Aucune hausse de salaire pérenne n’a été obtenue ni chez BNP Paribas ni chez CACIB (groupe Crédit agricole). Une tendance qui se généralise dans le secteur bancaire et dégrade fortement les relations entre les salariés et leurs directions.
Alors que les négociations annuelles obligatoires (NAO) sont en cours, les salariés du secteur bancaire font grise mine. Chez BNP Paribas, les discussions – auxquelles FO n’était pas convié, n’étant pas représentatif – n’ont débouché sur aucune augmentation pérenne. Seule une prime de partage de la valeur, de 900 à 1 200 euros, a été accordée en fonction de la rémunération des salariés. Vu les résultats que la BNP sortira cette année, entre 11 et 12 milliards d’euros de bénéfice net, les salariés sont très déçus, ils ont beaucoup de mal à avaler la pilule, expose Jean-Claude Le Manach, coordinateur national FO dans l’entreprise. On n’a pas eu d’augmentation pérenne significative depuis une dizaine d’années.
Lorsque les représentants syndicaux désignent les chiffres records du groupe BNP Paribas comme une raison légitime de rétribuer les salariés en tenant compte de ces résultats, la direction se borne à affirmer que la redistribution se fait via l’intéressement et la participation. Des primes qui n’entrent pas en compte dans le calcul de la retraite, et ne compensent pas la perte de pouvoir d’achat liée à l’augmentation du coût de la vie. La direction nous dit : Les affaires sont dures, elle met en avant les difficultés du réseau retail [les agences bancaires] à dégager des bénéfices, rapporte Jean-Claude Le Manach. Mais la politique actuelle chez BNP Paribas veut que l’on déshabille de plus en plus les agences et qu’on ferme des points de vente, donc forcément il est difficile pour l’entreprise de faire du chiffre.
Des NAO très en retard chez CACIB
Chez CACIB, la banque de financement et d’investissement du groupe Crédit agricole, où FO a fait 12,5% aux dernières élections, même situation : la direction n’a proposé aucune hausse collective. On nous dit que l’inflation a considérablement ralenti, que des crises ne vont pas manquer de survenir, qu’il y a une instabilité gouvernementale, rapporte Frédéric Barat, délégué syndical FO. L’entreprise a pourtant elle aussi enregistré des bénéfices records : 1,7 milliard d’euros sur les trois premiers trimestres de l’année.
Comble du manque de considération dont fait preuve la direction à l’égard des salariés : pas moins de quatre réunions de NAO ont été annulées entre mai et septembre, si bien que celles-ci ont près d’un an de retard chez CACIB, qui négocie ses accords pour 2024 quand les autres entités du groupe sont en discussion pour 2025. Notre direction a joué la montre en nous faisant miroiter des rendez-vous, pour finalement nous signifier qu’il n’y aurait aucune mesure pour les salariés, déplore Frédéric Barat.
De fortes disparités de salaires non compensées
Les années précédentes, les syndicats avaient pourtant réussi à négocier des hausses de salaire collectives. Pour le délégué FO, la direction craint qu’en cas d’augmentation générale chez CACIB, l’une des entités du Crédit agricole où les salariés sont les mieux payés, il puisse y avoir des effets de contagion dans le reste du groupe. Or, CACIB n’abrite pas que des travailleurs très bien rémunérés, souligne Frédéric Barat. Nous sommes une banque à deux vitesses, répartie sur deux sites. À Montrouge, où il y a la salle des marchés, les métiers de la banque considérés comme nobles, le salaire brut moyen bonus inclus est de 110 000 euros par an. Mais à Saint-Quentin, dans les back et middle offices, les salaires se situent entre 40 et 55 000 euros brut. Ces derniers sont certes corrects par rapport au salaire moyen dans le pays, mais on se sent néanmoins dévalorisés au regard des montants faramineux que perçoivent les autres. Les NAO représentent d’ordinaire une sorte de rattrapage, et là, on en est privé.
Au Crédit agricole comme à la BNP, les actionnaires ont de leur côté très largement touché leur part du gâteau. La redistribution n’est pas bonne, déplore Jean-Claude Le Manach de la BNP. Et quand on regarde les cours, ce n’est pas parce qu’on verse 60% de nos bénéfices aux actionnaires que l’action remonte. L’année dernière, le dividende par action y avait été augmenté de 17,95% (après 6,27% en 2022 et 37,97% en 2021).
Un dialogue social à l’arrêt
Face à cette absence de partage de la valeur, les relations entre directions et salariés apparaissent comme particulièrement dégradées. Sur le papier, le dialogue social existe, mais ce n’est qu’un dialogue de pacotille, assène Jean-Claude Le Manach, coordonnateur national FO chez BNP-Paribas. Si dans le milieu professionnel de la banque, les mouvements sociaux sont rares, la « résignation » face à la situation salariale ne peut être une solution alerte-t-il. Pour l’instant, signe des difficultés des travailleurs, Ceux qui ont du mal à finir leur fin de mois nous disent : Il faut signer, sinon on n’aura rien, et on a besoin de (cette prime, Ndlr) ces 1 200 euros-là. Les personnes qui travaillent dans les services administratifs en région parisienne, où le coût de la vie est élevé, perçoivent un salaire qui n’est que légèrement supérieur au Smic.
Les situations de la BNP et de CACIB sont en train de devenir caractéristiques du déroulement des NAO dans certains secteurs professionnels, dont la banque. La négociation se fait désormais sous contrainte, résume Mireille Herriberry, secrétaire fédérale FO Banques et sociétés financières. Le mot de négociation est d’ailleurs galvaudé : on vous propose ceci, et soit vous signez soit vous ne signez pas. La plupart des entreprises partent du principe que le salaire se négocie de gré à gré, et nous avons de plus en plus de mal à obtenir des augmentations collectives. Et les négociations au niveau de la branche ne s’annoncent pas plus fructueuses. À la CACIB, FO fait actuellement circuler une pétition afin de réengager le rapport de force, sans lequel le dialogue social est voué à n’être qu’une mascarade.