à l’ordre, comme si la situation était normale.

Pour Patricia Lasalmonie, la RATP n’opère pas une vraie décontamination, comme c’est le cas dans les transports en commun de Saint-Étienne ou de Clermont-Ferrand. Rien n’est ramassé, on demande juste au personnel de ménage d’essuyer les barres, or ils manquent de matériel, ajoute-t-elle. On fait comme si Paris n’était pas une région à risques. Cependant, entre eux les conducteurs disent qu’ils transportent le Covid.

Selon la secrétaire générale du syndicat FO, près de la moitié des salariés de la RATP sont au travail. À la quatrième semaine de confinement, on leur a demandé de venir travailler seulement un jour sur deux, poursuit-elle. Il vaudrait mieux des cycles de cinq jours, pour permettre à d’éventuels porteurs de Covid de déclarer la maladie.

Perte de salaire

Mais pour les salariés, activité partielle rime avec suppressions de primes et pertes de salaire en fin de mois. Une baisse de revenus particulièrement difficile à vivre après un mois et demi de grève contre la réforme des retraites.

Les salariés viennent travailler, courent le risque de tomber malades, ne reçoivent pas de reconnaissance, et en plus ils perdent du salaire, dénonce Patricia Lasalmonie. On revendique une prime, non pas pour compenser l’absence de protection contre le virus, mais pour compenser la perte de salaire.

Elle reconnaît que des salariés malades sont aussi venus travailler pour des raisons financières. En arrêt maladie, ils perdent les primes et il y a des abattements sur le salaire, explique la militante. On demande pour les malades du Covid la reconnaissance en accident du travail et maladie professionnelle. On ne sait pas combien d’agents sont malades, personne n’est testé. Quand un cas est déclaré, on nettoie les locaux mais les collègues qui ont côtoyé le malade continuent de venir travailler.

Sans les pertes financières de la mobilisation, les salariés se seraient mis en grève vu les conditions de travail, mais là ils ne le peuvent pas, poursuit-elle. On espère que cette crise sanitaire fera réfléchir les politiques sur la façon de gérer l’humain. Par exemple, espère la militante, en envoyant définitivement aux oubliettes de l’histoire le projet de réforme des retraites.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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