Revalorisations salariales insuffisantes, dégradation des conditions de travail, fermeture d’usine… Dans le secteur agroalimentaire, les marges des entreprises sont historiques mais les salariés sont mis au régime sec. Illustration chez Saint-Michel et Lu, où les syndicats FO sont déterminés à se battre pour défendre les droits des travailleurs.
On veut une part de la galette, pas des miettes ! La pancarte a été brandie par les salariés de l’usine Saint-Michel de Contres, dans le Loir-et-Cher, lors d’un débrayage organisé le 13 février à l’appel de FO. Cette grève, une première historique sur ce site, a été suivie par près de quatre-vingts salariés.
La jeune équipe FO, devenue majoritaire il y a un an et demi, dénonce un rattrapage des salaires par le Smic. Explication. Dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), la direction a proposé une augmentation générale de 3 % pour les ouvriers en 2024. L’accord a été signé par l’un des syndicats, mais pas par FO. Comme le Smic a augmenté de 1,13 % en janvier, l’augmentation n’était plus que de 1,87 % pour l’année, dénonce Émeline Carlier, secrétaire FO de la CSSCT et élue au CSE.
Le syndicat a lancé l’appel à la grève pour demander un point d’augmentation supplémentaire, en compensation, ainsi qu’une indexation des salaires à la revalorisation du Smic – une garantie déjà obtenue en 2023 – afin de préserver l’écart avec le salaire minimum. La veille de l’appel à la grève, nous avions obtenu les résultats de l’expertise comptable que nous avions demandée, et constaté que l’entreprise se porte très bien financièrement, poursuit la militante. Selon le syndicat, un accord aurait été trouvé sur une revalorisation salariale à 3 %, mais sur la base de l’indexation des salaires aux futures hausses du Smic, plus l’obtention de douze titres-restaurant supplémentaires. Cependant, le 26 février, le syndicat était toujours dans l’attente d’un rendez-vous avec la direction.
FO dénonce aussi de nombreux accidents survenus sur le site ces dernières années, dont certains graves. La direction ne prend pas nos remontées au sérieux et ne met en place des mesures qu’une fois l’accident arrivé, déplore Alexandre Matos da Costa, secrétaire du CSE. Les militants affirment également que certains salariés se sont vu refuser par la direction de déclarer un accident du travail pour ne pas dégrader la note de l’entreprise.
Mondelez : 4,6 milliards d’euros de bénéfices en 2023
À Château-Thierry, dans l’Aisne, c’est tout un territoire qui se bat pour sauver l’usine Lu et ses soixante salariés. La maison mère, le groupe Mondelez, a annoncé, lors d’un CSE central le 31 janvier, la fermeture progressive du site jusqu’à fin 2025. Une partie de la production va être transférée en République tchèque, l’autre partie dans une usine de Loire-Atlantique.
Le groupe Mondelez, qui a pourtant enregistré l’an dernier un bénéfice de 4,6 milliards d’euros – en hausse de 82,5 % en un an –, met en avant des raisons de rentabilité. Le groupe estime que le bâtiment est vétuste et qu’il serait trop dur de le remettre aux normes, explique Jérôme Gruhs, délégué FO dans l’usine Lu de Jussy (Aisne). Il a appris la nouvelle avec stupeur. Si FO n’est pas représenté sur le site de Château-Thierry, le syndicat a appelé les salariés à participer le 16 février à une journée d’action, décidée en CSEC, sur tous les sites Mondelez de France, contre la fermeture de l’usine. Outre les suppressions d’emplois directs, les élus FO alertent sur les répercussions indirectes [de cette décision] sur la main-d’œuvre intérimaire et sur les sous-traitants du site.
Pour rappel, selon l’Insee, la marge brute de l’industrie agroalimentaire a atteint 48 % au deuxième trimestre 2023, contre 28 % fin 2021. Un niveau inédit depuis 1994, et qui n’est pas étranger à la hausse de l’inflation sur les produits alimentaires l’an dernier.