Coup sur coup, deux rapports officiels sur l’Afpa n’ont pas été rendus publics, ajoutant encore à l’incertitude que vivent les salariés de la structure depuis plusieurs années. Pascal Chabas, secrétaire général de section fédérale nationale FO FPA, souligne l’incohérence économique dans laquelle l’État place l’agence.
Les rapports sur l’Afpa s’enchaînent mais ses 7 000 salariés ne savent toujours pas où cela les mène. La direction de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes avait prévu de présenter les conclusions d’un rapport de l’Igas sur les enjeux stratégiques de l’Afpa lors de son conseil d’administration (CA) du 3 octobre dernier. Mais il n’y a pas eu de présentation. Nous savons seulement que le rapport contient 42 préconisations, explique Pascal Chabas, secrétaire général de section fédérale nationale FO FPA (formation professionnelle des adultes). Depuis, nous sommes en bagarre avec la direction pour avoir des informations. Pas de nouvelles non plus du contrat d’objectifs et de performance (COP) pour la période 2024-2028, que les salariés attendent depuis fin 2023. Établi entre l’État et l’Afpa pour fixer les objectifs et les moyens de cette dernière, il n’a pas non plus été soumis au CA. Nous sommes habitués : le précédent COP a été présenté avec un an de retard, déclare, Mickaël Corriette, secrétaire national de la section fédérale FO FPA.
La Cour des comptes et l’Igas sollicitées
La Cour des comptes a, elle aussi, rédigé un rapport sur l’Afpa et a également renoncé à le publier. Michel Beaugas, secrétaire confédéral au secteur de l’emploi et des retraites, s’en était inquiété dans un communiqué publié le 19 septembre dernier sur le site de FO. De son côté, la direction de l’Afpa explique cette non-publication du rapport par des arguments juridiques. Pascal Chabas pense qu’il s’agissait plutôt de ne pas freiner les auditions des inspecteurs de l’Igas, qui avaient lieu au même moment. Deux rapports non-publiés et une absence de COP plus tard, les salariés de l’Afpa ne savent donc toujours pas ce que l’État veut faire de l’agence ni quel sort leur est réservé.
Remettre en emploi des gens qui sont dans des situations difficiles, ça n’a pas de prix
Ils vivent en fait dans l’incertitude depuis 2009. Cette année-là, l’État a cessé de subventionner la formation des demandeurs d’emploi, a confié cette mission aux conseils régionaux et a mis l’Afpa en concurrence avec d’autres organismes de formation (OF), rappelle Pascal Chabas. Depuis que l’agence intervient sur le marché concurrentiel, les salariés s’entendent dire que l’Afpa coûte trop cher, qu’elle n’a pas assez d’activité, et leurs salaires ne sont pas augmentés, explique-t-il. Les démissions des jeunes salariés sont en hausse chaque année (93 en 2021 ; 145 en 2023) et les plus anciens s’interrogent sur leur utilité, témoigne Mickaël Corriette, entré à l’Afpa en 2005.
Aujourd’hui, nous n’entendons plus les salariés dire que l’Afpa est l’école de la seconde chance car on ne nous le dit plus, alors que c’est le cas : remettre en emploi des gens qui sont dans des situations difficiles, ça n’a pas de prix, déclare de son côté Pascal Chabas. Mieux encore, cela a un effet positif sur les dépenses publiques. Ainsi, une étude, commandée par l’Afpa au cabinet Koreis et publiée fin novembre, évalue à 121 millions d’euros les dépenses évitées grâce au retour en emploi des bénéficiaires des formations de l’Afpa. Nous aurions aimé que la Cour des comptes dispose de cette étude quand elle a fait son rapport, car ce n’est pas normal qu’on que l’on nous oppose toujours le « coût » des formations de l’Afpa !, déclare Pascal Chabas.
Incohérence économique
C’est d’autant plus anormal que l’agence est, depuis des années, confrontée à un problème de cohérence économique, explique le militant. En effet, l’Afpa, devenue un Epic (établissement public à caractère industriel et commercial) en 2017, remplit des missions publiques. Notamment elle forme des personnes éloignées de l’emploi (Promo 16.18, Prépa compétences) et tient à jour les titres de la formation professionnelle pour adultes. L’Afpa ne fait pas de marges sur ces missions et c’est normal, estime Pascal Chabas. Or, nos tutelles demandent que l’Afpa dégage un excédent sur la totalité de son chiffre d’affaires, dont 30% est au coût réel, poursuit Pascal Chabas. En conséquence, l’État met l’Afpa dans la situation de ne jamais atteindre son objectif.
Concurrence libre mais faussée
En plus de ses missions, l’Afpa intervient sur le marché concurrentiel, par exemple en répondant aux appels d’offre des conseils régionaux pour la formation des demandeurs d’emploi. Or, quand il s’agit de l’agence, la concurrence libre et non faussée est faussée, estime Pascal Chabas. En effet, les conseils régionaux exigent que les organismes de formation (OF) candidats disposent de locaux et de personnels qualifiés. Cela pourrait être un avantage pour l’Afpa, mais c’est un inconvénient. Car, ses concurrents ne supportent pas les mêmes coûts que l’Afpa – par exemple ils n’emploient qu’un ou deux formateurs en CDI – et sont donc moins chers. De son côté, l’Afpa doit entretenir un parc immobilier en mauvais état. Et si elle vend des surfaces non-essentielles, elle n’en récupère pas le produit faute d’une ordonnance qui n’a pas été prise, explique Pascal Chabas. 42 millions d’euros seraient ainsi bloqués.
L’Afpa, sauveteuse en dernier recours
Il arrive aussi que l’organisme de formation qui a obtenu le marché fasse défaut. Alors, l’Afpa sert de bouée de secours, mais elle est perdante puisqu’elle reprend le contrat au prix auquel il a été attribué. Donc trop bas pour couvrir les coûts de l’agence. En outre, les Régions ne paient que les heures de formation réalisées pour des stagiaires présents, pas s’ils sont absents. Mais pour l’OF prestataire, les coûts demeurent fixes. Pascal Chabas dénonce enfin les pratiques de certains conseils régionaux, qui achètent une formation pour une durée fixe, par exemple trois ans, puis se désistent au grès de leurs besoins. L’Afpa ne peut même pas compter sur des revenus de l’apprentissage puisqu’elle ne peut percevoir la taxe. Une décision politique pour ne pas mécontenter les formateurs privés, explique Pascal Chabas. La réduction des aides à l’apprentissage envisagée par le gouvernement Barnier n’aurait donc pas eu d’incidence sur ses revenus. Maigre consolation.