C’est à Carcassonne, dans l’Aude ― département symbole puisque FO y détient la première place en termes d’audience syndicale ―, que s’est tenu le Comité confédéral national les 24 et 25 septembre derniers. Un CCN qui s’est ouvert dans un contexte politique singulier et inattendu, trois jours en effet après la formation du gouvernement du nouveau Premier ministre Michel Barnier. Un gouvernement nommé plus de deux mois après l’issue des élections législatives. Cette actualité a pris bien sûr sa place lors de ces deux jours de CCN, entre autres par l’annonce de premières prises de contact avec les interlocuteurs ministériels. Au fil notamment de cinquante-trois interventions à la tribune, les militants ont surtout exprimé leur détermination à porter les revendications de FO. Plus que jamais, au plus vite et évidemment d’une même voix car contrairement à la politique qui divise, c’est l’indépendance qui [à FO, NDLR] nous rassemble, rappelait le secrétaire général de la confédération, Frédéric Souillot. Preuve en a été la résolution générale du CCN votée à l’unanimité. Elle acte le lancement d’une campagne de mobilisation, en particulier pour les salaires et l’abrogation de la réforme des retraites. FO pose dans ce cadre la perspective d’un meeting national à Paris, en amont d’un débat sur les retraites qui devrait se tenir fin octobre à l’Assemblée. Inscrite encore dans la résolution du CCN, la volonté de FO de proposer à d’autres organisations la construction d’une action commune de mobilisation pour obtenir, y compris par la grève, l’abrogation de la réforme des retraites. Un CCN à l’initiative.
F aire aboutir au plus vite les revendications et s’opposer plus que jamais à la poursuite des politiques d’austérité. Telle fut la teneur combative du Comité confédéral national qui s’est tenu les 24 et 25 septembre à Carcassonne, dans l’Aude… trois jours après la formation du nouveau gouvernement de Michel Barnier. Ce CCN avait donc un ton particulier. Les militants ont certes évoqué leur travail syndical pour les élections dans les Chambres d’agriculture, dans les TPE, dans les CSE.
Le CCN a approuvé par ailleurs le système de primo-adhésion en ligne pour les salariés souhaitant rejoindre FO d’abord par ce biais. Mais surtout, ce CNN a insisté sur l’insatisfaction sociale, forte, et sur l’urgence d’un arrêt immédiat des mesures d’austérité. Cela alors que les premières déclarations du gouvernement en matière de dépenses publiques n’avaient déjà rien de rassurant en cette fin septembre. Par les interventions à la tribune (cinquante-trois) ou encore par sa résolution générale, adoptée à l’unanimité, le CCN a dit toute son opposition à ces politiques qui, depuis des années, portent au pinacle la réduction drastique des dépenses publiques et écartent la possibilité d’un apport supplémentaire de recettes fiscales et sociales. Lesquelles baissent au fil de diverses réformes qui ont profité aux plus aisés et aux grandes entreprises.
La colère est grande, sourde
Cette équation infernale, qui plus est dans un contexte de croissance fragile (estimée pour l’instant à 1,1 % en 2024, comme en 2023), tout comme l’est la consommation des ménages censée la doper (+ 0,2 % en août sur la consommation de biens, comprenant une nouvelle baisse de celle de biens fabriqués), affiche des conséquences désastreuses tous azimuts. Ainsi sur les services publics (santé, éducation…), en manque de moyens et d’effectifs. Sur l’emploi, sur les salaires, sur les droits des travailleurs (la réforme des retraites et celles sur l’Assurance chômage ont été conçues exclusivement au nom des économies), sur les moyens disponibles pour la réindustrialisation et pour la transition écologique, sur le paritarisme (avec des cadrages budgétaires imposés intenables). La colère est grande, sourde parmi les travailleurs, résumait Frédéric Souillot, appelant à donner des perspectives. Entre autres pour les salaires et les retraites, le CCN a décidé l’organisation d’un meeting national à Paris d’ici le 31 octobre, date à laquelle doit se tenir un débat sur les retraites à l’Assemblée. Il a également décidé de proposer aux autres organisations la construction d’une mobilisation pour obtenir, y compris par la grève, l’abrogation de la réforme des retraites. Cette revendication réitérée a pris toute sa place au CCN, de même que celle d’un retour à la convention de novembre 2023 sur l’Assurance chômage. Et bien d’autres… les militants FO s’alarmant de la situation sociale. C’est la Santé que l’on dépèce, lançait ainsi Gérald Gautier (FEC-FO), pointant le risque d’une dégradation de la prise en charge des affections de longue durée (ALD). La CNAV, que nous présidons, c’est 15 millions de retraités et en gestion 150 milliards d’euros. Nous avons voté contre la COG car il y avait un manque évident de moyens. On a refusé la suppression de 1 000 postes sur cinq ans, indiquait Éric Blachon (UD de la Loire) notant, indigné, que de plus en plus d’agences ferment.
