Nicolas Coguen, 49 ans, pêcheur dans le golfe de Gascogne, est le secrétaire du tout jeune syndicat FO des Travailleurs de la mer. Parmi ses premiers combats, améliorer le système de protection sociale des pêcheurs.
N éà Lorient et ayant grandi sur la côte, Nicolas Coguen, 49 ans, ne s’est jamais interrogé sur son avenir professionnel. Il prendrait la mer, comme son père et son grand-père avant lui. À sa sortie de l’école de pêche, à 18 ans, il s’engage comme matelot. À 25 ans il achète son premier bateau de pêche. Si de graves ennuis de santé le contraignent par deux fois à cesser toute activité durant trois ans, impossible de renoncer à la mer.
En 2022, remis sur pied, il rachète un nouveau bateau avec un associé, pour pêcher le poulpe au casier et les poissons au filet. Le patron-pêcheur travaille avec le statut salarié. Les conditions de travail sont rudes. L’équipage, qui compte trois autres salariés, part au large tous les jours, entre 2h et 5h du matin, et rentre au mieux en début d’après-midi. La rémunération, basée sur les ventes de la pêche, varie selon les prises et le cours du poisson. Une grosse moitié des produits de la vente va au bateau, pour rembourser le prêt et les frais de fonctionnement. Le reste est réparti entre les hommes selon un système de parts.
Si tu ne sors pas en mer, tu ne touches rien, explique Nicolas qui, en tant que patron-pêcheur, touche deux parts. Il n’y a pas de chômage partiel. À terre, c’est au patron de rémunérer ses salariés. Je n’ai jamais laissé personne sans rien, mais souvent je ne me paie pas. Il m’est arrivé d’enchaîner vingt-trois jours de pêche d’affilée pour pouvoir payer mes charges.
Or en ce début d’année, le golfe de Gascogne est resté fermé du 22 janvier au 20 février à certains bateaux, dont le « Drakkar » de Nicolas, afin de protéger les dauphins qui pourraient se prendre accidentellement dans les filets. Une catastrophe pour les petits pêcheurs artisanaux, février étant, précise le militant, le meilleur mois pour la pêche au filet.
Les élections TPE en ligne de mire
Cette fermeture brutale lui occasionne une perte de chiffre d’affaires de 20 000 euros. Il est d’autant plus inquiet que de nouvelles fermetures s’annoncent, quinze jours en août et trois à quatre mois l’hiver prochain. Nous aussi nous voulons préserver la nature, tout en continuant à travailler. Et en nous en empêchant, c’est toute la filière qui est touchée, les mareyeurs, les motoristes…, alerte Nicolas Coguen.
Le 19 avril dernier, il décide de constituer le syndicat FO des Travailleurs de la mer, une première. Son objectif, devenir un interlocuteur écouté pour défendre la filière. Je suis allé vers FO car ma sœur est la secrétaire de l’UD depuis plusieurs années, explique-t-il. Le syndicalisme c’est nouveau pour moi, j’ai tout à apprendre.
Le syndicat, qui a multiplié les réunions d’information, compte désormais une trentaine d’équipages de bateaux de pêche. Le 4 juin, avec l’aide d’un avocat, il a saisi le Conseil d’État pour s’opposer à la fermeture du golfe de Gascogne en août prochain, et a prévenu que d’autres actions juridiques suivraient.
Un autre combat prioritaire du syndicat sera d’améliorer la protection sociale des pêcheurs. Nos lois datent de Colbert ou presque, ironise le militant. En effet, les navigants sont couverts par un régime de protection sociale spécifique, l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM). Or, la plupart des paramètres de ce régime, fixés il y a plus de soixante-dix ans, sont aujourd’hui obsolètes, comme l’a souligné récemment la Cour des comptes, qui a particulièrement pointé la faiblesse du montant des indemnités journalières en cas de maladie. À l’agenda également, les élections TPE de novembre prochain, pour lesquelles une partie des travailleurs de la mer seront appelés aux urnes.