Si la réintégration du salarié peut être demandée lorsque son licenciement a été atteint de nullité, avec paiement des salaires pour la période située entre le licenciement et la réintégration, le salarié ne doit pour autant pas trop tarder pour faire sa demande de réintégration.
En l’espèce, un salarié avait saisi la juridiction prud’homale une première fois de demandes de paiement diverses alors qu’il était toujours dans l’entreprise. Puis, six mois plus tard, il forme une nouvelle demande devant le conseil de prud’hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail. L’employeur le licencie pour perte de confiance. Le motif invoqué était le comportement critique du salarié à l’égard de l’entreprise, dépassant la simple liberté d’expression.
Après deux passages devant la Cour de cassation, la cour d’appel de Paris avait annulé le licenciement et octroyé une indemnité correspondant au montant des salaires que le salarié aurait dû percevoir entre son licenciement et sa demande de réintégration, soit sept années de salaires, demande de réintégration effectuée en 2016.
Le pourvoi formé par l’employeur se fonde sur le montant de l’indemnité, le salarié n’ayant fait sa demande de réintégration que quatre ans après son premier recours aux prud’hommes.
Le paiement des salaires aurait dû commencer à ce moment-là.
La Cour de cassation casse à nouveau l’arrêt et justifie sa décision par le caractère tardif de la demande de réintégration du salarié :
En cas de licenciement nul, le salarié qui sollicite sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration. Toutefois, le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement, n’a droit, au titre de cette nullité, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.
(Cass. soc., 13 janvier 2021, n°19-14050).
Ainsi, la Cour de cassation suit l’argumentation de la partie adverse en se fondant sur l’article L 1121-1 du Code du travail et renvoie à la cour d’appel le soin de réduire cette indemnité, bien qu’une liberté fondamentale du salarié (la liberté d’expression) ait été violée par l’employeur sans évoquer la liberté d’agir en justice.
La nullité d’un licenciement n’engendre ainsi plus systématiquement la réparation intégrale du préjudice – à savoir le paiement des salaires –, et ce, que le salarié demande sa réintégration ou non.
On peut espérer que cette décision a été rendue au regard du cas d’espèce fondé sur le caractère tardif de la demande de réintégration, car dans un autre arrêt assez récent (Cass. soc., 29 janvier 2020, n°18-21862), la Haute Cour a considéré que la salariée qui demande sa réintégration a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’elle aurait dû percevoir entre son éviction de l’entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont elle a pu bénéficier pendant cette période.
Ainsi, le caractère tardif de la demande de réintégration sous-entend une demande abusive de la part du salarié, selon la Cour de cassation. Cependant, cette demande tardive pouvait se justifier par le nombre de décisions judiciaires liées à cette affaire (deux arrêts de Cour de cassation). Pour autant, toute violation d’une liberté fondamentale ne doit pas permettre une indemnisation au rabais
!
L’article L 1121-1 du Code du travail dispose :
Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
L’article L 1235-3-1 du Code du travail prévoit que :
L’article L 1235-3 [le licenciement sans cause réelle et sérieuse] n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d’une liberté fondamentale ; (…).
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly