Personnels de l’Education nationale mais en situation précaire, les AESH sont déterminées à obtenir de meilleurs salaires et un vrai statut. Les deux choses étant liées. À l’appel de plusieurs syndicats, dont la FNEC FP FO, ces personnels, essentiellement féminins, se sont mobilisés une nouvelle fois le 3 octobre sur tout le territoire. Elles dénoncent le manque de reconnaissance du ministère mais aussi la dégradation de leurs conditions de travail, tout cela ayant des répercussions sur la mission qu’elles assurent : l’accompagnement des enfants en situation de handicap. La fédération FO ajoute aussi au débat l’école inclusive qui fera l’objet d’une journée dédiée le 17 novembre à la confédération.
Une nouvelle action de grève pour dénoncer une situation qui n’est plus tenable. Le 3 octobre, des centaines de personnels AESH (Accompagnant des élèves en situation de handicap), se sont mobilisés à l’appel de plusieurs syndicats dont la FNEC FP FO. Le fait même que ces professionnels, qui sont majoritairement des femmes, continuent de se mobiliser malgré leur situation de précarité montre leur rage et leur détermination, souligne Maxime Sanchez, qui suit le sujet pour Force Ouvrière. C’est difficile de se mettre en grève lorsque l’on gagne 900 euros par mois, appuie Marie-Laure Chavoix, AESH et représentante syndicale à Clermont Ferrand.
À la suite des rassemblements devant les rectorats, plusieurs délégations intersyndicales ont été reçues. Cela a permis d’évoquer les problématiques, notamment celles au niveau local. Même si on sait que l’enjeu est national, indique Maxime Sanchez. Différents autres types d’actions ont eu lieu. En Haute-Loire, par exemple, pour éviter de pénaliser financièrement les AESH, des réunions d’informations syndicales se sont tenues avec une quarantaine de participantes, précise Muriel Gerbier, AESH et élue à la commission exécutive fédérale de la FNEC FP-FO. Elles ont envie de faire changer les choses !
Moins de 900 euros mensuels
Dans la situation des AESH, c’est leur précarité qui frappe le plus. Il s’agit d’agents de la fonction publique que l’on maintient dans la précarité, malgré leur travail, dénonce Maxime Sanchez. L’aspect salarial est ainsi au cœur des revendications : le pied de grille des salaires est si bas que les augmentations automatiques et successives du Smic rendront le salaire de base très vite obsolètes, entraînant un effet de tassement sur les 10 premières années de la carrière des AESH, précise le communiqué de presse de l’intersyndicale.
Avec les autres organisations, FO revendique une augmentation réelle des rémunérations. Ces femmes sont payées moins de 900 euros par mois ! Pour un travail essentiel au sein de notre système scolaire. Le ministère nous dit que les AESH ont été revalorisées à hauteur de 13 %. Déjà c’est faux, les salaires ont augmenté de 10 % grand maximum. Mais ça reste insuffisant. Que représente 13 % lorsque l’on gagne 800 euros mensuels ?! Pas grand-chose. En Haute-Loire, les agents s’expriment à propos de la prime perçue, annoncée en grand bruit par Gabriel Attal : 69 euros. On reste donc en deçà des 1 000 euros mensuels pour vivre, souffle Muriel Gerbier.
Dans la vie de ces travailleuses, cela se traduit par une vigilance dès le 15 du mois, parfois le 10 avec le contexte actuel d’inflation, témoigne l’AESH. Mais cela va même au-delà, pointe sa collègue de Clermont Ferrand, Marie-Laure Chavoix. On est toujours en position de faiblesse, sur un siège éjectable. Des collègues ont vu l’administration mettre fin à leur CDD sans qu’aucune raison ne soit avancée. On n’a aucune reconnaissance. La seule que l’on ait, c’est par les élèves, lorsque l’on constate leur progrès.
Une politique de mutualisation qui fait perdre le sens même de l’accompagnement des enfants
Et il faut compter avec les conditions de travail —et donc l’accompagnement des enfants— qui se dégradent. Lorsqu’elle a commencé le métier, il y a 11 ans, Marie-Laure n’avait que deux enfants à suivre, deux fois 12 heures par semaine. Aujourd’hui, il faut compter, en moyenne, entre 4 et 11 élèves par AESH, chacun avec quelques heures d’accompagnement. Cette politique de mutualisation fait perdre le sens même de l’accompagnement de ces enfants.
