En 2022, dans un contexte de forte inflation, syndicats et employeurs ont beaucoup négocié sur les salaires, selon le dernier bilan de la négociation collective du ministère du Travail. Dans les branches pour suivre les augmentations du Smic. Dans les entreprises parce que le rapport de force était un peu plus favorable aux salariés.
La direction générale du travail (DGT) a présenté, le 8 décembre, dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective, le bilan de la négociation collective de 2022. Une année qui confirme et amplifie très nettement la reprise amorcée en 2021, constate la DGT dans sa présentation. Avec 1 495 accords signés dans les branches, contre 1 000 en moyenne les années précédentes, la négociation y atteint un niveau inégalé, écrit le ministère. Dans les entreprises, 88 570 accords ont été signés, soit une hausse de 15% par rapport à l’année précédente. Cette forte hausse est portée par la négociation salariale, essentielle dans un contexte de hausse des prix pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés, explique le ministère.
Les effets des revalorisations du Smic
De fait, 691 branches ont signé des accords salariaux (+83%). Une très forte progression qui s’explique par les revalorisations du Smic, qui ont obligé les branches à se mettre en conformité, déclare Karen Gournay, secrétaire confédérale FO en charge de la négociation collective et de la représentativité, qui a assisté à la restitution du bilan. Le Smic, indexé sur l’inflation, a en effet été revalorisé plusieurs fois en 2022, ce qui a conduit les branches à se remettre à la table des négociations pour rehausser leurs minima.
Le législateur (loi « pouvoir d’achat » du 16 août 2022) a réduit de 3 mois à 45 jours le délai laissé à la partie patronale pour ouvrir des négociations lorsque les minima de branches se situent en-dessous du Smic. Autre levier législatif nouveau : la possibilité, pour le ministère, de procéder à une fusion administrée des branches qui n’ont pas assez négocié la revalorisation de leurs minima. Karen Gournay indique qu’aucune branche n’est tombée sous le coup de cette mesure. Et d’une manière générale, les mariages forcés des branches ne favorisent pas forcément le dialogue social, estime la secrétaire confédérale.
Plus efficace, en revanche, la réduction à 2 mois du délai d’extension des accords salariaux de branche lorsque le Smic a connu deux augmentations dans les 12 mois précédent leur conclusion. En charge des extensions, la DGT signale qu’elle est parvenue à réduire ses délais à 67 jours en 2022 (contre 101 jours auparavant) et vise moins de 60 jours en 2023. L’administration est au maximum de ce que lui permettent ses moyens souligne Karen Gournay. Il ne sera donc pas possible de réduire encore les délais. Elle rappelle également que FO demandait que la réduction du délai d’extension concerne tous les accords salariaux.
L’attractivité des emplois passe par le salaire
Dans les entreprises, le nombre d’accords sur les « salaires et primes » a également fortement progressé par rapport à l’année dernière : +30% (19 850 accords). Dans certaines entreprises et certains secteurs, les employeurs éprouvent des difficultés à recruter et à fidéliser leurs salariés, ils voient que la réponse passe par le salaire, explique Karen Gournay. Cela procure aux organisations syndicales d’entreprise, FO en tête, davantage de capacités de négociation. La secrétaire confédérale ajoute que dans les secteurs qui ont engrangé des bénéfices importants, les organisations syndicales ont conscience que l’employeur dispose de marges de manœuvre pour redistribuer. Karen Gournay rappelle enfin que de nombreuses grèves ont vu le jour dans des entreprises pour dénoncer les pertes sèches de pouvoir d’achat.
Le ministère avance quant à lui une autre explication à cette forte hausse d’accords salariaux. Pour les rédacteurs du bilan, les incitations à la protection du pouvoir d’achat (exemple : prime de partage de valeur) ont suscité un surcroît d’accords sur la thématique salariale. Une explication peu satisfaisante. Karen Gournay, rappelle en effet que la prime au pouvoir d’achat peut être mise en place sans négociation, par décision unilatérale de l’employeur.
L’année dernière, syndicats et employeurs ont, au final, davantage négocié sur les salaires et les primes que sur le temps de travail. Mais c’est l’épargne salariale (participation, intéressement) qui est, de loin (44%), le sujet le plus traité dans les textes déposés à la DGT. En général, il ne s’agit pas d’un accord mais d’un texte écrit par l’employeur et soumis à referendum. C’est un point que nous surveillons particulièrement, déclare Karine Gournay. FO a toujours été réservé sur ces dispositifs qui accentuent les fractures au sein du monde du travail, notamment entre les salariés des PME et ceux des grandes entreprises, et qui ont un impact sur la négociation salariale. L’épargne salariale n’est pas supposée se substituer au salaire. Surtout, les statistiques de la DGT ne disent rien du contenu des accords salariaux. Or, selon plusieurs études, les augmentations obtenues n’ont pas compensé l’inflation, conclue Karen Gournay.