Le dimanche 31 juillet 2011, les salariés avaient manifesté contre l’ouverture dominicale de l’hypermarché. © Photo Tonton Jo
« On va pouvoir s’attaquer aux autres enseignes contrevenantes, précisent Jérôme Capdevielle, secrétaire FO, et l’avocat du syndicat Me Jean-Baptiste Llati. Cela va donner une impulsion à la direction du Travail, qui était obligée de faire jusqu’à quatre visites de constat dans un même établissement. Au départ, on nous a pris pour des rigolos, puis des rétrogrades et des irresponsables. Il serait temps de taper du poing sur la table ». Treize PV ont été dressés en 2011 dans les P.-O. pour ouverture irrégulière le dimanche. Un seul a donné lieu à une amende, de 450 euros avec sursis. « La grande distribution représente déjà 75 % de la consommation dans les P.-O. Ce n’est pas parce que l’on va ouvrir le dimanche que le pouvoir d’achat va augmenter ». La CGT 66 appelle « le préfet à refuser le chantage des lobbies de la grande distribution » et « l’ensemble des branches professionnelles à rester vigilantes et à se mobiliser pour préserver le repos dominical ».
La cour d’appel de Montpellier a confirmé jeudi dernier, la décision prononcée en août 2011 à Perpignan, qui condamnait Auchan Porte d’Espagne à rester fermé le dimanche sous peine d’astreinte de 100 000 euros par jour d’ouverture irrégulière. Ou, à défaut, de se soumettre à l’arrêté préfectoral du 23 septembre 1965 en vigueur dans les P.-O. pour les magasins de vente générale, qui oblige à fermer son établissement le lundi suivant. Un jugement sans précédent en France concernant un hypermarché et « une grande victoire pour tous les salariés dans la lutte contre le travail dominical », martèlent les syndicats à l’initiative de cette procédure. Pour tous, cette décision « tant symbolique que primordiale, légitime et renforce les actions visant à faire respecter le droit dans tout le département ».
Un droit « fragilisé » par 180 mesures dérogatoires en France. Les magasins à prédominance alimentaire peuvent ainsi bénéficier d’une ouverture jusqu’à 13 h le dimanche. De plus, les maires ont la possibilité de demander une dérogation pour la période estivale, qui permet aux commerces implantés sur leur commune d’ouvrir 7 jours sur 7 pendant la saison touristique. La municipalité de Perpignan n’a pas pris cette mesure.
« Une victoire juridique »
« Cette décision est importante parce que l’ensemble des moyens soulevés par Auchan a été rejeté, insiste Me Corine Serfati, avocate des unions CFDT et CGT. C’est une victoire juridique. Les juges maintiennent des principes considérés comme anciens au regard de l’évolution de la société et dans un contexte politique qui prône l’ouverture du dimanche. Ils sont restés sur des valeurs constitutionnelles et humaines. Cet arrêt peut faire jurisprudence. Il est essentiel au plan local et partout en France ».
Les salariés soulagés
« C’est un soulagement pour les salariés. Cela fait six ans qu’Auchan essaie de passer en force. On est ouvert toute l’année, sauf le 1er mai, le 25 décembre et le 1er janvier, six jours par semaine de 8 h 30 à 22 h. Et ce, avec des horaires fluctuants. C’est très compliqué d’organiser une vie de famille, explique Nathalie Prieur, délégué CFDT à Auchan aux côtés de Claudine Lavail, secrétaire fédérale. On nous dit que l’ouverture du dimanche se fera sur le volontariat. Mais ce n’est pas un choix. Ce sont les difficultés financières qui l’imposent. Moi, des gens vraiment volontaires, je n’en connais pas ».
Les intérimaires et CDD pourraient bénéficier de cette journée supplémentaire selon la direction de l’hypermarché ? « Le 1er dimanche d’ouverture, sur 97 personnes il y avait 30 étudiants. Tous les autres c’était sur la base du volontariat. Pour la plupart contraint, notamment pour les hôtesses de caisse, souvent en situation monoparentale, conclut Franck Dumoulin, délégué FO d’Auchan. Ce jugement va aider les salariés qui ne peuvent pas dire non ».
L’indépendant du 10 avril 2012 – Laure Moysset