Le mythique train à crémaillère qui relie Chamonix au Montenvers est resté à quai le 10 mai au matin, en raison d’un débrayage à l’appel de deux syndicats dont FO. Les salariés, très fortement mobilisés, refusent toute régression sociale et salariale suite à la reprise, en novembre dernier, de l‘exploitation de la ligne en régie directe par le département de Haute-Savoie.
Tous les salariés du petit train rouge qui mène à la Mer de Glace, en Haute-Savoie, se sont mis en grève le 10 mai au matin, à l’appel de deux syndicats dont FO. Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées sur les rails et devant la billetterie. C’est la première mobilisation des personnels du chemin de fer depuis… 1974 ! Et à l’époque, de mémoire d’ancien, l’interruption de travail n’avait duré que deux heures.
Ce train touristique à crémaillère amène les passagers de Chamonix au Montenvers, à 1910 mètres d’altitude. Inauguré en 1909, il a toujours connu une gestion privée, dans le cadre d’une délégation de service public. Depuis 25 ans, son exploitation était assurée par la Compagnie du Mont-Blanc (CMB), une société de plus de 400 salariés qui gère notamment les remontées mécaniques dans la vallée de Chamonix. Nous avions un dialogue social respectueux, avec des NAO, un quatorzième mois, des accords de participation et d’intéressement, et parmi les meilleures œuvres sociales du département, explique Laurent Da Cunha, délégué FO et chef d’atelier, entré dans l’entreprise en 1995.
Fin 2023, le nouveau président du Conseil départemental a décidé de ne pas renouveler l’appel d’offre pour passer à une gestion directe de la ligne en régie, effective depuis novembre dernier. Les salariés refusent que ce changement d’employeur n’entraîne pour eux une régression sociale et salariale. Lorsqu’il a pris cette décision, le président du Conseil départemental nous a promis que tous nos acquis sociaux et salariaux seraient maintenus. Mais la reprise a eu lieu il y a six mois et les négociations n’ont toujours pas démarré sur le transfert de nos anciens accords d’entreprise, s’inquiète le militant.
Les conditions actuelles d’emploi sont maintenues durant 15 mois à compter de la date de la reprise. Ensuite, s’ils ne sont pas repris dans le cadre d’un accord avec le nouvel employeur, ces acquis seront perdus.
Bras de fer sur le calcul des effectifs
Depuis la reprise en régie, le climat social est tendu. Un premier directeur général a été remercié trois mois après sa prise de poste. Le train du Montenvers, ce sont des millions d’euros de chiffre d’affaires et une renommée internationale. Au CMB, nous avions 80 personnes dans les fonctions support, tout était carré. Là, cela semble une gestion d’amateur, la structure est sous-dimensionnée, dénonce le chef d’atelier.
Les syndicats revendiquent également le versement d’une prime. Si nous étions restés au CMB, nous aurions perçu la prime de fin de saison d’hiver, d’un montant de 1400 euros cette année. Or le président nous a promis que nous n’aurions pas de perte de salaire, poursuit le militant. Autre revendication, la présence de deux agents à bord des trains. Les syndicats estiment que le conducteur seul ne peut pas assurer la sécurité des passagers.
Direction et syndicats sont par ailleurs en désaccord sur le calcul des effectifs. La régie estime à moins de 50 le nombre de postes en équivalent temps plein (ETP), seuil en-dessous duquel l’employeur n’est pas tenu de verser un budget de fonctionnement pour le CSE ni de financer les activités sociales et culturelles. Quand nous avons appris que nous ne pouvions pas mettre en place d’œuvres sociales, nous sommes tombés des nues. Ça a été la première crispation, cela allait à l’encontre des engagements pris, poursuit Laurent Da Cunha, qui a saisi l’Inspection du travail.
Tout ce que nous demandons, c’est de pouvoir bien faire notre travail, dans les mêmes conditions qu’avant, nous aimons notre site et notre train, explique-t-il. Après ce premier coup de gueule, les salariés, s’ils ne sont pas entendus, pourraient se mobiliser à nouveau, avec plus d’ampleur.