La CJUE vient de rendre un arrêt majeur en matière de droit des salariés lorsqu’une entreprise est en procédure collective pour des difficultés qu’elle rencontre (CJUE, 22-2-24, Unedic AGS, C-125/23).
Les faits sont les suivants : une société fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Plusieurs salariés prennent acte de la rupture de leur contrat de travail, pour divers manquements qu’ils reprochent à leur employeur.
La juridiction prud’homale estime que les prises d’actes sont justifiées. Elles produisent donc les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les indemnités sont inscrites au passif de la société placée en liquidation judiciaire. L’AGS intervient mais refuse de prendre en charge les créances issues de ces prises d’acte. Au stade d’appel, une cour d’appel va poser à la CJUE la question suivante :
Une institution de garantie de paiement de salaires, qui intervient lorsqu’un employeur est dans une procédure d’insolvabilité, peut-elle exclure de la garantie, les sommes qui résultent d’une prise d’acte d’un salarié, qui a été reconnue comme justifiée ?
La juridiction communautaire répond à cette question par la négative.
Elle énonce que le mode de rupture particulier, que constitue la prise d’acte, est motivé par un ou plusieurs manquements de l’employeur. Dès lors que le juge estime la prise d’acte justifiée, cela ne traduit pas une réelle volonté du salarié de quitter son emploi. C’est une volonté contrainte. La rupture est donc imputable à l’employeur.
Il y a donc lieu de considérer, qu’une prise d’acte admise par le juge équivaut à une rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, et qu’ainsi, conformément à la directive 2008/94/CE, relative à la protection des travailleurs en cas d’insolvabilité de l’employeur, l’institution de garantie de paiement des salaires doit, dans ce cas, prendre en charge les indemnités subséquentes à cette prise d’acte.
Cet arrêt constitue une réelle avancée pour les salariés, en ce que la position de la CJUE est fondamentalement différente de celle de la Cour de cassation.
La Haute juridiction française, estime pour sa part, que la prise d’acte, (idem pour la résiliation judiciaire) étant une rupture à l’initiative du salarié et non de l’employeur, l’AGS n’a pas à prendre en charge les indemnités de rupture, les dommages-intérêts qui résulteraient du succès de cette action (voir en ce sens, Cass. soc., 2-12-20, n°18-22470).
Il faudra patienter pour voir si la Cour de cassation tire les enseignements de cet arrêt, et revoit sa position.