Comment les ordonnances travail ont impacté l’organisation du dialogue social

Une étude de la Dares de janvier 2025 mesure les conséquences des ordonnances Macron de 2017 sur les relations professionnelles, confirmant les craintes de FO.

D’une étude à l’autre, le ministère du Travail confirme les craintes de FO sur les ordonnances Macron, déclare Karen Gournay, secrétaire confédérale en charge de la négociation collective et de la représentativité. Une étude de la Dares, rendue publique le 23 janvier, compare les relations professionnelles et la négociation d’entreprise entre 2014-2016 et 2020-2022, donc avant et après les ordonnances de 2017. Celles-ci ont notamment fusionné les instances représentatives du personnel (IRP) et instauré un barème pour les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif.

Moins des représentants sur site

Il ressort de cette étude que de moins en moins d’établissements sont couverts par une IRP (67% avant les ordonnances ; 63% après) et que les élus du personnel sont moins présents sur site qu’auparavant. Ainsi, les statisticiens de la Dares notent qu’accompagnant un mouvement de centralisation progressive des instances de dialogue social dans les entreprises multi-sites, 63% des établissements de ces entreprises ont un élu présent sur site (- 5 points par rapport à 2017). Avant les ordonnances, il y avait un comité social d’entreprise (CSE) par établissement et un CSE central, aujourd’hui, il y a un CSE au siège, donc pas de représentant du personnel sur site, explique Karen Gournay. Une perte de proximité déjà constatée dans une précédente étude de la Dares (« La fusion des IRP a affaibli la représentation des salariés »). pour FO, il faut rétablir des CSE d’établissement au moment de la négociation de l’accord sur le CSE ; ou, à défaut négocier la création de représentants de proximité dotés de moyens, déclare Karen Gournay.

Négociation sans délégué syndical

L’étude de la Dares constate par ailleurs une augmentation des négociations dans les entreprises dépourvues de délégué syndical (DS) : 29% des entreprises sans DS ont négocié un accord en 2020-2022, contre 27% entre 2014 et 2016. C’était un but affiché des ordonnances de 2017, qui étendent significativement la liste des sujets sur lesquels des accords peuvent être signés par des élus du personnel, rappellent les auteurs de l’étude. Ce que ne mesure pas l’étude, c’est une baisse de la qualité des accords négociés, explique Karen Gournay. Car on sait qu’un accord négocié par un salarié élu ou mandaté est plus déséquilibré qu’un accord négocié par un délégué syndical qui est formé. Ce contournement du syndicat dans son rôle de négociateur crée un risque de dégradation des conditions de travail et des droits des salariés, analyse la secrétaire confédérale FO.

Dialogue social avec des salariés porte-parole

L’étude va même encore plus loin en signalant, pour la première fois, dans les entreprises sans représentant du personnel, un dialogue social avec des salariés porte-parole. Selon la définition de la Dares, il s’agit d’un ou plusieurs salariés, sans mandat, représentant les autres salariés. Pour Karen Gournay, ces porte-parole sont des salariés sans rôle officiel, sans protection, sans marge de négociation, sans accompagnement, négociant au nom de tous les salariés, en lien avec la direction. Des « négociations » avec des « porte-parole », portant principalement sur les conditions de travail, sa durée et le climat social, se sont ainsi déroulées dans 64% des établissements dépourvus d’IRP. Les établissements concernés sont, logiquement, des très petites entreprises employant moins de 20 salariés, mais aussi des établissements de plus grande taille dans des entreprises multisites dépourvues de représentants de proximité, explique Karen Gournay.

Autre conséquence de la moindre couverture des établissements par les IRP, la Dares constate un recul significatif (-7 points) du recours aux prud’hommes entre 2014-2016 et 2020-2022. D’abord en raison des barèmes, mais aussi parce que sans représentant, les salariés se posent moins la question de recourir aux prud’hommes car ils sont moins informés et accompagnés par un syndicat, analyse Karen Gournay.

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