Dans un arrêt en date du 29 janvier 2025, la Cour de cassation précise comment un employeur peut imposer un déplacement temporaire à un salarié, par essence, mobile : Le déplacement occasionnel peut être imposé à un salarié lorsqu’il s’inscrit dans le cadre habituel de son activité, qu’il est justifié par l’intérêt de l’entreprise (I) et que le salarié a été prévenu dans un délai raisonnable (II) et informé de la durée prévisible de la mission (III) (Cass. soc., 29-1-25, n°23-19263 ; voir également Cass. soc., 2-4-14, n°12-19573).
En l’espèce, le contrat de travail stipulait expressément que le salarié s’engageait à effectuer tout déplacement entrant dans le cadre de ses fonctions. La Cour de cassation relevait que le déplacement refusé par le salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de charpentier.
Lorsqu’un déplacement occasionnel est proposé à un salarié dont l’activité est, par essence, mobile et que l’employeur respecte bien les trois conditions posées par l’arrêt du 29 janvier 2025, le refus du salarié l’expose à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave. La jurisprudence du 29 janvier 2025 (qui est une confirmation d’une jurisprudence de 2014) s’applique à tout salarié, par essence, mobile que celui-ci ait ou non une clause de déplacement insérée dans son contrat de travail.
Par contre, si l’une de ces trois conditions fait défaut, il s’agit d’une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié.
Lorsque le salarié exerce une activité qui n’est pas, par essence, mobile, c’est-à-dire sédentaire, l’employeur peut l’affecter temporairement sur un nouveau lieu de travail (en dehors du secteur géographique dans lequel il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique), sans que cela constitue une modification du contrat de travail, dès lors que trois conditions cumulatives sont remplies :
– l’affectation temporaire doit être motivée par l’intérêt de l’entreprise. Cette exigence découle du principe d’exécution de bonne foi du contrat de travail. L’employeur étant présumé de bonne foi, c’est au salarié de démontrer que la décision de l’employeur a été prise pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise. Le détachement temporaire du salarié n’est pas justifié par l’intérêt de l’entreprise lorsque celui-ci n’est nullement indispensable, ni urgent dans la mesure où son équipe a continué à travailler sur le chantier auquel il était affecté, qu’il ne s’agissait donc pas de devoir renforcer des équipes.
Lorsque le détachement temporaire porte atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale, l’employeur doit démontrer que l’atteinte à la vie personnelle et familiale est justifiée par la tâche à accomplir et est proportionnée au but recherché ;
– elle doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles. En exigeant de l’employeur qu’il justifie d’une circonstance exceptionnelle pour les salariés qui ne sont pas, par essence, mobiles, c’est-à-dire sédentaire, les juges semblent limiter la possibilité d’imposer un changement temporaire du lieu de travail à des cas très particuliers. La fermeture d’un établissement pour travaux répond à cette définition. L’idée sous-jacente est que ces affectations temporaires ne doivent pas être utilisées comme un mode de gestion habituel du personnel ;
– le salarié doit avoir été informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible. L’exigence d’information est donc double. Un délai raisonnable doit s’écouler entre le moment où le salarié est informé de son affectation occasionnelle et le moment où il est envoyé effectivement dans son nouveau lieu de travail. Cette notion de délai raisonnable s’apprécie notamment en fonction de l’importance du changement et de sa durée. Plus le changement sera important (ex : une affectation occasionnelle très éloignée du lieu habituel de travail), plus l’affectation temporaire sera longue et plus le délai de prévenance à respecter devra être conséquent. En cas de retard dans la réaffectation du salarié dans son lieu de travail initial, l’employeur a tout intérêt à l’avertir, le plus tôt possible, de la nouvelle date prévisible de la fin de cette affectation. A défaut d’être prévenu dans un délai suffisant du prolongement de son affectation occasionnelle, le salarié pourrait exiger son retour dans son lieu de travail habituel (Cass. soc., 3-2-10, n°08-41412).
Salarié mobile ou non, vous avez des droits en cas de déplacement temporaire, n’hésitez pas à les faire respecter !