Un salarié, fût-il protégé, demeure un salarié et ne peut pas échapper au pouvoir de direction de l’employeur. Il convient pour un tel salarié de ne pas brandir sa qualité de salarié protégé, à tort et à travers, car le résultat peut décevoir.
Dans un arrêt du 11 septembre 2024 (Cass. soc., 11-9-24, n°23-14627), un membre du CSE basé dans une agence avait été informé qu’il serait muté dans une autre agence pour une durée de 6 semaines. Le salarié prend acte de la rupture aux torts de l’employeur. Il sera débouté en appel, et forme par conséquent un pourvoi en cassation.
Au moyen de son pourvoi, le salarié invoque qu’aucune modification du contrat ou des conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé, peu importe les stipulations du contrat de travail. Le contrat de travail du salarié, prévoyait effectivement des déplacements occasionnels et limités dans le temps, ce à quoi le salarié tente de faire échec.
Le salarié reproche aux juges d’appel d’avoir considéré que le déplacement litigieux ne constituait que l’exercice normal du contrat, sans qu’il y ait un changement des conditions de travail, de sorte que l’accord du salarié n’était pas nécessaire.
Selon le salarié, au contraire, le changement de lieu de travail, en dehors du secteur d’activité dans lequel il exerce, pour une durée de plusieurs semaines constitue bien un changement des conditions de travail.
La Cour de cassation se range du côté des juges du fond. Elle estime que les déplacements provisoires, fût-ce en dehors du secteur d’activité du salarié, et pour une durée limitée, prévus au contrat, ne constituent pas un changement des conditions de travail. La Cour relève par ailleurs que par le passé le salarié avait déjà changé de lieu de travail de façon provisoire, et qu’il n’était pas démontré en quoi le déplacement litigieux était différent de ceux passés.
Enfin la Cour, tout comme les juges du fond constate que le salarié n’explique pas en quoi ce nouveau déplacement aurait entravé l’exercice de son mandat, ou porté une atteinte excessive à ses impératifs personnels.
La prise d’acte du salarié est donc qualifiée de démission, son pourvoi est rejeté.
Que ce soit un changement du contrat ou des conditions de travail, lorsque la modification envisagée concerne un salarié protégé, son accord est toujours requis (Cass. soc., 15-2-23, n°21-20572). La Cour de cassation est constante sur cette règle.
La question porte donc sur la caractérisation d’une modification du contrat ou des conditions de travail.
En l’espèce, le fait que le déplacement souhaité vers une autre agence n’était que provisoire et exceptionnel ne permettait pas de retenir une modification des conditions de travail.
Si au contraire, l’affectation au nouveau lieu de travail devenait permanente, l’accord du salarié protégé n’aurait pas fait de doute.
De plus, ce qui est intéressant dans cet arrêt est que le salarié ne démontre pas une entrave à l’exercice de son mandat, ni une atteinte excessive à ses impératifs personnels, pour reprendre les termes de la Cour de cassation.
Ce faisant, la Cour rappelle une faculté qui est déjà permise aux salariés non protégés, à savoir refuser une modification des conditions de travail dès lors qu’une atteinte excessive est portée à sa vie personnelle et familiale (Cass. soc., 14-10-08, n°07-40523 ; Cass. soc., 29-5-24, n°22-21814).
L’entrave à l’exercice du mandat et une atteinte excessive à la vie personnelle et familiale du salarié faisant défaut dans le présent arrêt, les juges ne pouvaient que conclure à une prise d’acte injustifiée.
Cet arrêt, n’est donc pas attentatoire aux droits du salarié protégé. Il vient juste rappeler que celui-ci demeure sous la subordination juridique de l’employeur, et que par conséquent, il ne peut s’extraire de son autorité sans une justification satisfaisante.