Le 13 novembre, à l’appel de plusieurs syndicats dont FO, les prévisionnistes de l’opérateur étaient en grève. Ils dénoncent la mise en fonction d’une nouvelle organisation totalement automatisée et mal maîtrisée, qui s’effectue dans un contexte de recul des effectifs.
Les récents épisodes de tempêtes et d’inondation ont montré, une nouvelle fois, le rôle de Météo France, établissement public à caractère administratif. Pourtant, On ne prévoit pas le temps qu’il fera sans prévisionnistes, souligne la Feets-FO dans un communiqué de soutien aux agents. Le 13 novembre, les syndicats, et en premier lieu Force Ouvrière, ont appelé à la grève pour protester contre la mise en place d’une nouvelle organisation du travail non aboutie et controversée, qui mènera à une baisse de la qualité du service fourni.
Dans un communiqué, l’intersyndicale dénonce un mode dégradé des prévisions disponibles sur le site internet et l’application mobile, qui ne sont plus systématiquement mises à jour en journée. La contestation pointe notamment la centralisation et l’automatisation de la fourniture des données présentes sur le site et l’application de Météo-France.
Près de 1 200 postes supprimés en 20 ans
Jusqu’alors, les prévisionnistes avaient les moyens d’interpréter et de corriger les données sorties par les différents modèles numériques utilisés et d’adapter les prévisions à chaque territoire, explique Jérôme Lartisant, secrétaire général de FO et prévisionniste depuis plus de vingt ans. Le militant pointe une diminution drastique des effectifs durant ces dernières années. En 2005, on comptait 3 800 agents. Aujourd’hui, ils sont 2 580.
Une politique de baisse des effectifs qui s’est traduite par la fermeture progressive des centres départementaux au profit de l’ouverture des centres régionaux. Avant 2012, date de cette orientation politique, il y avait 108 implantations de Météo France sur le territoire, contre 30 actuellement. Lors de la prise de décision, la direction de l’époque avançait que l’automatisation des prévisions pallierait ce manque d’effectifs. Mais l’automatisation a avancé moins vite que la politique de départ. De fait, on arrive à un système à bout de souffle où les agents en sous-effectifs ne peuvent pas bien travailler.
Et ce n’est pas la vingtaine de postes supplémentaires inscrits dans le projet de loi de finances 2024 qui va changer la donne. Ces postes seront assignés aux nouvelles missions, comme la météo des forêts qui vise à lutter contre le risque d’incendies. D’autant que ces nouveaux agents doivent être formés durant 3 ans à Toulouse. Même s’ils seront comptabilisés dans les effectifs dès leur recrutement, il faudra attendre pour les voir sur le terrain, commente le prévisionniste.
Une automatisation qui laisse à désirer
Le programme intitulé « 3P », pour « programme prévision production » a donc été mis en place le 13 novembre. Pour les organisations syndicales, cela aura des impacts concrets sur l’information donnée au grand public et pour la sécurité des personnes et des biens. Ainsi, les données de prévisions automatiques (qui seront dorénavant les seules accessibles sur les applications grand-public) pourraient être incohérentes avec la vigilance qui, elle, intégrera l’expertise des prévisionnistes, soulignent les syndicats dans le communiqué commun.
Avant, les prévisions étaient effectuées par un travail humain, avec l’automatisation, on s’en remet à une boîte noire qui mélange les divers modèles existants. La vigilance reste expertisée humainement, mais, que se passera-t-il lorsqu’il y aura un décalage entre les prévisions automatiques et celles de l’expert professionnel ?, s’interroge Jérôme Lartisant. Le seul poste d’expertise se situe désormais à Toulouse, pour couvrir l’ensemble de la métropole et la Corse. Si des corrections doivent-être faites, cela prendra du temps. Or à Météo France, nous sommes responsables de la sécurité des personnes…
Vers une prévision à deux niveaux ?
L’organisation « 3P », qui était en rodage depuis le mois de septembre, n’a pas démontré sa robustesse, notamment sur des situations météorologiques complexes. Au sein de l’intersyndicale, nous demandions une période de test plus longue, où cohabiteraient l’ancienne et la nouvelle organisation. Un système de chaîne en double qui permettrait d’améliorer le programme 3P en le comparant à l’actuel, et de faire la comparaison lorsque celui-ci serait réellement mieux, si ce n’est aussi efficace, que l’ancienne organisation.
Enfin, le secrétaire général du syndicat FO craint une prévision à deux niveaux. Météo France propose une prévision expertisée dans ses services commerciaux. Mais cela ne profitera qu’aux grosses entreprises qui pourront payer cette prestation. Les autres, tout comme le grand public, n’auront que les données générées par l’automatisation. Le site internet et l’application, sont alimentés par cette automatisation.
Le mal-être des agents prévisionnistes
Dans ce contexte, les agents et en premier lieu les prévisionnistes, ne peuvent qu’être inquiets. Ils ne se sentent pas bien formés et constatent que la production automatique n’est pas à la hauteur. Lorsque l’on rentre chez soi en pensant que le travail n’a pas été bien fait, voire pas fait du tout, cela engendre un vrai mal-être, souligne Jérôme Lartisant. Dans cette situation d’automatisation, il devient difficile pour les prévisionnistes de se projeter : Comment va évoluer le métier dans les 5 ou 10 prochaines années ? Est-ce que cela se résumerait à recevoir des plaintes des clients mécontents à cause des mauvaises prévisions auxquelles vous n’avez pas participé ?
Rien d’étonnant donc au fait que les prévisionnistes de Météo France aient massivement participé à la grève le 13 novembre. Le taux de grévistes chez ces personnels était de près de 40 %. Soit l’équivalent de 4 centres régionaux complètement fermés, précise Jérôme Lartisant.
Déjà reçue par la direction en amont de la mobilisation, l’intersyndicale a obtenu une deuxième rencontre, le 27 novembre.