Salaires à augmenter, carrières à améliorer, conditions de travail à faire progresser, réformes auxquelles il faut s’opposer, services publics à protéger, bilan des élections professionnelles passées et perspectives pour celles à venir… Tous ces sujets majeurs et bien d’autres ont été longuement abordés en octobre par les délégués de FO Finances participant au XXIe congrès de la fédération à Branville en Normandie. Un congrès marqué par un passage de témoin, entre Philippe Grasset, le secrétaire général sortant partant bientôt en retraite, et Pascaline Kerhoas, élue nouvelle secrétaire générale de FO Finances. Un congrès traduisant aussi la combativité des militants du secteur à raffermir plus encore l’audience de la fédé au sein des ministères économiques et financiers.
Le XXIe congrès de la fédération FO Finances qui se tenait du 3 au 5 octobre à Branville dans le Calvados était le premier depuis la fin de la crise Covid. Pas anecdotique quand, lors du précédent à Vogüe en Ardèche en 2020, les militants se devaient de porter le masque, de se munir de gel et de respecter encore les règles de distanciation. Autant dire que ce congrès au cœur de la Normandie signait un retour à la normale dans les possibilités d’échanges conviviaux entre militants. Et les quelque 150 délégués présents ne s’en sont pas privés. D’autant plus que le congrès était marqué par des départs en retraites à saluer. Celui notamment de Philippe Grasset, après un long parcours militant et trois mandats (depuis 2013) à la tête de la fédé. Passage de témoin… Pascaline Kerhoas, issue de FO-DGFIP (Finances publiques) et ex-secrétaire générale adjointe, a repris le mandat, élue secrétaire générale de la fédération lors de ce congrès. Pascaline arrive avec une équipe renouvelée et rajeunie. Ce sera la première femme à la tête de cette fédération se réjouissait Philippe Grasset. Partant en retraite eux aussi après de longs parcours militants, Dominique Delbouy, secrétaire général du syndicat FO-Banque de France et Françoise Phélix, secrétaire générale adjointe chargée de l’action sociale à FO Finances étaient chaleureusement ovationnés.
Présent le 4 octobre, le secrétaire général de la Confédération, Frédéric Souillot, a lui aussi rendu hommage à ces militants. Pour Philippe, déclarait-il notamment, la priorité des priorités, c’est l’intérêt supérieur de la maison FO. Merci pour tout, lançait Frédéric Souillot avant d’évoquer les revendications générales de l’organisation tant sur les salaires que sur les retraites, l’assurance chômage ou encore la fiscalité. Quand aux services publics, c’est vous mes camarades ! lançait-il à l’adresse des agents publics participant à ce congrès.
Ces « séquences émotions » ont permis d’apporter un souffle de légèreté à ce XXIe congrès. Car, pour le moins, celui-ci était garni de témoignages denses sur la dureté des situations vécues dans les services, avec notamment vingt-cinq interventions de délégués à la tribune. Tant au plan des salaires que des carrières, des effectifs, des conditions de travail, des implantations de services publics, des réformes destructrices…, les agents continuent de devoir faire face aux attaques qui n’ont pas faibli depuis le précédent congrès. Au contraire ! A travers quatre résolutions dont trois adoptées à l’unanimité (Générale ; Action sociale ; Santé, sécurité et conditions de travail) et une Pour les personnels) adoptée à l’unanimité moins une voix, le congrès a donc réaffirmé et complété les revendications de FO Finances.
Pascaline Kerhoas : Soyons dans l’action, soyons unis
Ces résolutions illustrent la qualité et la teneur de nos travaux soulignait ainsi la nouvelle secrétaire générale, Pascaline Kerhoas saluant entre autres les délégués qui s’exprimaient pour la première fois à un congrès ou dont c’était la première participation à un congrès de FO Finances. C’était notamment le cas de Valérie Galbet du Pas-de-Calais, de Patrick Lalande représentant le syndicat FO de la Cour des comptes ou encore de Véronique Garçonnet, secrétaire du syndicat FO de la Caisse des Dépôts. Notre objectif est simple : regagner la troisième place aux élections de 2026. Alors soyons dans l’action, soyons unis concluait la secrétaire générale. En décembre 2022, c’est à moins d’un point de FO et à la faveur d’une alliance inédite que le tandem CFDT-CFTC avait obtenu cette troisième place. Cependant, en faisant abstraction de cette association, les résultats détaillés montrent que l’audience de FO est toujours équivalente à sa précédente troisième place au sein du périmètre des ministères économiques et financiers.
