Le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki porte à l’écran une histoire d’amour toute en couleurs et en douceur. Les feuilles mortes surfent pourtant sur un fond d’actualité plutôt guerrier et des difficultés de la vie dans un monde du travail sans pitié.
Aki Kaurismäki est de retour, six ans après son dernier film. Les feuilles mortes content une histoire d’amour comme il s’en produit tous les jours sur la planète. Ansa, employée d’un supermarché, rencontre Holappa qui travaille dans le bâtiment. Elle court de petits jobs en petits jobs et vit chichement dans le studio légué par sa tante. Elle est renvoyée pour avoir volé un plat périmé. Retrouve un emploi dans un restaurant mais dont le patron est arrêté, la veille du jour de paie. Elle se retrouve les mains vides et en quête d’un nouveau gagne-pain. La vie d’Holappa n’est guère plus facile, lui qui habite dans un container sur le chantier. Jusqu’à ce qu’il perde son contrat « zéro heures », une de ces conventions où le salarié doit être disponible à tout moment, corvéable à merci et surtout licenciable sans préavis ni indemnités. Dans leurs difficultés quotidiennes, la rencontre fait soudain jaillir l’espoir même si le début de leur idylle sera semé d’embûches. Car Kaurismäki n’est pas Ken Loach.
L’esthétique typique du réalisateur
On retrouve ici tout ce que l’on connaît du réalisateur finlandais : son intérêt pour les personnages déclassés et les conséquences du capitalisme débridé, son esthétique attachée aux années 1950 – même si la radio vintage d’Ansa ne diffuse que des actualités sur le conflit russo-ukrainien –, son économie de dialogues, la simplicité et l’efficacité des plans, les décors simples et colorés, les nombreux plans statiques, une certaine lenteur dans l’action…
Peu de mots sont nécessaires à ses personnages pour se comprendre, aucune effusion n’est exprimée pourtant l’essentiel des sentiments est là, palpable. Les références au cinéma français sont très présentes. Et le choix du titre, référence à Jacques Prévert, n’est pas un hasard. Si Aki Kaurismaki ne parle pas Français c’est un francophile de longue date. Le pays le lui rend bien puisque ce film a été couronné à Cannes d’un Prix du jury. Une récompense bien méritée pour ce moment plein de poésie et de tendresse.