Alors que le fabricant de chaussure basé en Touraine a été placé en redressement judiciaire, une interprétation étrange par la direction du statut d’unité économique et sociale lui a permis de se séparer en premier lieu des salariés des boutiques, issues pourtant d’une SARL distincte. Douze des vingt salariés devraient perdre leur travail, et d’après des critères de licenciement qui interrogent.
Si le prix des chaussures qu’elles vendaient oscillait entre 200 euros et 999 euros la paire, pour autant cet univers du luxe n’impliquait aucunement une sécurité d’emploi pour les vendeuses des magasins Arche à Paris. La preuve, hélas. Alors que l’usine de fabrication de ces chaussures, située en Indre-et-Loire, créée en 1968 et comptant cent-dix salariés, a été placée en redressement judiciaire le 1er février, ce sont les salariées des boutiques qui en payent le prix fort.
L’entreprise est mal gérée depuis longtemps, souligne Caroline Prioult, de la section FO Commerce (SECC FO) de Paris, qui suit de près le dossier. D’un côté il y a l’entreprise Arche, soit l’usine chargée de la fabrication des chaussures, de l’autre, la SARL Base qui gère les boutiques Arche. Cependant, le montage a toutes les caractéristiques d’une unité économique et social (UES) puisqu’il s’agit de deux entreprises aux statuts différents mais avec des liens étroits. C’est une UES qui ne dit pas son nom, indique la militante. Alors que l’entreprise vendait les chaussures à la SARL, les boutiques et l’usine sont traitées par la même DRH.
Une UES est un regroupement en une unité de plusieurs entreprises juridiquement distinctes présentant des liens étroits : activités communes ou complémentaires, unité de direction, communauté de travailleurs ayant des intérêts communs.
La procédure collective étendue de l’usine aux boutiques
Durant la procédure de redressement, le mandataire a découvert cette incohérence et a pointé une confusion de patrimoine. Ce qui a conduit à étendre la procédure collective aux boutiques, sous la forme d’un large plan de sauvegarde de l’emploi. Deux tiers des magasins et deux tiers de leurs effectifs sont concernés. C’est vraiment pour dire que tout ne ferme pas et que tout le monde n’est pas licencié ! grince Caroline Prioult.
Si l’UES avait été reconnue auparavant, les compressions d’effectifs auraient concerné tout le monde. Là, cela sauve les salariés de l’usine, et c’est tant mieux, mais en sacrifiant ceux des boutiques. Mais peut-être que cela arrange la direction… Les magasins représentent un coût dû aux loyers parisiens, les salaires… Et par ailleurs, l’entreprise vend beaucoup à l’export via internet. Ainsi 74 % des ventes d’Arche sont réalisées hors de France, dans plus de 35 pays.
Des critères étranges de licenciements
La seule et unique élue CSE, non syndiquée, a validé la totalité du projet qui lui a été présenté. Y compris des critères, pour échapper ou pas à un licenciement, qui interrogent. Le niveau d’anglais est évoqué comme critère qui donne le plus de points (pour être gardé dans l’entreprise, Ndlr). Pourtant, l’entreprise n’a jamais indiqué cette nécessité de parler anglais, et n’a jamais proposé de formation à ces salariées, souligne Caroline Prioult.
Le critère disciplinaire pose également question. La perte de points qu’il implique, soit 3 points enlevés, est supérieure au gain de points qu’induit la situation vulnérable d’un travailleur en situation de handicap, qui représente un gain de 2 points. Autrement dit, l’entreprise favorise le maintien de ceux qu’elle juge bons employés plutôt que des salariés en situation de handicap, alors que l’on sait que ces derniers ont plus de difficultés à trouver un travail !
Les entretiens pour les licenciements ont commencé
Pour les douze salariés concernés par le PSE (sur les vingt que compte la SARL), la procédure a commencé. Les premiers entretiens ont été effectués le 1er juillet, donc on s’attend à des licenciements à la fin du mois. Mais nous n’avons aucune information sur le calendrier exact, ni même des annonces officielles quant aux fermetures des boutiques… Cela alors que le 24 juillet, Arche doit présenter son plan de redressement au tribunal de commerce.