Les salaires, toujours la revendication numéro Un
Depuis le dernier congrès, l’actualité est un peu agitée lançait ainsi avec humour Philippe Grasset déroulant l’exposé du rapport d’activité de la fédé, rapport adopté à l’unanimité, tout comme le rapport financier. Une actualité sur trois années faites entre autres d’une crise sanitaire qui s’est transformée en crise économique, d’un essor du télétravail qui est devenu l’alpha et l’oméga dans les administrations ou encore d’une austérité salariale envers les fonctionnaires et agents contractuels, ce qui amène à revenir progressivement à la paupérisation de la Fonction publique des années 1960. Le secrétaire général sortant illustrait ses propos par un exemple significatif : en 2000, un inspecteur des finances (cat A) en début de carrière gagnait deux fois le Smic. Aujourd’hui, c’est 1,2 fois le Smic. Et la situation des catégories B et C est encore plus défavorable ! Et on (le gouvernement, Ndlr) nous parle d’attractivité !.
Après un quinquennat 2017-2022 sans aucune hausse du point d’indice, chose inédite relevait-il, il y a eu une hausse du point de 3,5% en juillet 2022 alors même que pour cette seule année, l’inflation était à 6% officiellement, et même proche des 15% sur les seuls produits alimentaires. A suivi en juillet 2023 une hausse de la valeur du point de 1,5%, or cela ne compense en rien la perte de pouvoir d’achat subie. Et que dire des hausses de point d’indice qui ne sont qu’une anticipation d’une prochaine hausse du Smic avec comme conséquence l’écrasement de la grille indiciaire.
Malgré le retour d’une inflation inconnue à ce niveau depuis des dizaines d’années, le gouvernement qui incite les entreprises à augmenter leurs salariés a, en même temps, infligé à ses agents une cure l’austérité.
Stop aux attaques contre le Statut !
Comment ne pas comprendre le peu d’enthousiasme légitime des agents face à la perspective d’une loi Fonction publique, quand la loi de Transformation du 6 août 2019 a déjà montré tous les impacts négatifs, que nous avions démontrés à l’époque. Il est fort à craindre que la prochaine loi en soit la suite !. Critiques d’autant plus légitimes que la négociation « carrières et rémunérations » initiée par le gouvernement se donne pour base le rapport de Paul Peny… Lequel, l’an dernier prônait, entre autres, une plus grande prise en compte du mérite dans la carrière, soit un renforcement de l’individualisation, ce qui revient à une nouvelle attaque du Statut.
Dans son intervention devant les congressistes Christian Grolier, secrétaire général de la fédération générale des fonctionnaires (FGF-FO) et de l’union interfédérale FO-Fonction publique le confirmait, évoquant le risque de mesures visant à casser les corps (professionnels) et à créer des rémunérations par métiers. Cela alors que dans la Fonction publique, c’est du diplôme et de la carrière que dépend la rémunération du fonctionnaire, pas du métier !.
Quant à la situation salariale globale dans la Fonction publique… Tandis que le ministre de la Transformation de la Fonction publiques entend lancer des NAO sur le mode de celles du privé et vise à mettre le « mérite » au cœur des négociations « carrières et rémunérations » qui ont commencé par des discussions sur un accord de méthode, la situation salariale n’a rien de satisfaisant. Christian Grolier illustrait : les catégories B et C démarrent au Smic. Les agents de catégorie A démarrent eux leur carrière avec un salaire qui est supérieur de 10% au Smic. Dans le versant territorial, qui compte deux millions d’agents dont 75% en catégorie C, 55% d’entre eux sont au premier grade.
Comment ne pas noter la mise à mal de la progression dans la carrière et le combat âpre que doit mener la fédération pour améliorer la situation. Attendre plusieurs années pour changer de grade… Si ce n’est pas du blocage ! s’indignait Philippe Grasset, rappelant que la fédé est à la manœuvre depuis de longs mois sur le dossier des déroulement de carrières.
Son action est tout-à-fait concrète. L’an dernier nous avons mis en avant la nécessité d’un Bercy des Finances (…), soit l’ouverture de discussions pour améliorer le pouvoir d’achat des agents du ministère. Cela intégrait aussi bien l’indemnitaire que les promotions internes, sans oublier les conditions de travail. Nous avons obtenu dans un premier temps un groupe de travail sur un bilan des promotions dans les différentes directions, en juin dernier. Outre d’avoir le mérite d’exister, ce bilan a démontré les carences, tant pour les promotions, par changement de corps, que par changement de grade.
Et de souligner : l’annonce de la réactivation d’un plan de qualification doit être portée au crédit de notre fédération. Si une augmentation de 10% des promotions par changement de corps n’est pas à la hauteur des attentes des personnels, on va les prendre quand même ces 250 nouvelles promotions ! Et on va continuer de revendiquer !
L’urgence de moyens pour le Services public
Depuis le congrès des Finances en 2020, les crises se sont succédé : crise sanitaire, inflation… et c’est sans parler bien sûr des guerres au niveau international. L’été dernier, les événements sur le territoire national ont, eux, montré, s’il le fallait encore, le rôle crucial des services publics dans la République soulignait Philippe Grasset. Un rôle de cohésion sociale notamment qu’est venu rappeler un rapport du Conseil d’État en septembre dernier. Le rapport intitulé L’usager du premier au dernier kilomètre : un enjeu d’efficacité de l’action publique et une exigence démocratique pointe entre autres le « fossé » qui s’est creusé entre les administrations et nombre d’usagers, dont particulièrement les plus fragiles et/ou en difficulté.
De ce fossé est née une crise de confiance dans l’action publique précise le rapport qui à travers douze propositions évoque notamment la nécessité de rapprocher les services publics du terrain et en apportant des interlocuteurs physiques aux usagers… Il évoque aussi la nécessité d’apporter les moyens suffisants, nécessaires à ces services… Depuis près de vingt ans, et l’arrivée de réformes (dont RGPP, Map, etc) qui à coups de fusions et restructurations ont supprimé des implantations de services et des effectifs, FO demande l’arrêt de celles-ci. Car ces réformes qui n’ont jamais été évaluées – contrairement à ce que demande FO – n’ont fait que dégrader le service public et l’éloigner des usagers.
La Fédération FO ne le sait que trop bien alors que des implantations de plein exercice de la DGFIP (Finances publiques) ont disparu de la carte via la réforme du Nouveau réseau de proximité (NRP) initié par le ministre Gérald Darmanin. Alors que les réformes menées dans le secteur des douanes ont conduit aussi à la disparition d’implantations. Alors que par une énième restructuration, l’organisation du travail du secteur de la concurrence et de la consommation a été éclatée… Les exemples se multiplient, hélas.
Par tous les temps, défendre les agents
Autre crise majeure, entre les deux congrès de la fédération FO Finances, celle découlant de la réforme des retraites que l’exécutif s’est entêté à imposer. Une réforme garnie d’un report de deux ans de l’âge légal de départ et d’une accélération du calendrier Touraine relatif à la durée de cotisation pour une retraite à taux plein. Les militants de la Fédé comme l’ensemble des agents publics ont combattu cette réforme. Au niveau de Bercy, l’unité syndicale a été faite, vite. On a refusé pendant quatre mois de se rendre aux réunions ministérielles indiquait Philippe Grasset, rappelant les quatorze jours consécutifs de grève. Rappelant aussi la dureté des retenues pour grève, soit la règle du 1/30e en vigueur dans la Fonction publique de l’État.
On ne doit pas regretter d’avoir mener ce combat. Et on ne tourne pas la page. On continuera à FO de revendiquer l’abrogation de cette loi rappelait Philippe Grasset. Si le dialogue social a, peu à peu, repris avec le gouvernement, ce qui ne signifie pas que le dossier des retraites est soldé, c’est car il a fallu siéger (dans les instances de représentation, Ndlr) car certains dossiers devenaient urgents à traiter, tel celui de la protection sociale complémentaire (PSC) ou encore le fonds d’indemnisation pour les personnes handicapées. Refuser de siéger sur ces thèmes et y compris sur cette période (1er semestre 2023, Ndlr) aurait pénalisé les agents.
Sur la PSC, indiquait Philippe Grasset, une négociation est ouverte, au niveau de Bercy, sur la partie santé. Nous avons soutenu la FGF-FO dans l’approbation de l’accord de 2022. La FGF-FO a été de celle qui a permis de maintenir la solidarité intergénérationnelle qui était pour nous un point fondamental. La négociation ministérielle a démarré le 9 novembre. Devant le congrès FO Finances le 3 octobre, Christian Grolier indiquait quelques jours après une réunion conclusive sur le volet Prévoyance de la PSC qu’on était « loin du compte ». Le 16 octobre, la FGF-FO faisait savoir qu’elle ne signerait pas l’accord sur ce volet Prévoyance.
L’hémorragie des emplois, ça suffit !