La politique de mutualisation prend la forme des PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés), mis en place en 2019. Ces pôles permettent de mutualiser les moyens sur les territoires, autrement dit de faire des économies, grince Maxime Sanchez. Les AESH se retrouvent sur plusieurs classes, parfois sur plusieurs établissements. Pour les enfants à besoins particuliers, c’est la MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées) qui notifie le besoin d’une AESH. Mais cette notification peut ne couvrir que quelques heures hebdomadaires, d’où la mutualisation des moyens : une AESH peut s’occuper de plusieurs enfants dans la même année et sur quelques heures quotidiennes. On parle d’enfants avec des besoins de stabilité, or là on leur met quelques heures avec une AESH, quelques heures avec une autre, voire une troisième. Les besoins des enfants sont ignorés…, s’indigne Marie-Laure Chavoix.
Pour un statut spécifique de la fonction publique
De fait, les AESH n’ont que des contrats de 24 heures, voire moins, temps hebdomadaire passé en classe dans une école, et souvent avec des horaires décalés. Ce sont des contrats dits incomplets, ils comportent moins de droits que les contrats à temps partiel, souligne l’AESH. Certaines sont mères célibataires et se retrouvent obligées de cumuler avec un autre emploi, raconte Maxime Sanchez. Lorsque nous avions évoqué ce sujet au ministère, on nous a répondu qu’elles pourraient avoir un second emploi dans l’établissement scolaire, par exemple en servant à la cantine. Mais ce n’est pas une solution, fulmine Maxime Sanchez. Leur métier est une vraie profession, avec une technicité. Or, l’administration ne leur reconnaît pas un temps de travail complet. FO demande que le temps scolaire, celui passé en classe, soit reconnu comme un temps plein.
Les AESH demandent aussi la création d’un statut spécifique de la Fonction publique, avec un alignement sur la grille de la catégorie B. Pour l’instant, sans reconnaissance et exerçant dans des conditions de travail de plus en plus dégradées, la profession n’attire pas vraiment.
En Haute-Loire, par exemple, on compte 4 démissions depuis la rentrée de septembre, déplore Murielle Gerbier. Comment ne pas comprendre ces départs face aux conditions de travail et de rémunération ?! En cette rentrée encore, il y a un manque criant de postes. Certains des enfants qui auraient besoin d’un accompagnement par une AESH, n’en bénéficient pas. Ce manque de postes s’explique par le mode de recrutement de ces personnels : si le besoin en AESH est notifié par les Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH), le recrutement de ces accompagnants, est assuré par l’Éducation nationale. Celui qui notifie n’est pas celui qui paye. De fait, pour le payeur, il est tentant de réaliser des économies sur ces postes, pointe Maxime Sanchez.
Poser le débat de l’école inclusive
Face à cette situation, les réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur, pour ne pas dire à côté de la plaque. Lors du lancement de l’acte 2 de l’école inclusive, en avril dernier, Emmanuel Macron a annoncé la volonté de fusionner les métiers d’AESH et d’AED (les assistants d’éducation qui assurent la surveillance en collège et lycée) pour créer le métier d’accompagnant à la réussite éducative (ARE). Une fusion contre laquelle proteste une nouvelle fois l’intersyndicale. En plus de s’occuper des élèves en situation de handicap, ces agents devront faire la surveillance des récréations, le service à la cantine, juste pour atteindre les 35 heures exigées par le contrat. Pour Muriel Gerbier, ce n’est absolument pas une demande des professionnelles ! Et cela nous inquiète que le terme handicap disparaisse de l’appellation de notre métier.
Pour FO, ce sont d’autres réponses qu’il faut apporter, et en posant le débat sur l’école inclusive. La fédération FNEC FP FO organise d’ailleurs une journée dédiée à ce dossier le 17 novembre à la confédération. L’idée est de rassembler tous les acteurs concernés pour discuter et sans doute prendre des positions, explique Maxime Sanchez. Le travail a déjà commencé dans les départements : des réunions de préparations sont prévues. En Haute-Loire, nous en avons déjà fait une en juin, pour commencer à écrire un livre noir. Nous allons continuer ce travail lors d’une seconde réunion en octobre et élire des délégués qui le présenteront ce livre noir le 17 novembre.
Pour Force Ouvrière, il est crucial de préserver les institutions dédiées à l’accueil des enfants ayant des troubles ou porteurs de handicap. Le gouvernement s’est prononcé en faveur du tout inclusif mais cela ne marche pas si l’on n’y met pas les moyens, humains comme budgétaires, tranche Marie-Laure Chavoix. Parmi les élèves qui nous accompagnons, certains ont de trop grandes difficultés et seraient sans doute mieux en instituts médicaux. D’où l’intérêt de garder ces structures et ne pas déclarer le tout inclusif à l’école.