« Toujours jamais »
Quand on ouvre un livre qui raconte une histoire d’amour, soit on en est friand et on se lance à corps perdu dans l’aventure, soit on est moins fan et on s’engage dans la lecture de façon plus circonspecte. Voilà un ouvrage, une bande dessinée, qui va ravir les deux parties grâce à sa profonde originalité révélée page après page.
En effet, le parti pris est de commencer par la fin et de remonter le temps jusqu’à la première rencontre. Tout est fait pour nous entraîner dans ce mouvement à rebours : les chapitres, l’en-tête du premier et du dernier, la page de couverture, le sujet de la thèse, les deux premières et dernières vignettes, la forme du chapitre final…ou initial.
Chaque chapitre est l’occasion de dérouler le fil en mettant en images les dialogues du précédent, comme si on était témoin ensuite de ce qu’on avait d’abord entendu. On assiste aux conséquences avant d’en savoir les causes, provoquant un sentiment de boucle, comme si on descendait un escalier en spirale, renforcé par le cycle des retrouvailles. Car rien n’est moins linéaire que cette histoire vécue en grande partie à distance : il y est question des décisions qu’on prend dans sa vie, de la façon dont on les assume, de l’impossibilité de renoncer complètement, des liens qui se tissent sans jamais se rompre et du choix qu’on ne fait jamais tout à fait.
C’est un album plein d’amour et de tendresse, d’humour et de poésie dont le dessin sert l’histoire et réciproquement, avec beaucoup de vivacité. Tout y est affaire de détails, depuis la palette de couleurs jusqu’au jeu avec les bulles, pour prolonger jusqu’au bout le thème de l’inversion.
On finit par savoir comment l’histoire a commencé, mais dès le début on ne sait pas comment elle finira. La boucle sera-t-elle bouclée ?
Malgré tout de Jordi Lafebre. Éditions Dargaud, 150 pages, 22,50 euros. |
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly