Grèves, écoles fermées, trains et bus bloqués et grands boulevards de Perpignan occupés, voilà le tableau de la journée de mobilisation nationale jeudi 19 janvier prochain, tel qu’il est esquissé localement par une intersyndicale complète et unanime. Elle part en guerre contre un projet de réforme des retraites estampillé Elisabeth Borne qui sera « un coup de massue encore plus grand pour les Pyrénées-Orientales » que dans le reste du pays.
« Un préavis de grève est déjà déposé chez Sankéo, assure Force Ouvrière, ainsi qu’à la CAF, la CPAM… », « La Poste, les Finances publiques, l’Education nationale, l’hôpital« , énumèrent les autres syndicats assis autour de la grande table de la salle de réunion dans les locaux de la CGT à Perpignan. Unis à l’issue d’une réunion intersyndicale tenue ce vendredi matin, ils ont tous déterré la hache de guerre et empruntent le même sentier, celui de… la guerre. « Pas besoin de grosse explication de texte » pour convaincre la base, argue-t-on. À Perpignan, plusieurs écoles sont déjà promises à la fermeture jeudi prochain, à Fourques aussi. Et on prédit qu’il circulera beaucoup moins de bus. Quant aux trains, il faudra attendre mardi, date du dépôt légal du préavis de grève, pour en estimer l’impact. « On attend quand même une forte mobilisation. Les premières remontées sont importantes, dans les écoles comme dans les transports », promettent ces syndicalistes, majoritairement représentatifs de la fonction publique.
En ligne de mire donc, le projet présenté cette semaine par la Première ministre et sa mesure phare consistant à repousser de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, à 64 ans. Mais pas seulement. « Quand on lit les petites lignes, assure la CGT, on se rend compte qu’elle est néfaste pour tous les salariés. Son objectif est clair : que tous, une fois usés par le travail, partent avec des petites pensions. » « C’est une réforme non pas sociale, dénonce la CFDT, mais un impôt sur le travail. »
Départ de la manifestation à 10 h 30 place de Catalogne
Tous doutent de son utilité pour résorber un « éventuel trou dans la caisse, mis en avant par le gouvernement à l’horizon 2035-2040, mais dont nul ne peut prédire ce qui s’y passera« . « Il y a d’autres moyens pour récupérer l’argent nécessaire, suggère Solidaires, en piochant par exemple dans le magot de la fraude fiscale, « soit 80 à 100 milliards par an! » ou « en augmentant les cotisations patronales ». « Cela pourrait éviter d’imposer de travailler deux ans de plus gratuitement », poursuit l’organisation.La CFTC propose de son côté « une hausse maîtrisée des cotisations retraites ». UNSA et CGE-CGC, sur la même longueur d’onde que leurs homologues, brandissent le travail des séniors dont les carrières sont si souvent écourtées sur la fin. « Quand ils font valoir leurs droits à la retraite, beaucoup sont déjà en inactivité depuis longtemps – chômage, inaptitude, maladie… -, cette réforme promet 2 ans de plus de difficultés, certains vont finir au RSA », augure FO, entrevoyant pour les Pyrénées-Orientales « un enchaînement de décrochages sociaux. » « Avec les difficultés que connaît notre département sinistré en termes de chômage, de temps partiel, de carrières hachées, la réforme sera un coup de massue encore plus important ici qu’ailleurs« , entonnent les délégués. Plusieurs sont particulièrement inquiets pour la situation des femmes, « déjà victimes de carrières incomplètes et de discrimination salariale », formule la FSU 66. Le syndicat enseignant estime que « s’engager dans cette mobilisation est une bataille essentielle et fondamentale« . De la « légitime défense« , enchérit FO qui voit dans ce projet de loi une attaque en règle contre les droits des travailleurs.
Le rendez-vous pour la manifestation de jeudi 19 janvier est fixé à 10 h 30 place de Catalogne pour s’engager dans le circuit traditionnel des grands boulevards et terminer sur la place de la Victoire, au pied du Castillet. En soirée, partout en France auront lieu des assemblées générales où les salariés décideront par eux-mêmes de la suite du mouvement. L’idée étant d’obtenir le retrait du texte gouvernemental. « Ça peut durer des mois« , lâche un élu. « L’effort reposera sur chaque salarié, ce qui sous-entend un gros sacrifice. À mettre en balance avec deux ans de travail supplémentaire pour une hausse de 100 euros du seuil minimum de retraite à 1 200 euros. » A vos calculettes.Le 16 février aura lieu à Perpignan, dans un lieu à préciser, une réunion d’information intersyndicale.
L’indépendant – Édition du 14 janvier 2023 – Sophie BABEY