Le tribunal judiciaire de Strasbourg a validé la reprise du groupe sidérurgique Ascométal par le fonds d’investissement Greybull Capital, dernier candidat en lice. La quasi-totalité des 800 emplois sont sauvés. Pour le syndicat FO, c’est un soulagement.
Le groupe sidérurgique Ascométal, spécialisé dans les aciers spéciaux, a échappé de peu à la liquidation. Le 8 juillet, le tribunal judiciaire de Strasbourg a validé son rachat par le fonds d’investissement britannique Greybull Capital, dernier candidat en lice. La reprise porte sur le cluster automobile, qui regroupe l’aciérie d’Hagondange (Moselle) et ses trois sites d’usinage et de parachèvement, à Custines (Meurthe-et-Moselle), Saint-Étienne (Loire) et Leffrinckoucke (Nord), ainsi qu’un centre de recherche à Hagondange. L’aciérie de Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône, était sortie du giron d’Ascométal fin mai, avec sa reprise par l’industriel italien Marcegaglia.
Greybull Capital, spécialisé dans le rachat de sociétés en difficulté, s’est engagé à préserver la quasi-totalité des quelque 800 emplois. Vingt-trois postes seront supprimés dans la holding qui regroupe les fonctions support, probablement via des départs en retraite, mais il n’y aura pas de suppressions dans les usines, explique Stéphane Pihet, élu FO au CSE du site de Custines. Nous sommes soulagés d’avoir un repreneur. Pour la suite, l’avenir nous le dira, car c’est un fonds d’investissement. Mais c’était ça ou rien.
Cette reprise était conditionnée à un important soutien financier de l’État, à hauteur de 85 millions d’euros. Je salue le délibéré rendu en faveur de la solution Greybull pour lequel nous avons travaillé d’arrache-pied, a reconnu le ministre actuel de l’Industrie, Roland Lescure, cité par l’AFP, à l’issue de l’audience. L’État fera un prêt à très brève échéance de 45 millions d’euros, et apportera 40 millions supplémentaires l’an prochain, dans une forme qui restera à définir (garantie des projets stratégiques ou prêt). De son côté, Greybull Capital promet d’investir 90 millions d’euros ces prochaines années.
De gros investissements sont prévus pour diversifier l’activité. Le repreneur envisage notamment de lancer à Hagondange une chaîne de production de lingots pour la fabrication d’obus. Il compte également rouvrir le laminoir de Dunkerque, fermé depuis 2019. Ce sont des changements importants pour le groupe mais on doit se diversifier, car actuellement on travaille à 90% pour l’automobile, poursuit le militant FO.
Le troisième redressement judiciaire en 10 ans
Après de multiples rebondissements, le choix de Greybull Capital était l’ultime solution pour éviter la mise en liquidation du groupe sidérurgique. Swiss Steel, qui avait racheté Ascométal après un redressement judiciaire en 2018, avait à son tour mis le groupe sidérurgique en vente en 2023. En décembre dernier, des négociations exclusives avaient été engagées avec l’italien Acciaierie Venete, mais ce dernier avait rompu les discussions fin mars. Cette volte-face inattendue avait entraîné le placement d’Ascométal en redressement judiciaire, à la stupéfaction des salariés qui pensaient la vente acquise.
Trois offres de reprise avaient alors été déposées, par Greybull, le groupe français Europlasma et de nouveau l’Italien Venete. Mais les deux derniers candidats s’étaient retirés en cours de procédure, suscitant une forte inquiétude chez les salariés. C’est notre troisième redressement judiciaire et le troisième rachat depuis 2014, ce n’est pas facile à vivre, témoigne Stéphane Pihet. Mais celui-ci était le plus dur, ça s’est fait en deux mois, on ne savait pas où on allait.
Né dans les années 1980, Ascométal, ancienne filiale d’Usinor (devenu Arcelormittal) spécialisée dans les aciers spéciaux pour l’industrie automobile, a été malmenée ces vingt dernières années. Si dans ses beaux jours, l’ancien fleuron a capté jusqu’à 15% des parts de marché en Europe, il n’a cessé depuis de décliner, passant d’actionnaire en actionnaire, et n’étant pas toujours bien géré. Le fonds spéculatif américain Apollo notamment avait lourdement endetté l’entreprise lors de son rachat par selon le système LBO (Leveraged Buy-Out) en 2011, avec à la clé une ardoise de plus de 300 millions d’euros, à un taux d’intérêt s’élevant à 12,5%.