Sous couvert de crise sanitaire, le groupe Barrière a lancé mi-novembre une restructuration qui se traduit déjà par des dizaines de suppressions de postes. FO dénonce une stratégie financière et refuse d’autant plus ces licenciements que les casinos et tables de jeux sont toujours sous le coup d’une fermeture administrative liée à la pandémie de Covid-19, et les salariés placés en activité partielle.
On a le sentiment d’être traités comme des pestiférés et laissés sur le bord de la route
, dénonce Jean-Christophe Tirat, secrétaire fédéral à la FEC-FO en charge des casinos et cercles de jeux. Alors que la quasi-totalité des activités non-essentielles ont repris, la fermeture des casinos est maintenue. On nous dit que les entreprises sont potentiellement des vecteurs de contamination. Ce sont toujours des supputations. Il y a une colère et une incompréhension car les casinos ont mis en place des protocoles sanitaires stricts.
Après trois mois de fermeture au printemps 2020, depuis octobre, l’activité est à nouveau à l’arrêt dans le secteur, en raison de la crise sanitaire. La branche représente 210 entreprises pour 17 000 salariés, toujours placés en activité partielle. La section FO des casinos et cercles de jeux -première force syndicale du secteur- a appelé mi-décembre les salariés à rejoindre les mouvements de protestation organisés par les personnels de la restauration et du monde de la culture.
Par un courrier daté du 16 décembre, elle a aussi alerté la ministre du Travail sur la situation dramatique dans laquelle se retrouvent les salariés. La section dénonce une politique de stop and go qui pèse fortement sur l’activité
et exige la réouverture des établissements.
Des salariés dans l’expectative
Dans ce courrier, FO conteste également le vaste plan de restructuration
actuellement en cours au sein du groupe Barrière, numéro un français des casinos. Et, cerise sur le gâteau, c’est par e-mail que la direction a annoncé le 18 novembre aux salariés la mise en place d’un plan de réorganisation assorti de suppressions de postes pour faire face à la situation économique et financière du groupe. C’était une annonce violente, sans autre forme de détail ou de précisions, dénonce Jean-Christophe Tirat, également délégué syndical FO chez Barrière. Tout le monde a eu peur, ne sachant pas qui était concerné. On apprend quels postes sont supprimés au fur et à mesure de la convocation des CSE. Les salariés sont dans l’expectative depuis des semaines.
En effet le groupe, qui compte 4 500 salariés en France, se compose de sociétés affiliées, toutes autonomes. L’immense majorité des entreprises sont concernées même si ces dernières sont bénéficiaires et servent de la participation à leurs salariés
poursuit la section FO dans le courrier à la ministre. Mi-décembre, 70 postes avaient déjà été supprimés. Un bilan amené à s’alourdir car il ne tient pas compte des annonces dans les deux plus grosses entreprises du groupe, à Enghien-les-Bains et Deauville.
Sont supprimés des postes de chefs de table et de partie pour les jeux traditionnels (roulette, Blackjack…). Ce sont d’anciens métiers qui nécessitent une formation et des compétences, avec une rémunération un peu plus élevée, précise Jean-Christophe Tirat. Ce sont des effectifs dont nous aurons besoin à la réouverture. Réduire la masse salariale va réduire l’offre de jeux et l’attrait des casinos. Derrière, c’est une baisse du chiffre d’affaires et donc une aggravation des difficultés financières.
Selon lui, certains des postes supprimés sont même obligatoires dans la réglementation des jeux.
Changement de modèle économique
Si la direction argue d’une crise structurelle, pour FO, il s’agit bien au contraire de difficultés conjoncturelles, liées à la crise sanitaire. Et la section soupçonne le groupe Barrière de profiter de la crise sanitaire pour changer de modèle économique, en se tournant davantage vers les jeux électroniques et l’automatisation, avec un minimum de personnel. Nous sommes d’ailleurs le seul groupe à licencier massivement, les autres groupes sont focalisés sur la réouverture
, ajoute-t-il.
FO pointe des licenciements opportunistes et financiers
. Le plus révoltant, c’est qu’on a signé un accord sur l’activité partielle de longue durée au niveau du groupe, sur une durée de trois ans, pour sécuriser l’emploi et la reprise d’activité en échange d’aides publiques. Mais le groupe préfère tailler dans le vif tout de suite
, ajoute le délégué FO.
D’après lui, le groupe Barrière s’appuie sur les ordonnances Macron qui permettent à une entreprise de licencier lorsque son chiffre d’affaires est en baisse, sur une durée d’un à quatre trimestres consécutifs selon les effectifs. Dans son courrier à la ministre du Travail, FO exige que les périodes de fermeture administrative soient neutralisées pour ce calcul. Nous trouvons indécent que le groupe Barrière utilise cette faille tout en continuant à bénéficier des aides de l’État
, ajoute la section fédérale.
Dans ce contexte, pour FO, il n’existe que deux solutions : soit les entreprises renoncent aux licenciements, soit elles remboursent les aides versées au titre de l’activité partielle.
La section fédérale appelle d’ores-et-déjà les délégués syndicaux, salariés et militants à préparer la mise en place de mouvements de protestation massifs dès maintenant et lors de la future réouverture. Nous allons aller sur tous les terrains pour empêcher les licenciements
, prévient Jean-Christophe Tirat.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly