En amont du sommet de la Francophonie qui se tenait en France les 4 et 5 octobre et réunissait des chefs d’État et de gouvernement, FO a de son côté organisé le 3 octobre au Conseil économique, social et environnemental un colloque sur les enjeux du syndicalisme francophone. L’occasion d’appeler de grandes institutions à s’ouvrir plus encore aux syndicats.
Dans une économie mondialisée, quel rôle peut jouer le syndicalisme francophone ? Et comment dynamiser sa position sur le plan mondial ? En amont du XIXe sommet de la Francophonie qui s’est tenu les 4 et 5 octobre à Villers-Cotterêts et Paris, FO a choisi d’organiser de son côté le 3 octobre au Conseil économique, social et environnemental (CESE) un colloque sur « la francophonie syndicale dans le monde ». L’objectif était clairement affiché : défendre la place des syndicats.
L’événement, organisé avec le soutien du réseau francophone de la Confédération internationale du travail (CSI), a rassemblé une cinquantaine de syndicalistes de différents pays (Bénin, Belgique, Québec…) sur place ou en visioconférence. Etaient présents aussi des représentants d’institutions, comme l’Agence française de développement (AFD) ou l’Organisation internationale du travail (OIT).
Alors que la francophonie s’oriente de plus en plus vers des préoccupations d’ordre économique, FO souligne la nécessité de renforcer sa dimension sociale. Il faut assurer une voix des travailleurs francophones au niveau international a plaidé Branislav Rugani, secrétaire confédéral FO en charge de l’international. Il a notamment enjoint des organismes comme l’Ucesif (Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires francophones) à inclure les syndicats. Même écho du côté de la CSI : Les valeurs syndicales doivent être poussées pour renforcer la francophonie. Qu’il s’agisse de gouvernance du travail ou d’insertion des jeunes, les représentants des travailleurs doivent être des interlocuteurs a renchéri Anselme Amoussou, secrétaire général adjoint de la CSI de la région Afrique.
Le français, de son adoption nationale à son rayonnement international
Le poids du français, cinquième langue la plus parlée dans le monde, reste conséquent. L’espace économique francophone représente 88 pays, 17,5 % de la population mondiale et pèse 16,5 % du PNB mondial, selon un récent rapport du CESE sur l’économie et le numérique de l’espace francophone. Rapport auquel FO a apporté sa contribution. Depuis le début du XVIIIe, le français est devenu une langue diplomatique très utilisée dans le monde, un règne qui a duré près de 300 ans, et qui est né de la rédaction pour la première fois en français (et non en latin) d’un traité, celui de Rastatt (6 mars 1714) signé entre le royaume de France et la monarchie de Habsbourg. Celui-ci mettait fin à la longue guerre de succession au trône d’Espagne. Ce rayonnement mondial de la langue française, à la faveur notamment de son usage diplomatique, aurait été impossible sans un autre acte fondateur, près de deux cents ans plus tôt. En 1539, François 1er signait en effet l’ordonnance de Villers-Cotterêts (commune de l’Aisne) laquelle impose notamment l’utilisation du français pour tout acte de justice et de portée juridique dans le Royaume de France. L’ordonnance, participera à imposer la langue française sera signée au Château royal, devenu depuis novembre 2023, et après de gros travaux de restauration, la cité internationale de la langue française.
Le dialogue social s’exprime beaucoup mieux dans sa langue natale
La mondialisation et le l’utilisation de l’outil numérique ont toutefois changé la donne en matière de rayonnement de la langue française. Dans leurs interventions, les participants au colloque organisé par FO ont ainsi tous souligné l’effondrement dans le monde du travail de l’utilisation de la langue française, et cela au profit de l’anglais. Au Québec, dans les visioconférences, il suffit d’avoir un coordonnateur d’équipe anglophone pour que les gens soient obligés de parler anglais, notamment dans la fonction publique fédérale a témoigné Gilles Grondin, ex-conseiller à la francisation à la fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ). L’usage du français est aussi en net recul dans les institutions, comme à la Commission européenne. Et dans une moindre mesure à l’OIT. L’anglais globish qu’on pratique aujourd’hui est plat et fausse la prise de décision. Le dialogue social s’exprime beaucoup mieux dans sa langue natale. La francophonie, avec toutes ses diversités culturelles, reste donc très importante a défendu Cyril Cosme, directeur du bureau de l’OIT en France.
Diffuser les normes de l’OIT dans les pays francophones
Pour dynamiser la place du syndicalisme francophone, les intervenants ont esquissé quelques pistes de coopération à renforcer, notamment via l’accord entre l’OIT et l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), pilier de la coopération éducative et économique auprès des 88 États. Pour FO, les normes internationales du travail de l’OIT doivent être le pilier des actions de la francophonie syndicale. Et beaucoup reste à faire pour les faire appliquer. Des syndicalistes ont par ailleurs pointé des désaccords persistants entre pays francophones, concernant la reconnaissance du droit de grève ou encore de la non-discrimination liée au genre. La cause des femmes doit aussi avancer : Nous espérons que l’organisation internationale de la francophonie s’engagera davantage auprès de ses membres pour ratifier la convention 190 de l’OIT sur la violence et le harcèlement, qui sont encore une réalité pour nombre de femmes dans le monde du travail a souligné Béatrice Clicq, présidente du groupe FO au CESE et en charge de l’égalité femmes-hommes à la confédération, s’adressant à Michèle Balourd-Quidal, cheffe de l’unité égalité femmes-hommes à l’OIF. Comme un symbole, la représentante de FO lui a remis la contribution écrite de la CSI-Francophonie, élaborée pour ce XIXe sommet. Une façon d’inciter l’OIF à intégrer davantage les droits des travailleurs dans ses actions.