Mais qu’irais-je donc faire dans cette galère de la concertation, lançait le secrétaire général de la confédération, Frédéric Souillot, le 26 février, rapportant ainsi ces propos tenus la veille devant le Premier ministre.
Le 27 février, FO ― qui demande toujours l’abrogation de la réforme de 2023 ― a quitté la première réunion d’échange sur les retraites, dans le cadre d’une concertation dont elle conteste le format, le périmètre et la méthode. Demandant des discussions dans le cadre de la pratique contractuelle et conventionnelle, elle pointe le carcan, en termes d’objectif financier, imposé par Matignon et qui plus est révélé quelques heures avant la réunion, via un courrier du Premier ministre envoyé dans la nuit du 26 au 27 février. Un carcan qui illustre toute l’austérité exigée sur l’ensemble des dépenses publiques. Tandis que la Cour des comptes préconise toujours plus de dureté.
Retraites : FO sort de la concertation, déplorant une mascarade
L e 27 février, FO a quitté la table de la première réunion ouvrant la concertation, entre syndicats et patronat, sur les retraites. Nous refusons de participer à cette mascarade, où on veut nous faire dire que la seule solution, c’est d’allonger la durée du travail pour les salariés, fustige Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi et des retraites. Loin de revenir sur l’âge légal à 64 ans, la lettre de cadrage du Premier ministre, envoyée tard la veille, pousse en effet à durcir les droits. François Bayrou demande aux interlocuteurs sociaux de rétablir l’équilibre financier du système des retraites d’ici 2030, date à laquelle le déficit atteindrait 6 milliards d’euros selon la Cour des comptes. De plus, il ne fallait pas toucher à la compétitivité des entreprises, alors que nous voulons conditionner les 173 milliards d’euros d’aides et d’exonérations qui leur sont accordées. Cette lettre est un vrai carcan, pointe Michel Beaugas.
Refus de cautionner un régime unique
Malgré les demandes de FO, le périmètre des concertations n’a pas été clarifié. Si dans sa lettre, le Premier ministre précise que les discussions concerneront uniquement le régime général des retraites des salariés du privé, il maintient la participation ponctuelle d’un syndicat du public non représentatif, et de syndicats du régime agricole et des indépendants. Le non-dit derrière, c’est de nous vendre un projet de réforme de retraite à points. Il n’en est pas question, dénonce Michel Beaugas. Malgré ce départ, FO se dit ouvert à discuter entre autres de l’égalité salariale femmes-hommes ou de la pénibilité. Mais dans le champ de la négociation interprofessionnelle.
Cour des comptes : un rapport empreint de diktat budgétaire
Remis le 20 février aux interlocuteurs sociaux, le rapport de la Cour des comptes sur la situation financière du système de retraite, socle voulu par le gouvernement pour la concertation sur la réforme de 2023, a eu au moins le mérite de clarifier certaines choses. Il contredit en effet le discours de François Bayrou qui, le 14 janvier, assurait d’un déficit caché de 45 milliards d’euros du système de retraite, englobant le public et le privé. Somme que l’État devrait emprunter chaque année. Or, la Cour s’est rangée du côté du Conseil d’orientation des retraites. Elle estime que les systèmes du secteur privé et de la fonction publique ne sont pas comparables, et juge que celui propre à l’État est à l’équilibre. En revanche, pour tous les autres régimes, dont celui du privé, la Cour évoque des perspectives préoccupantes : le déficit pourrait atteindre près de 15 milliards d’euros en 2035 et 30 milliards d’euros en 2045. Et ce, malgré la réforme de 2023. Pour Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO chargé de l’emploi et des retraites, ce constat montre surtout que reculer l’âge de départ est la pire solution. On s’attaque aux droits des salariés, alors qu’en réalité le système de retraite manque de recettes.
Pas d’estimation d’un retour à 62 ans
Le rapport évalue par ailleurs plusieurs scénarios de réforme, comme augmenter d’un an la durée de cotisation pour une retraite à taux plein. Autre piste, ramener l’âge légal de départ à 63 ans (au lieu de 64). Cela coûterait 5,8 milliards d’euros en 2035, estime la Cour. Le reculer à 65 ans générerait 8,4 milliards d’euros. La Cour des comptes a omis de chiffrer le coût d’un retour à l’âge légal à 62 ans, déplore Michel Beaugas, qui avait demandé cette estimation aux magistrats de la rue Cambon. Et de noter encore que les pistes exposées par la Cour feraient peser l’effort sur les salariés. Plus largement, FO demande l’abrogation de la réforme de 2023. Ce qu’elle a rappelé le 27 février, avant de sortir de la concertation.
Dans le public, la pension, juste retour des services accomplis
FO le rappelle particulièrement en ce moment, le système de retraite de la fonction publique, autrement appelé régime « non aligné », n’a rien à voir avec celui du privé. Pour autant, les agents publics (fonctionnaires et contractuels) se sont vu appliquer les réformes successives des retraites, dont celle de 2023 (mesure d’âge, de durée de cotisation). Relevant du statut général, les fonctionnaires des trois versants (État, hospitalière, territoriale) reçoivent, selon le Code des pensions civiles et militaires, une pension, soit une allocation pécuniaire personnelle et viagère (…) en rémunération des services qu’ils ont accomplis jusqu’à la cessation régulière de leurs fonctions. Il s’agit d’accorder au bénéficiaire les conditions matérielles d’existence en rapport avec la dignité de sa fonction.
La pension, calculée sur les six derniers mois de la carrière, est égale à 75 % du traitement indiciaire brut. Mais ce calcul exclut les primes, qui composent cependant jusqu’à plus de 30 % la rémunération.
Les primes exclues du calcul de la pension
Depuis 2005, a été créé, pour tous les fonctionnaires titulaires, un régime additionnel obligatoire, le RAFP. La pension mensuelle brute moyenne est (en 2023) de 2 302 euros pour les agents (titulaires) de l’État. Ce dernier, qui a l’obligation de pouvoir verser les pensions, les inscrit au Grand livre de la dette publique. Les retraites des hospitaliers (montant brut moyen de 1 578 euros) et des territoriaux (1 377 euros) sont, elles, gérées par la caisse CNRACL. Les non-titulaires, dont les contractuels, dépendent eux, quel que soit le versant, du régime général (CNAV) pour la retraite de base et de la caisse Ircantec pour la complémentaire.
Nos retraites en quelques chiffres
Selon la Cour des comptes, les dépenses publiques pour les retraites, tous régimes confondus, représentent actuellement 388,4 milliards d’euros, soit 13,8 % du PIB. En 2022, 17 millions de personnes percevaient une pension de retraite de droit direct. Le montant moyen de la pension était de 1 626 euros brut par mois, soit 1 512 euros net. Modeste, donc. Par ailleurs, la pension nette moyenne ne devrait progresser que de 0,2 % à 0,3 % par an d’ici 2045, indique la Cour, soulignant encore que, conséquence des réformes successives, les salariés partiront plus tard à la retraite dans les prochaines années. L’âge effectif de départ à la retraite passerait ainsi à 64,5 ans à partir de 2030 contre 62,6 ans en 2022.