Après l’échec des NAO le 5 février, une intersyndicale à laquelle FO participe a appelé les salariés de Lidl à une grève illimitée à partir du 7 février. Outre la question des salaires et des conditions de travail, les syndicats dénoncent un projet d’ouverture de l’ensemble des magasins le dimanche matin. La mobilisation promet d’être très suivie.
Si la mise en vente d’escarpins aux couleurs de Lidl fait le buzz dans les médias, le quotidien des 46 000 salariés de l’enseigne est beaucoup moins glamour. Ils sont appelés à une grève illimitée à partir du 7 février par cinq organisations syndicales dont FO, du jamais vu depuis des années. Il faut dire que le chariot de revendications déborde.
Depuis la crise inflationniste de 2023, l’enseigne, dont la maison-mère est en Allemagne, a perdu des parts de marché dans l’hexagone face à ses concurrents. La direction entend désormais revoir sa stratégie pour se relancer dans la course aux petits prix. Avant, elle misait sur les produits de qualité, en se rapprochant des supermarchés classiques. Désormais, le prix passe avant la qualité, explique Sabine Pruvost, déléguée centrale FO, troisième syndicat ex-aequo sur les six implantés dans l’entreprise.
Cela se traduit notamment par une austérité salariale. Les NAO se sont achevées le 5 février sur une augmentation générale des salaires de 1.2%, soit un peu en dessous du niveau de l’inflation, assortie d’une prime d’un montant compris entre 100 et 180 euros par salarié. C’est largement insuffisant pour FO, d’autant que cette année, comme l’an dernier, les salariés ne toucheront pas de participation, faute de bénéfices.
Lors de cette négociation, la direction a aussi fait part de sa volonté d’ouvrir l’ensemble des magasins le dimanche matin dès juin 2025 pour augmenter ses résultats. Une hausse du nombre de jours fériés travaillés est également dans les tuyaux.
Le salarié n’aura de choix que de travailler le dimanche
L’annonce a mis le feu aux poudres. Actuellement, seule la moitié des 1 600 supermarchés de l’enseigne ouvrent le septième jour, essentiellement ceux situés dans les grandes villes et dans le Sud de la France. Pour les anciens salariés, dont le contrat a été signé avant 2016, le travail dominical se fait sur la base du volontariat. Passée cette date, une clause sur le travail dominical obligatoire a été insérée aux contrats. Lors des NAO, la direction a également proposé de généraliser les contrats à 35 heures (contre 30 heures actuellement) pour les employés polyvalents, mais en rendant le travail dominical obligatoire. En contrepartie, la majoration du salaire horaire le dimanche passerait de 30% à 50%.
Le salarié n’aura de choix que de travailler le dimanche alors que la vie de famille est déjà déstabilisée par le travail du samedi, dénonce la militante FO. Dans les magasins, il y a un grand esprit d’équipe. Les collègues qui n’ont pas la clause de volontariat ne vont pas laisser les mêmes salariés faire tous les dimanches, ils iront aussi par solidarité.
Cela s’ajoute à une forte dégradation des conditions de travail. Dans un avis rendu le 10 décembre 2024 à l’unanimité des élus dont ceux de FO, le CSE central de Lidl France dénonçait une situation sociale qui empire avec la perte, depuis 2022, de 2 200 salariés, alors que le parc de supermarchés a continué à progresser. Selon FO, les départs ne sont plus remplacés.
Un indice de performance en hausse
A nouveau, le CSEC constate que les salariés sont la seule variable d’ajustement de l’entreprise, ce qui entraîne systématiquement un report de charge sur ceux qui restent, détériorant davantage leurs conditions de travail, écrivent les représentants du personnel. Ils appellent la direction à ne pas compenser la baisse de la marge issue de la guerre des prix par la réduction de la masse salariale.
A titre d’exemple, FO avait alerté en octobre dernier sur le fait que la supervision des caisses automatiques était assurée par l’employé de la caisse n°1, qui devait à la fois s’occuper de ses clients et assurer l’accompagnement de ceux utilisant les automates. Grâce à l’intervention du syndicat, cette organisation appartient au passé et désormais, un salarié est exclusivement dédié à la supervision de la zone des machines.
Dernière revendication, la réduction de l’indice de performance, calculé à partir du nombre d’articles passés en caisse par heure de travail. Selon Sabine Pruvost, cet indicateur ne comptabilise que les produits payés, et invisibilise les tâchées liées aux pertes ou aux produits renvoyés. Les 2,6 points de performance supplémentaires obtenus en 2023 ont permis la réalisation de 6,7 millions d’euros d’économies précise le CSEC, qui pointe les coûts sociaux générés et une détérioration de la qualité du service rendu au client.
On souffre beaucoup depuis la mise en place de cet indicateur, poursuit la militante. L’objectif fixé pour l’an dernier n’a pas été atteint mais il est encore en augmentation pour 2025. On est déjà de supers salariés, on sait tout faire dans le magasin, et à tous les niveaux, chacun fait son maximum, mais il n’y a pas la reconnaissance que beaucoup attendent. Les salariés n’en peuvent plus.