« Le changement, c’est pour quand ? »

Jean-Claude Mailly, secrétaire national de Force ouvrière était, hier, à Perpignan.

Quel message avez-vous donné aux militants syndicalistes réunis depuis mardi en congrès à Perpignan ?

Expliquer tout d’abord que le contexte général dans lequel nous sommes au niveau européen rentre dans une logique de rigueur et d’austérité. Que le pacte budgétaire européen que le président avait dit qu’il renégocierait, chose qu’il n’a pas faite, implique toutes les décisions qui sont prises au niveau national. C’est le cas sur le dossier des retraites alors qu’il n’y avait pas d’urgence à traiter ce sujet actuellement.

Sur ce débat, pourquoi être opposé à un allongement des cotisations alors que l’espérance de vie augmente ?

Cette question de l’allongement ne tient pas la route sur le plan économique et sur le plan scientifique. Par exemple, l’espérance de vie en bonne santé a diminué d’un an pour les hommes et pour les femmes depuis le début de la crise. Je ne vois pas la logique de ce raisonnement. L’espérance de vie augmente depuis 200 ans et cela n’a pas empêché nos anciens de créer la Sécu et la retraite à 60 ans. Et puis qui peut dire quelles seront la durée de vie et la croissance économique dans vingt ans. Enfin et alors que le président avait dit que la jeunesse est sa priorité, pourquoi obliger les jeunes générations, qui ont moins de 40 ans aujourd’hui, à devoir travailler jusqu’à 67 ans pour une retraite à taux plein.

Les politiques d’austérité sont aussi, selon vous, la cause de l’augmentation du chômage ?

Oui, car tous les économistes disent que si on veut une diminution sérieuse du chômage, il faut un taux de croissance économique d’au moins 1,5 %. Aujourd’hui, on est loin de cela avec une croissance quasi nulle. La logique de l’austérité, qui n’est pas spécifique à la France, conduit donc à une croissance faible et à une explosion du chômage. On doit changer de politiques économiques avec une relance de la consommation par une augmentation du pouvoir d’achat, redonner un rôle plus actif aux états sur les stratégies industrielles, puis arrêter de supprimer des postes de fonctionnaires car après, ce sont les jeunes qui ne trouvent pas de travail et se retrouvent au chômage.

Localement et nationalement, la question du détachement des travailleurs ressurgit. Quelle est la position de FO sur le sujet ?

On avait sur cette problématique déjà alerté le précédent président. Les états de l’Europe n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les règles à mettre en place. En France, cela concerne 350000 travailleurs, 110000 déclarés, principalement pour l’agriculture, le bâtiment et dans une moindre mesure les transports. Ainsi par exemple, on peut avoir des entreprises de travail temporaire installées en Roumanie qui donnent une prestation à une entreprise française. Cette dernière va payer l’équivalent du Smic, mais le salarié roumain ne percevra que 600 à 700 par mois. On est là dans le dumping social où on veut faire baisser le coût du travail et le pays qui est passé maître en la matière, c’est l’Allemagne. La meilleure solution pour nous est que tout travailleur européen qui vient dans un autre pays européen doit avoir, quelle que soit la durée, les mêmes conditions de travail, de rémunération et de protection sociale.

L’Indépendant – Edition du 25 octobre 2013 – Propos recueillis par Julien Marion

Quitter la version mobile