Automobile : la nécessité de soutenir un secteur déjà en crise

Alors que les États-Unis se lancent dans une guerre douanière qui n’épargnerait pas l’Europe, a d’ores et déjà prévenu le président Donald Trump, sur le vieux continent, la filière automobile, déjà embourbée dans une crise tenace à multiples facteurs, est dans l’inquiétude. FO demande une vraie politique industrielle, une volonté socio-économique de soutenir le secteur.

Le couperet des droits de douanes sur les voitures importées aux USA devrait tomber autour du 2 avril a annoncé le 14 février le président des États-Unis, Donald Trump. A peine installé à la Maison Blanche, le 20 janvier, il avait averti avec fracas, – ce qui a fait chuter début février les cotations des grands constructeurs sur des places boursières mondiales, dont européennes telle Paris et Frankfort –, de la mise en place (avec finalement un délai d’un mois) d’une surtaxation des produits importés, venant du Canada et du Mexique (+25%) et de Chine (+10%). L’Europe ne sera pas épargnée et les annonces arriveront très bientôt, indiquait-il encore le 6 février, résumant sept jours plus tard la nouvelle philosophie de protectionnisme renforcé du pouvoir en place : les « droits réciproques », autrement dit, façon loi du Talion, s’ils nous font payer, on les fait payer le même niveau de taxes. Des déclarations, tels des uppercuts, censées enclencher des négociations avec les pays importateurs. Aux États-Unis, des économistes ont quant à eux d’ores et déjà alertés sur les effets que pourraient avoir cette guerre douanière sur le marché intérieur des USA, soit une hausse des prix entraînant au final un recul les ventes.

Face aux déclarations tonitruantes de Donald Trump, sur le grand marché des échanges mondiaux et alors que la production est structurée en chaînes d’approvisionnement imbriquées et avec des segments répartis dans différents pays, c’est déjà la crainte d’un effet domino. Certains pays ont choisi de négocier, d’autres de riposter (telle la Chine), d’autres sont dans l’attente de précisions…

Concernant la France, que représentent les exportations vers les États-Unis ? Ce pays outre-Atlantique est un « immense partenaire » de la France, rappelait récemment le ministre de l’Economie, Eric Lombard. Les exportations, de biens divers et de services, pesaient en effet pour 170 milliards d’euros en 2023. A noter encore, indiquait-il citant les chiffres de Bercy, que les USA ont rang de premier employeur étranger en France (4 600 entreprises américaines employant plus de 480 000 salariés en France en 2021), et de premier investisseur étranger, avec, en 2023,140 milliards d’euros investis en France, en de multiples domaines, par des entreprises américaines.

La crainte de stratégies dangereuses

En France, et plus largement en Europe où l’industrie n’est pas pilotée et où on laisse tout à la main des industriels déplore Olivier Lefebvre, secrétaire fédéral FO Métaux en charge du secteur de l’automobile, les craintes de la filière automobile (chez les constructeurs et les équipementiers) quant à des répercussions sur l’emploi de la politique américaine sont bien là. Certes on produit au plus près de là où on vend… indique le militant, ce qui pourrait laisser à penser qu’il y aurait finalement peu d’incidences de cette nouvelle politique sur l’emploi européen. Toutefois, du fait de ces surtaxes sur les importations décidées par les États-Unis, explique-t-il, les constructeurs européens (Stellantis dont les revenus proviennent à 65% de ses ventes aux USA, Volkswagen qui a beaucoup perdu sur le marché chinois…), pourraient adopter des stratégies dangereuses. Ils pourraient délocaliser des activités aux USA (pour s’éviter les droits de douanes, Ndlr) ou adopter une position de repli en Europe pour chercher à compenser la baisse de leurs ventes sur le marché américain. Et les constructeurs n’étant pas des philanthropes, la situation peut les conduire à adopter une politique de prix agressive en Europe, même dans un marché qui ne va pas bien. La situation peut donc générer une surproduction, une Europe en surcapacité, ce qui signifie au final des risques sur l’emploi.

Car, appuie Olivier Lefebvre, aux prises actuellement avec la négociation de nombreux PSE y compris dans des boîtes qui ne sont pas dans le rouge, la guerre douanière survient alors que le secteur de l’automobile est déjà en crise. Le marché européen stagne, se débat avec le normatif et…. La chine est là.

L’attente d’une vraie politique européenne

Au contexte compliqué depuis quelques années, (covid, inflation, tensions internationales), s’ajoute en effet d’autres difficultés : la crise chinoise (par l’arrivée massive de véhicules sur le marché européen), la transition vers le tout électrique en Europe (a priori en 2035) mais qui pour l’instant peine à décoller, les normes drastiques, les coûts élevés de l’énergie qui impactent la compétitivité, la question des gigafactory (usines géantes, notamment de conception de batteries)… Avec toutes ces contraintes, il y a la crainte d’une vraie casse du secteur souligne le militant. Or, il faudrait le soutenir, l’accompagne. Mais, il n’y a pas de politique réelle au niveau de l’Europe. On ne sait pas où l’on va. Y a-t-il une vraie volonté socio-économique ?

Fin 2024, la Présidente de la commission européenne, Ursula Von der Layen, avait annoncé une grande consultation sur le secteur automobile européen avec notamment les constructeurs, les équipementiers, et les interlocuteurs sociaux, indique Olivier Lefebvre. Des réunions pour un « dialogue stratégique sur l’avenir de cette filière » ont débuté le 30 janvier à Bruxelles. Mais pour l’instant FO n’a pas été contactée, relève le secrétaire fédéral.

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