Ils ont pris de plein fouet la hausse du coût de la vie. Les salariés portugais ont décidé d’une mobilisation fin juin afin d’obtenir une hausse de salaire d’au moins 150 euros mensuels. Depuis plusieurs mois, les mouvements sociaux se multiplient, notamment chez les fonctionnaires. Le retour de la rigueur budgétaire en Europe n’augure pas de négociations faciles avec l’État.
Un salaire minimum à 1000 euros mensuels : c’est la principale revendication de la Confédération générale des travailleurs portugais (CGTP) pour 2024. Dans un pays où l’actuel revenu minimum est de 820 euros sur quatorze mois, le constat d’une difficulté croissante des salariés à faire face au coût de la vie est unanime.
Du 20 au 27 juin, les travailleurs sont donc appelés à participer à une semaine d’actions dans divers secteurs pour faire entendre leurs revendications salariales : au moins 15% d’augmentation collective avec une augmentation minimum de 150 euros par salarié. Outre les fins de mois difficiles, syndicats et salariés dénoncent une dégradation globale des conditions de travail. La confédération se bat donc également pour obtenir la limitation du temps de travail hebdomadaire à 35 heures.
Selon les calculs de la CGTP, les ménages portugais ont perdu 5,5% de pouvoir d’achat depuis 2021. L’Institut national des statistiques souligne par ailleurs une importante hausse du coût de l’immobilier : le prix médian de ces biens était en hausse de 9% sur un an au deuxième trimestre 2023. Ce même institut calcule que 5% des actifs cumulent au moins deux emplois pour parvenir à nourrir leur famille. La crise de 2009 et les années d’austérité qui ont suivi continuent de peser lourd sur le portefeuille des salariés.
L’inquiétant retour du pacte européen de stabilité
Depuis six mois, les mouvements de grève et les actions collectives se multiplient donc dans divers secteurs. Derniers en date : les fonctionnaires, qui se sont mobilisés le 17 mai à l’appel du Front commun des syndicats de l’administration publique. De nombreuses écoles ont fermé et les tribunaux et hôpitaux tournaient au ralenti toute la journée. Mais loin de l’augmentation générale, à hauteur de 15% qui a été revendiquée, le précédent gouvernement a prévu dans son budget 2024 une hausse des salaires de 3 à 6,8% pour les différents personnels de la fonction publique.
Le nouvel exécutif, quant à lui, argue que les caisses sont vides. Alors qu’il a hérité d’un excédent des comptes publics, à 1,2% en 2023, il avance désormais un déficit de 600 millions d’euros. Les négociations s’annoncent donc compliquées. Une fois de plus, les règles budgétaires européennes, sont en cause, analyse Branislav Rugani, secrétaire confédéral du secteur international chez FO : « Si l’Union européenne prône l’austérité, cela a des incidences dans tous les pays. Avec la nouvelle gouvernance économique de l’Europe, les pays du Sud comme l’Espagne et le Portugal vivent dans la crainte de régresser encore. »
Les nouvelles règles budgétaires adoptées en avril consacrent en effet le retour de l’austérité sur les économies nationales. Le pacte européen de stabilité, suspendu à l’entrée dans la pandémie, sera de nouveau appliqué en 2025. Et s’il a été modifié, il a conservé des règles sévères (en termes de dépenses publiques, de déficit et de dettes) qui pèseront de nouveau sur les économies. Selon une étude commandée par la Confédération européenne des syndicats (CES), le Portugal fait partie des 18 États membres qui, par les effets du Pacte, seront incapables d’investir dans les domaines sociaux et écologiques ou les services publics, comme le prônent pourtant les objectifs de l’Union européenne.