Un documentaire belge fait dialoguer les employés d’hier et d’aujourd’hui œuvrant à la propreté de l’université catholique de Louvain-la-Neuve. Particularité : ceux d’hier ont créé une coopérative qu’ils ont fait vivre durant quatorze ans et sans patron.
Merci Pa-tron ! Quel bon-heur de tra-va-iller sans vous ! En 1975, la fameuse chanson des Charlots est détournée par les femmes de ménage qui entretiennent les locaux de l’université catholique de Louvain-la-Neuve. Après un mouvement de grève de trois semaines, elles décident de se séparer de leur employeur et de créer leur coopérative de nettoyage, Le Balai libéré, chargée de la propreté de l’université, et ce durant quatorze ans. Coline Grando, documentariste franco-belge, se saisit de cette histoire pour montrer ce travail souvent invisibilisé, décrire les conditions dans lesquelles il est exercé et s’interroger sur les mobilisations d’hier et d’aujourd’hui. Je ne voulais pas faire un film uniquement tourné vers le passé, résume-t-elle dans sa note d’intention. Je me suis alors demandé qui nettoie l’université aujourd’hui et dans quelles conditions.
Deux époques pour un même métier
La réalisatrice a suivi dans leur quotidien les travailleurs actuels, salariés d’une entreprise classique du secteur, la sixième qui a succédé à la coopérative depuis la mise en œuvre des procédures d’appel d’offres en 1989. De longues séquences les montrent en action, seuls généralement pour traiter tout un bâtiment. Des interviews révèlent les implacables procédures qualité qui les guident autant qu’elles les contraignent à faire toujours plus vite.
Mais Coline Grando interroge également les anciennes salariées du Balai libéré et les met en présence des travailleurs d’aujourd’hui (une bonne partie sont désormais des hommes) qui n’ont pas connaissance de l’histoire. À l’époque vous étiez main dans la main, remarque une femme de ménage. Aujourd’hui nous sommes plus dans une société du chacun pour soi. Il ne faut pas rêver non plus, observe une ancienne. Tout le monde ne s’est pas mis en grève et n’y a pas cru dès le premier jour.
Un long entretien entre les syndicalistes d’hier et les représentants du personnel d’aujourd’hui révèle ainsi les difficultés actuelles pour organiser une mobilisation alors que les salariés sont moitié moins nombreux, les locaux deux fois plus grands, la concurrence et la pression au rendement omniprésentes… Un documentaire passionnant, qui conclut sur la nécessité permanente d’entretenir et miser sur la solidarité entre les salariés pour améliorer les conditions de travail.