Deuxième syndicat chez Terrena, fleuron de l’agro-alimentaire français, FO a refusé l’accord congés payés Covid-19
et demandé que la reconnaissance du travail des salariés en pleine crise sanitaire se traduise par une prime et non par l’expression de vagues promesses. Ce n’est pas aux salariés de payer la facture de la crise sanitaire et économique en reniant leurs droits sur les congés, RTT et repos
a expliqué la FGTA-FO (Fédération générale de l’agriculture, de l’alimentation, des tabacs et des services annexes FO).
A Terrena, un géant français œuvrant principalement dans l’agro-alimentaire et basé à Ancenis (Loire-Atlantique), FO a refusé de signer l’accord dit congés payés Covid 19
. Ce groupe, qui a multiplié les fusions et les acquisitions ces dernières années (dont Bourgoin et Doux), emploie quelque 15.000 personnes et a affiché pas moins de 4,87 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2018.
Cet accord collectif de groupe « porte sur les mesures temporaires et exceptionnelles, liées à la nécessité d’organiser, en urgence, la continuité des activités des entreprises du Groupe, dans le contexte de l’épidémie de covid-19 ». Les négociations de cet accord ont été lancées juste après l’ordonnance du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos
) et l’identification par le gouvernement des secteurs agricole et alimentaire comme prioritaires. Trois syndicats ont validé l’accord. Si FO, de son côté ne l’a pas paraphé, il y a des raisons fondées s’appuyant sur un principe. La FGTA-FO a ainsi rappelé que FO s’est toujours opposée aux ordonnances, et à leur déclinaison dans les entreprises, qui n’ont rien à voir avec la santé des salariés. Ces mesures font peser le poids de la crise sanitaire et économique sur les salariés. Cet accord ne leur apporte aucune contrepartie réelle et mesurable.
Repos imposé
Pour Marc Deglise, DSC (délégué syndical central) FO de Terrena, qui avait reçu mandat de négociateur pour cet accord, la direction a montré d’entrée sa volonté d’aller au-delà de l’ordonnance du 25 mars 2020 dans le sens où elle a tenté de mobiliser tous les repos (ancienneté, récupération, etc.), y compris ceux qui n’étaient pas explicitement cités dans ce texte. Pour mémoire, l’ordonnance en question (« portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos », https://www.vie-publique.fr/loi/273968-ordonnance-covid-19-mesures-durgence-conges-payes-duree-travail-repos) traite des jours RTT, des jours de repos liés au forfait jours et jours placés sur un compte épargne temps (CET) ainsi que des dispositions sur la durée du travail et le repos. Le groupe Terrena estimait pouvoir disposer y compris des congés en voie d’acquisition, ainsi que sur les jours de repos conventionnels (ancienneté) et les repos compensateurs conventionnels, souligne le militant.
Au total, la direction voulait avoir la main sur 10 jours de RTT, 5 jours de repos et un nombre indéfini de potentiellement mobilisables. Pour finir, il n’y aura que 10 jours possibles et, estime Richard Roze, secrétaire fédéral de la FGTA-FO, cela est dû au travail de FO dans le cadre de la négociation.
Le poids de FO
Richard Roze indique ainsi que la montée en puissance de FO dans le groupe ces dernières années a sans doute pesé dans le recul de la direction laquelle envisageait au départ de la négociation d’aller au-delà des ordonnances. Il rappelle qu’aux dernières élections professionnelles fin 2019, FO a conforté sa place de deuxième organisation syndicale dans le groupe Terrena en passant de 13% à 22% des suffrages, aux dépens notamment de la CFDT, qui a perdu sa position « ultra-majoritaire ».
Dans l’UES (unité économique et sociale) Terrena proprement dite, FO a obtenu 16% et a atteint… 67% (tous collèges confondus) à Elivia, filiale viande bovine. Certaines mesures de cet accord ne s’appliquent d’ailleurs pas dans les activités industrielles d’abattage et de transformation de viande
(Galliance, Elivia, Holvia) : les semaines de travail supérieures au plafond habituel de 48 heures de travail effectif sur 6 jours ainsi que le recours au travail du dimanche et à des séquences de travail de 12 heures effectives de jour comme de nuit
. FO a salué le bien-fondé de la non-application de certaines mesures dans le cadre de l’accord.
Une « reconnaissance » très floue
Par contre, l’absence de contreparties accordées aux salariés concernés a été déplorée par Marc Deglise. Il a souligné que le mot prime
n’y a pas été explicitement précisé. Dès l’entame des télénégociations, début avril, FO avait réclamé la mise en place d’une prime pour les salariés qui ne peuvent pas télétravailler et qui prennent un risque sanitaire en venant travailler sur site tous les jours
. Or, le texte de l’accord n’aborde cet aspect que d’une manière vague, contrairement à la précision des mesures contraignantes pour les salariés. Il est seulement évoqué une reconnaissance
, ce qui ne mange pas de pain pour la direction.
C’est pour cette raison qu’en lieu et place FO a réclamé d’entrée que le mot prime
soit intégré dans l’accord. Quant aux termes et modalités
de cette reconnaissance
, ils seront précisés au niveau des entreprises concernées, selon leurs situations
, c’est-à-dire au cas par cas dans la cinquantaine de filiales du groupe…
FO demande 1 000 € tout de suite, pour tous les salariés
A Laïta, regroupement des activités laitières de trois coopératives du Grand Ouest dont Terrena, des débrayages ont eu lieu depuis le 14 avril à la beurrerie d’Ancenis-Saint-Géron (44) pour réclamer la prime de 1.000 euros, dont le versement a été proposé par le gouvernement. FO y a revendiqué 1 000 € tout de suite, pour tous les salariés
, qui sont soumis à de grosses cadences.
Leur apportant son soutien, l’Union syndicale des travailleurs de l’alimentation (USTA) FO 44 a, dans un communiqué du 15 avril dernier, rappelé que, par exemple, la production de beurre a presque doublé depuis le début du confinement, sur les chaînes de fabrication d’Ancenis et de Landerneau, obligeant les salariés à travailler six jours sur sept
. Elle a souligné que depuis le début du confinement, les salariés de l’agro-alimentaire et de la grande distribution sont sur le pont : ils font partie des secteurs qui doivent continuer à travailler
.
Les débrayages ont duré jusqu’à ce qu’une rencontre avec la direction, le 23 avril, permette d’obtenir 20 € par jour de présence entre le 17 mars et le 10 mai sur le site pour tous les salariés en poste dans les ateliers de Laïta. Une prime plafonnée à 600 €
, a indiqué un représentant FO. Les salariés ont accepté l’offre qui doit également concerner les personnels de cinq autres sites de production en Bretagne : Landerneau et Ploudaniel (29) ainsi que Créhen, Lanfains et Yffiniac (22).
Quoiqu’il en soit, FO veillera le moment venu à ce que la reconnaissance promise soit concrètement mise en place
, a assuré la FGTA-FO, pour qui l’annualisation du temps de travail, les “accord temps de travail“ existants et les dérogations déjà permises par les ordonnances du 26 mars devraient déjà permettre de faire face à la situation de manière responsable et solidaire sans avoir besoin d’aller mobiliser une semaine de congés payés
.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly