Production quasiment à l’arrêt et marathon de négociations. A Marcq-en-Baroeul (Nord), les 114 salariés de l’usine historique de fabrication du célèbre bonbon, soutenus par FO, majoritaire, bataillent pour limiter au maximum la baisse de rémunération, que la Direction entend imposer dans le cadre du déménagement à huit kilomètres de la production. Les discussions reprennent ce jeudi 11 février.
Trois jours non-stop de négociations, dont une pleine journée en la présence de l’administration régionale du Travail, n’ont pas suffi à trouver une issue. La dernière proposition de la direction reste inentendable !
, dénonce David Poure, le délégué syndical FO de l’usine Carambar de Marcq-en-Baroeul, près de Lille (Nord). Trois mois après l’annonce de la fermeture, le 12 novembre dernier, le bras-de-fer se poursuit toujours entre la direction et l’intersyndicale réunissant cinq organisations dont FO, majoritaire.
Elle bataille contre la baisse de 15 % du salaire de base, que Carambar & Co voudrait imposer, à tous, dans le cadre du futur déménagement des lignes de production. Cette baisse de rémunération pourrait atteindre 25 % du brut annuel pour les ouvriers en production, dont les périphériques de salaire (prime d’équipe, de salissure, de nuit, etc) seraient aussi revus à la baisse. Dans cette guerre de position qui dure depuis trois mois, ces trois jours de négociation marquent une évolution : le 4 février, la direction a ramené de 15 % à… 12 % la baisse du salaire de base. Elle a les moyens de faire mieux que ça
, martèle le représentant FO. Les discussions reprennent ce jeudi.
La fermeture d’un établissement historique
FO Carambar, rappelle-t-il, ne s’oppose pas au déménagement, aussi difficile soit la fermeture d’un établissement historique : l’usine Delespaul-Havez de la rue de la chocolaterie, ouverte en 1899, est celle-là même où a été inventé le carambar en 1954. Sauf que les conditions proposées aux salariés, pour accompagner ce déménagement de la production à huit kilomètres de là, sont proprement indécentes
, explique David Poure.
D’ici l’été 2021, Caramabar & Co a programmé de déplacer les lignes de fabrication sur une autre usine du groupe CPK (Carambar, Poulain, Krema), l’établissement Lutti à Bondues, racheté en 2018. Or, dans le cadre de ce transfert, la direction a prévu de supprimer la totalité des 114 emplois en CDI, et de créer 105 CDI (proposés en reclassement aux salariés licenciés) aux conditions d’emploi en cours sur le site Lutti. Pour FO Carambar, le transfert de la production ne justifie pas de licenciements : les contrats de travail des salariés de Marcq-en-Baroeul doivent être maintenus, avec les mêmes salaires et accords d’établissement.
La direction veut faire de Marcq-en-Baroeul un exemple
Bien que la production soit fortement ralentie par les arrêts de travail depuis début janvier, au point de rendre chaque jour plus tangible le risque d’une rupture de stock des célèbres bonbons, Carambar&Co reste inflexible. Ce n’est pas le manque de moyens qui empêche la direction de maintenir les salaires. Son but est d’harmoniser vers le bas les conditions d’emploi dans le groupe. Elle veut faire de l’usine de Marcq-en-Baroeul un exemple
, commente David Poure.
En effet, le transfert à Bondues de la production de Marcq-en-Baroeul (10 000 tonnes à l’année) ne serait que le premier. Dès le rachat de l’usine Lutti, dont les capacités de production de 44 000 tonnes annuelles ne sont utilisées qu’à un tiers, le fonds d’investissement français Eurazeo, à l’origine de la création du groupe CPK et son actionnaire majoritaire, a affiché sa volonté d’en faire son navire amiral. L’usine de Saint-Genest-d’Ambière (Vienne), où 160 salariés fabriquent 10 500 tonnes à l’année de bonbons Krema et de Malabar, serait aussi menacée à court terme d’un transfert de ses lignes de production. Le 4 février, 50 % de ces salariés ont débrayé, par solidarité avec leurs collègues nordistes.
Offensive contre les acquis sociaux
Dans cette offensive contre les acquis sociaux des salariés de Marcq-en-Baroeul, la direction de Carambar & Co ne s’est rien interdit. A l’image du P-DG, Thierry Gaillard, qui dans la presse, prétend que les niveaux de rémunérations sont déconnectés du marché
. A l’image aussi du chantage à l’emploi fait par d’autres cadres dirigeants. Ainsi le directeur des opérations, Frédéric Olivier, a dit aux salariés que la production pourrait très bien se faire en Pologne
, raconte le délégué syndical FO. Depuis l’arrivée de la nouvelle direction générale, début 2018, le climat social a changé du tout au tout
, poursuit David Poure. Il n’y a plus d’augmentation générale. Soumis à renégociation en 2020, la participation et l’intéressement accusent une diminution de moitié de l’assiette de répartition.
Créé par le rachat en 2016 à l’Américain Mondelez d’une quinzaine de marques de confiserie, le groupe CPK affiche, avec 1 300 salariés et six sites de production dans l’Hexagone, un chiffre d’affaires de l’ordre de 330 millions d’euros. Selon le groupe, il ne serait pas profitable.
Aucun dispositif de compensation pérenne
L’intersyndicale a fait tourner la calculette. En fermant l’usine de Marcq-en-Baroeul, Carambar&Co économise 2,5 millions d’euros par an sur les coûts fixes
, reprend David Poure. Mais la direction attend plus du transfert de production. Dans sa dernière « proposition » datée du 4 février, où elle ramène la baisse du salaire de base de 15 % à 12 %, elle a concédé une allocation compensant les périphériques de salaire. Mais celle-ci serait temporaire (sur cinq ans) et dégressive (à raison de 10 % par an).
L’intersyndicale qui a consenti une diminution maximale de 6 % du salaire de base, revendique une indemnité compensant les périphériques de salaire, sur six ans, avec une dégressivité maximale de 5 % par an. Si les négociations n’aboutissent pas, chaque salarié ira jusqu’aux Prud’hommes pour faire valoir ses droits
, commente David Poure, conducteur de machine depuis 20 ans à l’usine de Marcq-en-Baroeul.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly