Jérôme Capdevielle : La rentrée sociale est toujours un moment important. Tout le monde sait que les gouvernements profitent souvent de la trêve estivale pour accélérer les « réformes ». Cette année, cela a eu lieu à un rythme sans précédent. Et, avec les lois Macron, la casse du Code du travail, ce que nous avons dépeint depuis des années est en train d’aboutir parce que toute l’architecture sociale de la République est dans le collimateur de nos gouvernants.
Et que dire de la situation dans le département ?
J. C. : Notre congrès départemental venant d’avoir lieu, nous avons pu regarder attentivement l’état économique de notre département. Entre 2011 et 2015, on a plus de 9 000 chômeurs en plus, soit une augmentation de 35 % en catégorie A. On arrive aujourd’hui à une situation à peine concevable. Au fond, l’économie des P.-O. est totalement déséquilibrée. Elle repose « sur la neige et le sable » et est complètement à la ramasse sur le tissu industriel. Il faut sortir de l’ornière du « tout commerce et tout tourisme », car, quand bien même une petite reprise – purement conjoncturelle – aurait lieu en France, notre département n’en bénéficierait absolument pas. Il faut, pour les P.-O., un interventionnisme dynamique qui favorise une politique d’industrialisation. Il faut creuser dans ce sens et cela exige l’intervention de l’Etat. Car la réduction de l’intervention publique, la dérégulation accélérée sont des erreurs qui mènent, on le voit bien, à des échecs cuisants.
Quel jugement portez-vous sur les mesures gouvernementales ?
J. C. : Le CICE est un scandale absolu. C’est plus qu’un cadeau au patronat, c’est un chèque cadeau ! Qui plus est, on ne voit pas la couleur de ces 21 milliards y compris dans les négociations annuelles obligatoires ! Ce que je sais, c’est que les trésoreries ont été refaites. Pire, certaines entreprises ont utilisé le CICE pour délocaliser et favoriser le dumping social. Si on veut intervenir auprès des entreprises pour relancer l’économie, qu’on exige que cela se traduise par l’investissement dans l’entreprise et par l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés. De plus la réduction des dotations aux collectivités territoriales et la réforme territoriale conduisent à la baisse des investissements publics. On voudrait ralentir l’économie qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Quand on écoute les salariés, on sent la chape de plomb de l’austérité qui pèse sur eux, qui dénature leur travail. Avec l’austérité, on touche à l’ADN sociale de la République.
Alors pourquoi F.O. ne participe pas à la journée d’action du 8 octobre ?
J. C. : Ce qui me gêne, c’est qu’entre la journée d’action du 9 avril et celle du 8 octobre prochain, la plate-forme revendicative est en recul, tant sur l’analyse des causes que sur les exigences. Pour F.O., l’unité syndicale ne peut se faire que sur la clarté des revendications, et quand on est dans une phase d’accélération des attaques, on ne doit pas « réduire la voilure ». Nous devons créer les conditions et les modalités d’action pour obtenir un rapport de force favorable à la classe ouvrière en faisant toucher du doigt les enjeux de société. Résister aujourd’hui, c’est bien mais il faut résister pour arracher des acquis demain !
Le Travailleur Catalan n°3615 – Semaine du 2 au 8 octobre 2015 – Propos recueillis par René Granmont