La réindustrialisation ne peut pas être un slogan éphémère
La hausse des salaires ? C’est une urgence, indiquait comme beaucoup d’autres militants Marlène Fernandez (UD de Gironde). Et du grain à moudre, il y en a, martelait Patrice Clos (FO-Transports et Logistique), reprenant une phrase d’André Bergeron. Une chose est sûre, analysait Pierre Courrèges-Clercq (UD de Dordogne), les Français ne veulent plus de la politique de casse sociale. Quant à la situation de l’emploi… Stéphane Renaud (UD de Haute-Savoie) rappelait qu’un pays sans industrie est un pays sans colonne vertébrale. Listant les nombreuses suppressions d’emplois dans son secteur, Pascal Miralles (FédéChimie) alertait aussi sur les conséquences déjà visibles, notamment chez les équipementiers, du passage des véhicules thermiques à l’électrique. Au nom de sa fédération, il demandait à la confédération d’organiser rapidement une réunion de toute la filière, où FO est représentée, afin de trouver des solutions et surtout offrir des perspectives à nos syndicats pour tenter d’enrayer cette casse industrielle et sociale. Il s’agit de mettre le gouvernement devant ses responsabilités pour une réelle réindustrialisation du pays. Parallèlement, le 29 septembre, quelques jours après le CCN, le secrétaire général de FO Métaux, Valentin Rodriguez, sollicitait par courrier une rencontre avec le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, cela afin de lui transmettre les nombreuses propositions de la fédération. La réindustrialisation ne peut pas être un slogan éphémère. Elle n’est rien de moins que la clé de l’autonomie stratégique de notre pays face à un monde qui devient chaque jour un peu plus instable, écrit FO Métaux, soulignant entre autres le lourd tribut que payent déjà les équipementiers de l’automobile avec le retour des délocalisations, des fermetures de sites et des PSE qui se multiplient.
Les Outremer tirent la sonnette d’alarme
On ne veut pas que ça flambe comme en Martinique, il faut trouver une solution, alerte Ursula Folk, secrétaire générale de l’union départementale de Guyane. Présents au CCN, des représentants des UD FO d’Outremer portent un cahier de revendications que Frédéric Souillot s’est chargé de remettre au Premier ministre. Ces territoires subissent un coût de la vie plus élevé qu’en métropole, lié, pour partie, à l’octroi de mer (une taxe sur les importations et qui sert à financer les collectivités locales). De plus, la majeure partie des produits et denrées sont importés, le coût élevé du transport fait encore grimper les prix. Problème également, le circuit de distribution est généralement aux mains quelques grandes entreprises, en quasi-monopole et donc sans concurrents. Nous avons, au long de la chaîne d’approvisionnement, une multiplication des intermédiaires, ce qui mène certains produits à être 100 % voire 200 % plus chers qu’en métropole, souligne Éric Bellemare (Martinique). Selon l’Insee, les prix de l’alimentaire sont en moyenne de 30 % à 42 % supérieurs à ceux de l’Hexagone. Nous voulons un vrai dialogue avec les représentants de l’État et les distributeurs, mais les entreprises refusent jusqu’à présent de nous rencontrer, explique Ursula Folk.
Vie chère mais niveau de vie faible
Une situation aberrante face au niveau de vie. Le salaire horaire minimum est ainsi de 8,58 euros en Polynésie et de 8,25 euros en Nouvelle-Calédonie. Il y a aussi chez nous beaucoup de laissés-pour-compte, observe Patrick Galenon (Polynésie française). À la Martinique, 26 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Des salariés et des fonctionnaires émargent à la banque alimentaire, s’indigne Éric Bellemare.
Les pensions des fonctionnaires sont un autre motif de colère avec la non-prise en compte des primes dans le calcul de la pension et la suppression de la majoration pour vie chère aux agents publics retraités. À Saint-Pierre-et-Miquelon un agent part avec l’équivalent de 50 % de sa rémunération totale, estime Lionel Aubry. Les fonctionnaires d’État bénéficient d’une mesure compensatoire dont nous souhaitons qu’elle soit étendue aux agents hospitaliers et territoriaux. Dans le Pacifique, la disparition de l’indemnité temporaire de retraite fait aussi des dégâts. Un rapport de l’Assemblée nationale sur la réforme de ce dispositif indique des taux de remplacement entre 41 % et 47 %… Outre l’abrogation de la réforme des retraites, nous demandons un amendement prévoyant de compenser cette perte, conclut Patrick Galenon.
En Nouvelle-Calédonie, les récents mouvements sociaux ont entraîné la perte d’au moins 7 000 emplois et la mise au chômage, totale ou partielle, de quelque 24 000 travailleurs. Nous voulons que l’État prenne ses responsabilités et que la reconstruction soit financée par des subventions et non des prêts, demande Jérôme Le Péchoux.
