Un accord de reprise est en cours d’élaboration entre Carambar&Co, qui détenait jusqu’à présent la marque Poulain, et le groupe Andros. Un immense soulagement pour les 109 salariés dont les emplois étaient menacés malgré leur savoir-faire industriel reconnu. Seule ombre au tableau : Andros n’a pas racheté la marque elle-même, qui devrait donc à moyen terme quitter son site historique de Blois.
Comme sur des roulettes, ou presque ! Lorsque la direction de l’usine Poulain de Blois (Loir-et-Cher) lui a annoncé en juin la fermeture prochaine du site, Pascal Chollet, délégué syndical FO, était loin d’imaginer que les 109 salariés s’en sortiraient à si bon compte. Mi-septembre, le groupe agroalimentaire Andros s’est officiellement positionné comme repreneur de la chocolaterie historique – et de l’ensemble de ses employés. Le groupe Carambar&Co, détenu par le fonds d’investissement Eurazeo et propriétaire de Poulain depuis 2017, s’est entendu avec Andros pour jeter les bases d’un accord de reprise.
Le groupe Andros avait pour projet de se lancer dans le chocolat et de monter une usine, expose Pascal Chollet. C’était donc une opportunité pour eux : ils étaient intéressés par le savoir-faire chocolatier du personnel. S’ils étaient partis d’une usine vide, ils auraient dû installer toute leur ligne et former les salariés. Le délégué FO ne boude pas cette victoire collective. Nous avons décidé, avec l’intersyndicale, de refuser d’entamer les négociations d’un PSE et a exigé la recherche d’un repreneur, en application de la loi Florange. Cette stratégie a été payante, se félicitent les organisations syndicales dans un communiqué. On s’en sort bien, acquiesce Pascal Chollet. Nos objectifs, c’était de sauver le site, d’y maintenir un maximum d’emplois et de garder la marque Poulain à Blois.
Seul bémol : ce dernier point n’a pas pu être garanti. Andros n’a pas exprimé d’intérêt pour la marque Poulain, qui reste donc dans le portefeuille de Carambar&Co. Un contrat de sous-traitance permettra de maintenir sur le site de Blois la fabrication des poudres chocolatées pendant un an, et des tablettes pendant trois ans – renouvelables en cas de succès suffisant. Mais à moyen terme, l’usine ne fabriquera probablement plus de produits Poulain. Nous ne serons plus maîtres de la marque, regrette Pascal Chollet. Ça nous fait un pincement au cœur, quand même, car Poulain et Blois, ça ne fait qu’un. La marque avait été créée dans la préfecture du Loir-et-Cher voilà 176 ans.
Un réel projet industriel
Une consolation, et pas des moindres, adoucit ce deuil à venir : contrairement au précédent propriétaire, qui était un fonds d’investissement par nature axé sur le profit à court terme, Andros est un groupe industriel. Le discours n’est pas du tout le même, se réjouit Pascal Chollet. La personne que nous avons rencontrée nous a dit : C’est mon père qui a monté la boutique, et après moi il y aura mes enfants, donc nous, on pense sur le long terme. Déjà détenteur des marques Andros, Bonne Maman, Mamie Nova ou encore Pierrot Gourmand, le groupe compte près de 10 000 salariés.
L’arrivée d’Andros sonne comme un vrai soulagement pour le personnel de l’usine de Blois, qui s’est vu baladé depuis quinze ans au gré des ambitions de ses propriétaires successifs. Rachetée en 2010 par le groupe Mondelez, la marque Poulain avait alors été dépecée pour ne pas faire d’ombre aux vaisseaux amiraux du groupe, Milka et Côte d’Or. Ainsi fragilisée, elle a été revendue en 2017 à la société d’investissement Eurazeo, qui détient le groupe Carambar&Co, et se targue d’être un repreneur professionnel, redressant des entreprises avant de les revendre pour faire du profit. Une rengaine connue pour les salariés de l’industrie française.
De la rancœur envers la gestion financière appliquée à Poulain
Carambar&Co nous avait dit : Si ça ne marche pas, on revend simplement, se souvient Pascal Chollet. Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils ont fait : ils ont gardé la marque en voulant licencier tout le monde. De toutes les boîtes que j’ai connues, c’est la pire de toutes sur le plan de la stratégie. Parmi les salariés, le ressentiment reste donc important contre le propriétaire sortant. Toutes ces annonces, ces chocs émotionnels ont quand même impacté le personnel. On en veut à Carambar&Co, ce ne sont que des financiers.
Mais les salariés de l’usine de Blois, qui battra pavillon Andros dès janvier 2025, ont les yeux tournés vers l’avenir et vers les investissements promis par le groupe. Pour l’heure, le projet de développement reste secret, puisque Carambar&Co deviendra de fait le concurrent d’Andros dans trois mois. Le délégué s’amuse en s’essayant aux pronostics : Des tablettes à la confiture ?