Une fermeture d’entreprise peut être vécue comme un événement traumatisant, surtout lorsqu’aucune solution de repli n’a été trouvée.
Rigoureusement encadré, le licenciement économique comprend une étape essentielle : la recherche de reclassement du salarié.
Toutefois, l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur n’est pas absolue, ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 27 mars 2024 (Cass. soc., 27-3-24, n°22-23055).
En l’espèce, les faits sont les suivants : deux salariés sont engagés dans une association. Celle-ci va cesser toute activité et licencie à cet effet les deux salariés. Leur licenciement est reconnu comme n’ayant pas une cause réelle et sérieuse, faute pour l’employeur d’avoir tenté un reclassement des deux salariés.
L’employeur forme un pourvoi en cassation. A l’appui de celui-ci, il invoque que la cessation totale et définitive de l’association constitue un motif valable de licenciement sans qu’il y ait besoin de procéder à une recherche de reclassement.
La Cour donne raison à l’employeur, mais son motif diffère sensiblement.
Elle affirme que la cessation complète et définitive de l’activité de l’entreprise constitue en soi un motif de licenciement. Cependant, si l’employeur a pu valablement ne pas avoir à tenter de reclasser les salariés, ce n’est pas en raison de la cessation d’activité, mais parce que, dans les faits, l’association ne faisait pas partie d’un groupe.
Un bref point sur l’obligation de reclassement est utile avant de revenir à l’arrêt.
L’article L 1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque (…) le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie (…).
En principe, un licenciement économique prononcé en l’absence d’une recherche de reclassement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Précisons, par ailleurs, que l’obligation de reclassement n’est pas une obligation de résultat, mais de moyens. L’employeur ne doit pas repositionner coûte que coûte le salarié sur un autre poste (voir par ex., Cass. soc., 21-9-10, n°09-42102).
Cette obligation de recherche d’un reclassement connaît toutefois le tempérament qui est affirmé dans le présent arrêt : la cessation d’activité d’une entreprise n’appartenant pas à un groupe.
Il faut relever la nuance. La cessation d’activité n’est pas un motif qui dispense de manière générale un employeur de rechercher un reclassement des salariés dont le licenciement est envisagé. La dispense n’est permise que lorsque l’employeur ne fait pas partie d’un groupe.
La solution énoncée dans cet arrêt n’est pas nouvelle. Elle confirme une jurisprudence bien établie.
Comme mentionné plus haut, en principe, une cessation d’activité ne dispense pas un employeur de rechercher à reclasser le salarié dans un autre emploi. Toutefois, la Cour tempère ce propos depuis pas mal de temps. Elle a déjà énoncé, dans un arrêt du 29 mai 2002, que dès lors que la cessation d’activité est caractérisée et que l’employeur n’appartient pas à un groupe, il justifie de ce fait l’impossibilité de reclassement et peut ainsi licencier valablement un salarié (Cass. soc., 29-5-02, n°00-41939), solution confirmée dans un arrêt du 15 décembre 2010 (Cass. soc., 15-12-10, n°09-42795).
Il faut retenir de cet arrêt que l’obligation de reclassement ne disparaît pas si une cessation d’activité est envisagée. C’est seulement dans l’hypothèse, malheureusement courante, où l’entreprise ne fait pas partie d’un groupe, que la dispense de reclassement joue.