Christophe, un justicier chez Amazon


Christophe Bocquet, 38 ans, est délégué FO chez Amazon à Lille. Il se bat pour la reconnaissance du travail des salariés et une juste redistribution des richesses de l’entreprise. Il vient aussi de faire annuler les élections CSE. L’exercice syndical chez le leader mondial du e-commerce est un combat.

A quelle fréquence votre manager agit-il d’une façon qui suscite l’admiration ? Voici le genre de question posée aux salariés d’Amazon avant qu’ils ne connectent leur ordinateur ou scanner. Selon la direction, je serais le seul de l’établissement à refuser de répondre, souligne Christophe Bocquet, délégué FO à l’entrepôt LIL1. La direction dit que c’est anonyme, mais régulièrement des salariés sont convoqués pour justifier leurs réponses. Ces données servent à évaluer les cadres en fin d’année.

Il est entré chez Amazon en 2013, quand un entrepôt a ouvert près de chez lui. Avant, il avait travaillé onze ans comme responsable d’un atelier peinture, puis un an comme chauffeur de poids lourd. J’ai fait partie des 80 premiers salariés, aujourd’hui on est 2 000 en CDI et 2 000 intérimaires, explique-t-il. Embauché comme formateur, Christophe prend rapidement des fonctions managériales. J’étais du côté obscur de la force, mais peu à peu je me suis rendu compte que je n’avais pas la même vision des choses que la direction, relate-t-il. Les responsables d’équipe avaient des quotas de sanctions à appliquer envers les salariés.

Lors des élections professionnelles de 2015 il se présente sur une liste. J’avais une méconnaissance totale des syndicats, je voulais une certaine justice et défendre les salariés. Il est élu trésorier du CE et secrétaire du CCE Amazon France logistique. En côtoyant d’autres élus, j’ai réalisé que les valeurs de FO, l’indépendance, la liberté et la démocratie, me correspondaient davantage que celles du syndicat auquel j’adhérais. Il arrive à FO fin 2017. Il est désigné RSS FO mais conserve ses mandats.

Des expertises à l’échelle du groupe

Christophe revendique la reconnaissance du travail des salariés, la défense de leurs droits et une juste redistribution de la richesse. Amazon gagne énormément d’argent grâce à ces petites mains dont cependant la rémunération n’augmente pas, dénonce-t-il. Dès son élection en tant que secrétaire du CCE il avait lancé des expertises à l’échelle du groupe, une première qui n’a pas beaucoup plu à la direction. Il exige aussi le respect des classifications. Beaucoup de salariés exercent des fonctions de cadre sans en avoir ni le statut ni la rémunération.

Le 31 décembre dernier il a fait annuler en justice les élections CSE de septembre 2019, un syndicat maison ne respectant pas les conditions d’ancienneté. Un nouveau scrutin est prévu en mars 2020.

Mais Christophe explique qu’il paye cher son engagement syndical. Depuis quatre ans, fini l’encadrement. Il a été envoyé à la mise en stock, scanner en main. Humiliations, dégringolade dans les échelons… Et c’est reparti de plus belle depuis le recours engagé à propos des élections. C’est compliqué à vivre mais je ne vais pas lâcher.

Ce père de famille, qui se bat aussi pour l’avenir de ses quatre enfants, âgés de 8 à 21 ans, a saisi les prud’hommes en 2017 pour harcèlement, discrimination et non-respect de la classification. Le 3 décembre, l’affaire a encore été reportée. C’est très long, témoigne Christophe, ému. Son objectif, réussir les prochaines élections. En septembre il manquait 5 voix à FO pour être représentatif, et ce malgré les tentatives de la direction de mettre des bâtons dans les roues aux actions de la section. Christophe souhaite renforcer l’équipe FO et passer le relais. Pour moi être syndicaliste c’est avant tout avoir des convictions, ce n’est pas un métier, explique-t-il.


Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly

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