Plus d’une centaine d’assistants de langue recrutés par le rectorat n’avaient pas été payés fin octobre, un mois après le début de leur contrat. Seuls et sans le sou, ils se sont tournés vers le SNFOLC 75 qui les a accompagnés dans leur combat, mais aussi face à la précarité. Les 105 assistants ont finalement touché leurs deux mois de salaires en novembre, ainsi que 500 euros de dédommagement.
Je ne pensais pas qu’en France, une situation pareille pouvait arriver, explique calmement Diana. La jeune fille, originaire de Russie, travaille en tant qu’assistante de langue dans les collèges et lycées de la ville de Paris. Comme 105 autres de ses collègues, elle n’a pas été payée durant près de deux mois. Sans aucune explication. Vivre ça dans une puissance mondiale, c’est juste inenvisageable, ajoute Janci, venue du Nicaragua. Comme d’autres, elles sont venues témoigner de leur situation lors d’une conférence de presse organisée en novembre par le SNFOLC de Paris.
Chaque année, plus d’une centaine d’assistants de langue sont recrutés par le rectorat de la capitale, avec des contrats de 4, 5 ou 10 mois et pour un salaire mensuel d’environ 800 euros. Sauf que Diana et ses collègues n’ont rien reçu à la fin du mois d’octobre, un mois après le début de leur contrat. Ça a été très difficile, raconte Jairo. Le jeune colombien est assistant de langue en espagnol dans deux établissements. Comment travailler avec la faim au ventre, les problèmes de logement. Personnellement, j’ai reçu des menaces d’expulsion pour loyer impayé, comme d’autres de mes camarades.
James, venu des États-Unis, raconte aussi la difficulté de venir au travail sans pouvoir payer les tickets de transport. Les chefs d’établissement nous disaient que si on ne venait pas travailler, on ne serait pas payé le mois prochain. Sauf que l’on ne pouvait pas venir justement parce qu’on n’était pas payé !
Aller travailler avec la faim au ventre
Isolés dans un pays et une ville inconnus, sans repère et sans le sou, ces assistants de langue ont fait face à une précarité dramatique. Camilia, venue d’Argentine, a fini par demander de l’aide à sa famille. Je n’avais pas de sous depuis plus d’un mois. Ça a été dur de leur expliquer. Ils m’ont envoyé un peu d’argent mais avec la crise économique et financière que traverse mon pays actuellement, le taux de change n’était pas du tout favorable. Jairo lui, ne pouvait compter sur sa famille : ma mère est malade, c’est moi qui suis censé pourvoir à ses besoins… Lui s’est tourné vers les colis alimentaires et les restos du cœur, pour pouvoir manger et ne plus aller travailler avec la faim au ventre. Et aussi, il s’est tourné vers le syndicat.
Alerté par ses situations, le SNFOLC 75 s’est empressé d’aider ses jeunes. Je milite depuis un certain temps déjà, mais jamais je n’avais imaginé rencontrer des cas aussi dramatiques, indique Benoît Connetable, secrétaire académique du syndicat. Nous avons toqué à toutes les portes. Auprès des mairies pour nous mettre en relation avec les associations. Auprès des établissements pour donner l’accès à la cantine aux assistants… Dans les établissements, les enseignants ont fait des collectes pour leur donner de l’argent. Les ambassades des pays d’origine sont aussi alertées, jusqu’à se mobiliser pour secourir leurs ressortissants.
Une victoire syndicale
Le syndicat a également accompagné les assistants de langue dans leurs revendications. Dans les premières semaines, nous avions envoyé des mails, tenté de joindre le rectorat par tous les moyens. Mais nos sollicitations restaient sans réponse, relate James. FO les a accompagnés dans leur démarche, jusqu’à faire des rassemblements devant le rectorat. Finalement, c’est une victoire ! Le rectorat a finalement payé aux assistants les deux mois de salaires qui leur étaient dû, dès la fin du mois de novembre, explique Marie-Laetitia Garric, secrétaire adjointe du SNFOLC 75. Mais nous avons aussi obtenu qu’ils reçoivent 500 euros de dommages et intérêts ! Mais cela semble exceptionnel… Ainsi deux autres assistants qui ne l’avaient pas reçu l’ont demandé après coup, mais on leur a signifié qu’ils pouvaient ne pas toucher ce dédommagement, souligne Benoît Connetable. Preuve de l’importance du syndicat dans cette bataille.
L’explication du rectorat concernant le non-versement des salaires tient en un mot : sous-effectif. La personne chargée des dossiers des assistants au service paye était en arrêt maladie, sans être remplacée. Résultat, ces dossiers ont été envoyés au mauvais service, précise Marie-Laetitia Garric. C’est aussi l’enjeu de notre combat : exiger des embauches au sein de l’administration. Ces logiques d’austérité économique engendrent des situations dramatiques, comme celles qu’ont subies les assistants de langue.
Pour que personne ne subisse cette situation dans le futur
Pour ces jeunes, la désillusion est forte. Quand on vient d’Amérique latine, on a beaucoup d’attente vis-à-vis de la France, il y a la réputation du pays, la culture, l’histoire… Et on se retrouve à vivre cette situation tellement injuste, où l’on travaille sans être payé ! Il faut que la France soit à la hauteur de sa réputation !, s’exclame Janci. De son côté, James précise qu’il attend de voir la suite des événements avant de répondre aux questions de ses amis, intéressé par l’expérience d’assistant de langue. Je ne pourrais pas les encourager à postuler sachant ce que l’on a vécu. Tous ne formulent qu’un souhait : alerter les autorités sur leur histoire afin que plus personne ne subisse ce qu’ils ont vécu.