Face aux nouvelles législations restreignant le droit de grève, les organisations de travailleurs demandent le soutien de l’Organisation internationale du travail. Analyse de FO.
Ces lois n’ont pas été conçues pour résoudre les conflits au travail, elles ont été conçues pour les aggraver. Le constat de Paul Nowak, secrétaire général du Trades Union Congress (TUC), structure qui fédère les syndicats britanniques, est sans appel. A la suite de mouvements sociaux historiques pour les salaires et les conditions de travail, le gouvernement britannique entreprend depuis l’année dernière de faire passer des lois restreignant le droit de grève.
Face à ces attaques contre les droits sociaux, le TUC – qui réunit une cinquantaine d’organisations syndicales et 5,5 millions de membres – a donc décidé de saisir l’Organisation internationale du travail (OIT), estimant que la loi « anti-grève » viole le droit international. En juin dernier, après une première saisie du TUC, l’OIT avait déjà rappelé la nécessité pour l’État de ne pas interférer avec l’autonomie et le fonctionnement des organisations de travailleurs et d’employeurs.
Service minimum dans de nombreux secteurs
En 2022 déjà, les députés ont voté une loi autorisant les entreprises à engager des intérimaires pour remplacer les grévistes. Le nouveau texte permettrait en outre l’instauration d’un service minimum dans de nombreux secteurs, dont la santé, les services de secours, l’éducation, les transports, le démantèlement nucléaire et la sécurité aux frontières. Le service minimum s’applique déjà au Royaume-Uni dans l’armée, la police et les prisons.
Les gens attendent du gouvernement qu’il agisse dans les circonstances où leurs droits et libertés sont impactés de façon disproportionnée, a avancé une porte-parole du gouvernement en guise de justification.
Le droit de grève, c’est le dernier rempart des syndicats, s’alarme Branislav Rugani, secrétaire confédéral du secteur international. Si on le leur enlève, le rapport de force avec les patrons est rompu. Il n’y a plus de moyen de pression et de négociation, et cela crée d’autres difficultés : de l’animosité, des arrêts de travail, etc.
Une stratégie à risque
Pour autant, la stratégie des syndicats britanniques – qui agissent également via la Confédération syndicale internationale (CSI) – est risquée, analyse le militant FO. A la suite de cette saisie, l’OIT devrait statuer en novembre sur l’opportunité de saisir la Cour internationale de justice (CIJ) sur la question du respect du droit de grève. En effet, le droit de grève, en tant que tel, n’est inscrit dans aucune convention de l’OIT : seule la liberté syndicale l’est dans la Convention 87, explique Branislav Rugani.
Or, il est possible que la CIJ se refuse à déclarer que le droit de grève est bien nécessairement inclus dans la liberté syndicale, une affirmation beaucoup plus audacieuse que ce qu’elle a pu affirmer précédemment, alerte le secteur international-Europe de FO dans une note adressée à la CSI. Si le droit de grève était proclamé en propre par la CIJ, l’avancée serait considérable pour tous les pays où cette liberté est bafouée.
Mais le pari est risqué : au vu de la protection peu généralisée du droit de grève dans les systèmes de protection des droits de l’homme en dehors de l’Europe, nous devons être très vigilants quant au fait de laisser une possibilité pour le juge international de nier l’inclusion du droit de grève dans la liberté syndicale, poursuit la note rédigée par FO, qui précise que la CIJ n’est d’ordinaire pas un fervent défenseur des droits syndicaux.