Cet été, listait encore Philippe Grasset, un élément est venu encore percuter l’ordinaire, soit un remaniement ministériel avec une nouvelle fois un changement de ministre dans le secteur de Bercy. Gabriel Attal quittait les comptes publics (pour l’Education nationale), remplacé par Thomas Cazenave que FO-Finances a rencontré dès le 12 septembre et à qui la fédération a porté ses revendications. La politique sera la même et ce n’est pas pour rassurer. Pour l’anecdote, depuis mon arrivée comme secrétaire général à la Fédération en 2013, j’ai vu nommer plus de 30 ministres et secrétaires d’État !, indiquait Philippe Grasset ? Et de noter : Les ministres passent, les dossiers restent.
Et en matière de dossiers, comment ne pas citer celui des effectifs… Bercy va encore perdre des postes ». Comme chaque année. En 2024, selon le projet de loi de finances (PLF), trente-trois postes disparaîtront. Moins que d’habitude certes, mais « après plus de 20 000 postes disparus en treize ans dans le périmètre des Finances. Et cela avec les conséquences désastreuses qui vont avec, soit les répercussions sur le fonctionnement du Service public, ses missions, les conditions de travail des agents… Par ailleurs, indiquait-il, dans ce PLF pour 2024, les ministres omettent de présenter les transferts de missions, par exemple de la douane vers la DGFIP, laquelle paye le prix fort au plan des suppressions d’effectifs depuis plus de dix ans.
Une récente décision du gouvernement en matière d’action sociale suffirait à illustrer l’attitude de l’État employeur vis-à-vis des personnels. Il a ainsi décidé cet été la suppression de l’octroi des chèques vacances aux retraités de la Fonction publique : une scandaleuse décision prise au cœur de l’été, sans aucune concertation. Décidément, ce gouvernement racle les fonds de tiroirs pour résorber les déficits, quitte à appauvrir une population déjà bien touchée par la perte de pouvoir d’achat assénait Philippe Grasset. FO a fait savoir son indignation et demandé l’abandon de cette mesure.
Actions syndicales encore, deux négociations se sont ouvertes cet automne à Bercy. L’une, pour la première fois, sur le handicap, et la fédération a validé l’accord de méthode en amont de la négociation qui s’est engagée le 7 septembre et devrait se conclure d’ici la fin de l’année. Des moyens supplémentaires semblent être apportés pour la prise en charge de certains outils indispensables aux handicapés précisait-il.
L’autre négociation porte sur l’égalité professionnelle. Nous n’avions pas signé l’accord précédent faute de moyens octroyés rappelait le secrétaire général sortant. Nous avons eu raison car ce plan a été suivi de peu d’actions concrètes, à part, la plupart du temps, des expositions dans le hall de Bercy ! Ce plan ne répondait pas à une des revendications majeures de FO finances, revendication qui est d’ailleurs toujours absente du plan, soit la fin de la mobilité des agents qui passent de catégorie C à la B à la DGFIP. Seule cette direction de notre ministère maintient cette disposition de mobilité. Or, chacun sait que la mobilité géographique est un frein à l’égalité professionnelle.
Attention à ne pas perdre l’essentiel de l’action syndicale : le contact humain
Le congrès est revenu bien sûr sur l’événement syndical majeur de 2022 : les élections professionnelles dans la Fonction publique. On peut se féliciter que FO garde sa première place à l’État et prenne pour la première fois, la deuxième place au Conseil commun lançait Philippe Grasset, saluant les syndicats et les sections départementales qui ont réussi à faire progresser FO. Exemple : les résultats de FO dans les laboratoires de la CCRF. Avec 0,2 ETPT de droits syndicaux, FO rassemble plus de 25% des voix. Plus largement, FO Finances préserve ses trois sièges au CSA ministériel et c’était un enjeu majeur de ce scrutin.
Si les votes à ces élections complexifiées par deux systèmes selon les scrutins, ont connu des couacs, la participation s’est bien tenue malgré une baisse de cinq points par rapport à 2018. Par ailleurs, au-delà de ses résultats, la fédération devra se pencher sur le renouvellement des générations de militants et ses méthodes d’action. Si le télétravail est une aide, ce n’est certainement pas le moyen idéal de militer et de répondre à toutes les sollicitations, dont ministérielles. Ce n’est pas non plus le moyen d’être au plus près des agents et de nos adhérents, indiquait Philippe Grasset. Après la quasi-disparition du tract papier, le télétravail est une nouvelle étape qui pourrait s’assimiler à un syndicalisme 2.0. Attention à ne pas perdre l’essentiel de l’action syndicale : le contact humain.