Au terme de quinze mois de coupes budgétaires visant à réduire l’inflation et à combler le déficit public, les Argentins – en particulier les retraités – sont plus que jamais sous pression pour joindre les deux bouts, dénoncent les syndicats du pays.
Pour la troisième fois depuis l’arrivée au pouvoir de Javier Milei il y a 15 mois, une grève générale a secoué l’Argentine les 9 et 10 avril. Forte mobilisation des fonctionnaires, activités au ralenti, gares et aéroports vides : la Confédération générale du travail de la République d’Argentine (CGT-RA), principale centrale syndicale du pays, s’est félicitée du franc succès de ces journées d’actions visant à demander la fin de l’austérité budgétaire et à dénoncer la précarité galopante.
Si le gouvernement de Javier Milei s’est targué d’avoir fait reculer la pauvreté au deuxième semestre 2024 (moins 15 points par rapport au premier semestre) en même temps que l’inflation (passée de 211% en 2023 à 117% en 2024), la situation de nombreux Argentins reste critique : 38% d’entre eux vivent toujours sous le seuil de pauvreté. Et le taux, en recul de cet indicateur fait suite à une hausse spectaculaire lors des six premiers mois de 2024, peu après la prise de fonctions de Javier Milei en décembre 2023. 52,9% des 47 millions d’Argentins étaient alors considérés comme pauvres. Ce bond de la précarité avait entre autres été causé par la perte de dizaines de milliers d’emplois et une forte chute de la croissance, à la suite des coupes budgétaires à la tronçonneuse, symbole choisi par le président pour illustrer ses ambitions pour le pays.
Les retraités précarisés, la fonction publique fragilisée
Selon la CGT-RA, les indices macroéconomiques dont se félicitent les autorités occultent la réalité des fins de mois difficiles des Argentins, qui encaissent le coût social de cette politique. La centrale syndicale revendique entre autres la relance des chantiers publics mis à l’arrêt par l’austérité budgétaire. Pour Rodolfo Aguiar, le secrétaire général de l’Association des travailleurs de l’État (ATE), principal syndicat des fonctionnaires, le résultat de la mobilisation s’impose : Il faut arrêter la tronçonneuse. C’est fini, il n’y a plus de place pour de nouvelles coupes.
Pour cette troisième grande mobilisation, l’accent était mis sur la situation des retraités, particulièrement touchés par la pauvreté et nombreux à devoir conserver de petits boulots ou compter sur la solidarité familiale pour survivre. Plus de la moitié d’entre eux touchent un minimum retraite équivalant à 340 dollars par mois. De leur côté, et à la suite de vagues de licenciements dans leurs rangs, les fonctionnaires étaient aussi très mobilisés exigeant la réintégration de leurs collègues, la réouverture des négociations collectives et une augmentation des salaires en urgence.
Répression et messages antisyndicaux
Les travailleurs en grève ont défilé également pour dénoncer la répression policière, cela faisant référence à de violents heurts survenus entre la police et des manifestants lors d’une mobilisation pour les droits des retraités le 12 mars. Ce rassemblement, qui se tient chaque semaine depuis des années de façon pacifique, a cette fois donné lieu à 120 interpellations après que des supporters de football s’y sont associés. Les violences ont fait 45 blessés (20 policiers et 25 civils).
Pour toute réponse à cette colère profonde, le pouvoir argentin a multiplié les messages méprisants. Attaque sur la République, clamaient en lettres capitales les panneaux d’affichage des gares le jour de la mobilisation. La caste syndicale s’en prend aux millions d’Argentins qui veulent travailler, poursuivaient-ils, encourageant les citoyens à appeler un numéro gratuit pour dénoncer les organisations qui les forcent à faire grève. Un bras de fer antisyndical entamé dès l’arrivée au pouvoir de Javier Milei, qui avait d’emblée criminalisé l’une des pratiques de mobilisation collective traditionnelles en Argentine, les piquete, qui consistent à bloquer un axe de circulation.