Dans la foulée de la mobilisation des acteurs et des scénaristes, des centaines de milliers de salariés s’unissent pour défendre leurs droits et obtiennent des victoires impressionnantes.
L ’été a été mouvementé sur le front social aux États-Unis, mais l’automne promet d’être tout aussi animé : après la grève des scénaristes et des acteurs, toujours en cours, les salariés de l’automobile menacent de cesser le travail si les négociations entre leurs employeurs et leurs représentants syndicaux ne donnent pas satisfaction avant le 14 septembre. La United Auto Workers (UAW), qui défend les droits des travailleurs des « Big Three » (General Motors, Ford et Stellantis), demande 46 % d’augmentation de salaire étalée sur quatre ans, au nom des bénéfices colossaux accumulés par les trois entreprises ces dix dernières années – 161 milliards de dollars.
Les négociations ne semblent pas près d’aboutir, alors même qu’une grève aurait un impact de plusieurs milliards de dollars sur l’économie américaine. Sur les 150 000 membres de l’UAW, 97 % ont donné un avis favorable à la grève lors d’une consultation interne. Si celle-ci venait à être déclenchée, 2023 pourrait devenir une année record dans l’histoire récente des mouvements sociaux aux États-Unis. Une situation favorisée par l’état du marché du travail : en septembre, le taux de chômage s’élevait à 3,8 %. Les salariés sont donc en position de force pour négocier, et ils le savent.
Un nouveau souffle pour les syndicats
Fin juillet déjà, un accord historique a été arraché de justesse par le syndicat des Teamsters, le syndicat des chauffeurs de camions américains, qui négociait une nouvelle convention de travail avec UPS, le transporteur chargé de la livraison des lettres et colis. L’entreprise a échappé d’un cheveu à une grève massive en accordant des hausses de salaires substantielles (le salaire horaire doit augmenter de 2,75 dollars en 2023, et de 7,50 dollars sur cinq ans), l’installation de la climatisation dans davantage de camions, 7 500 créations de postes et 22 500 recrutements pour les postes déjà vacants.
La grève des scénaristes et des acteurs a éveillé une sorte de sentiment national selon lequel les salariés du pays sont spoliés par le système économique américain, décrypte Branislav Rugani, secrétaire confédéral du secteur international. Depuis le 2 mai, Hollywood tourne au ralenti du fait de la grève des artistes, qui réclament de meilleures rémunérations et des garanties face à l’arrivée de l’intelligence artificielle. Cette très longue grève pourrait encore se durcir si les salariés du milieu du jeu vidéo, concernés par les mêmes enjeux, rejoignent la mobilisation.
La paralysie d’Hollywood aurait donc inspiré au-delà des frontières du cinéma. Chacun essaye de réclamer son dû, et qui mieux que les syndicats peut initier le mouvement ?, souligne Branislav Rugani. Car dans un pays où la mobilisation collective a été brisée dans les années 1980, l’action syndicale connaît un nouveau souffle. Alors que seulement 48 % de la population avait une image positive des syndicats en 2009, selon un sondage de l’institut Gallup, 67 % des Américains soutiennent désormais les représentants des salariés.