Emploi, conditions de travail, services publics… Les travailleurs inquiets
L’emploi demeure une inquiétude majeure pour les salariés, ont rappelé les membres du CCN. En mai 2024, la Banque de France a annoncé que 60 000 faillites avaient été enregistrées en France sur les douze derniers mois, soulignait ainsi Stéphane Renaud (UD de Haute-Savoie). Un chiffre en hausse constante. La liquidation judiciaire le 9 septembre de Milee (ex-Adrexo), distributeur d’imprimés publicitaires, est une illustration des difficultés sur l’emploi. 10 000 emplois sont touchés, représentant 3 500 équivalents temps plein, indiquait Sandrine Gamblin (UD de la Manche), appréhendant la détresse sociale dans laquelle ces salariés, travaillant en grande majorité à temps partiel, risquent de plonger.
Entre dégâts constatés et grandes incertitudes
Les inquiétudes portent aussi sur les restructurations, à l’œuvre. Ainsi à Nantes où le fabricant de chaudières et de pompes à chaleur Saunier Duval a annoncé 225 licenciements sur un effectif de 750 salariés, indiquait Michel Le Roc’h (UD de Loire-Atlantique), notant que le groupe préfère fabriquer ses pompes à chaleur en Slovaquie plutôt qu’à Nantes. Ironie, un plan d’action gouvernemental pour la création de 45 000 nouveaux emplois dans ce secteur industriel avait été annoncé au printemps 2024… Du côté des équipementiers automobiles, Forvia a annoncé la suppression de 10 000 postes en Europe d’ici à 2028. Novares (Ostwald, Alsace) est menacé de fermeture, 126 emplois sont sur la sellette, indiquait François Fournier (Fédéchimie). Dans cette filière, qui représentait 120 000 salariés en 2007 et 60 000 aujourd’hui, un emploi sur deux est menacé dans les deux ans, s’alarmait Franck Patin (UD des Vosges).
À ces menaces s’ajoutent celles portant sur la dégradation des conditions de travail et de statut. Chez Casino, expliquait ainsi Angélique Bruneau (FGTA-FO), le démantèlement du groupe (huit PSE négociés de juin à août 2024), qui comptait encore fin 2023 près de 45 000 salariés en France, impacte dramatiquement. Par la cession des points de vente à des enseignes misant sur la location-gérance ou l’organisation en franchise, les salariés sortent (après quinze mois) de la convention collective dont ils dépendaient pour se retrouver au minimum conventionnel. Par ailleurs, une vingtaine de magasins, non repris et représentant plus de 1 000 salariés, ferment leurs portes. Pierre Didio (UD de Savoie) a quant à lui alerté sur l’impact des réformes successives de l’Assurance chômage sur les saisonniers. Ils sont 36 000 en Savoie. Si la nouvelle convention s’appliquait au 1er novembre, cela aboutirait à ce qu’ils ne soient plus indemnisés qu’une année sur deux !
Les services publics et leurs agents à la peine
Dans le secteur public, les policiers s’inquiètent de n’avoir toujours pas reçu la prime promise en échange de leur mobilisation sur les Jeux olympiques et paralympiques, s’indignait Grégory Joron (Unité). À l’hôpital, les difficultés s’enchaînent et les professionnels s’inquiètent du manque d’effectifs et par conséquent de la non-ouverture de lits. En matière de santé encore, rapportait Christophe Le Comte (Essonne), deux des trois centres dentaires de l’Essonne ont baissé le rideau et la fermeture du centre CPAM s’annonce. Dans le secteur de la Défense, où 75 000 postes de personnels civils ont été supprimés en vingt ans, les missions sont en mode dégradé, et les divers dysfonctionnements dans la gestion du personnel génèrent de la souffrance chez les agents, soulignait de son côté Mohamed-Ali Anfif, rappelant que les 413 milliards d’euros de la loi militaire ne vont pas dans la poche des agents !.
Des luttes victorieuses
Les combats syndicaux de FO apportent heureusement de bonnes nouvelles. Parmi celles-ci, la mobilisation de l’Ehpad Jeanson à Angers, mi-septembre, qui a ainsi permis d’ouvrir des discussions sur l’application d’une convention collective et le recrutement d’intérimaires. À Toulouse, c’est l’action du SNUDI-FO qui a amené le rectorat à titulariser 46 enseignants de la liste complémentaire plutôt que de recruter des contractuels. Dans le secteur privé, la création de la Scop Duralex, pour laquelle FO a beaucoup œuvré, a, elle, permis de sauver l’ensemble des 228 emplois menacés par la mise en redressement judiciaire de l’entreprise en avril dernier.