Les éditions Textuel viennent de publier un ouvrage regroupant 450 photos faites uniquement par des femmes, de l’invention de la photographie jusqu’à nos jours [1].
Luce Lebart est historienne de la photographie et Marie Robert, conservatrice en chef du musée d’Orsay. Ce monumental recueil présente 450 images réalisées par plus de 300 femmes photographes, de l’invention de la photographie en 1839, jusqu’au début du XXIe siècle. Chaque chapitre est accompagné d’un texte fourni par 164 auteures venues du monde entier : des historiennes, des artistes, des photographes, des écrivaines qui présentent tant l’artiste que son œuvre et son époque. On y trouve des photos de toutes époques, de tous supports : photos d’art, de mode, portraits, photos-reportages, photos de guerre, sur des sujets artistiques, sociétaux, sociaux, politiques, historiques.
La photographie est loin d’être un milieu exclusivement masculin, même si les femmes ont souffert d’une longue tradition de discrédit
, écrit Marie Robert qui précise : Longtemps assignées par les historiens aux rôles de muses, de modèles ou d’inspiratrices, les femmes ont souvent été décrites comme adjuvantes ou exécutantes. Bon nombre d’entre elles sont restées leur vie durant dans l’ombre d’un maître, au risque de voir leur contribution s’effacer des mémoires
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La problématique est identique en ce qui concerne les femmes peintres de la Renaissance à nos jours. Peinture, photo, les femmes ont eu et ont encore du mal à faire leur place. Ainsi pour Luce Lebart : Il ne s’agit pas tant de produire un contre-récit ni de déconstruire les histoires déjà produites, mais bien de compléter ces dernières
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Elles furent sur tous les fronts
L’ouvrage commence avec Anna Atkins qui, née en 1799, fut la première auteure à publier un livre pour enfants, illustré non plus par des dessins, mais par des photos. Derrière l’objectif, de la chambre au 24×36, en passant par le 6×6, l’œil, le regard de ces femmes explorent tous les grands mouvements de société (libération de la femme, homosexualité, modernisme…), mais aussi elles captent les misères sociales, les outrages du colonialisme, les exclus, les invisibles.
Ces femmes photographes ne viennent pas toutes des pays occidentaux dits émancipés. Au, début du XXe siècle, on trouve déjà des femmes photographes venues de l’Empire ottoman, de la Grèce et d’ailleurs.
On les voit aussi sur tous les fronts de guerre. Marie Robert écrit à juste titre : Bravant les climats extrêmes et les milieux hostiles, les femmes photographes ont exploré le monde, voyageant souvent en solitaire… Elles ont été partout et ont tout enregistré, et ont exploré toutes les facettes de la pratique photographique
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Pour cet ouvrage, dense et éclairant sur la réalité du travail artistique des femmes, les auteurs ont dû faire des choix. On peut regretter l’absence de Françoise Demulder (1947-2008) qui fut l’une des plus grandes photo-reporters de guerre de sa génération et la première lauréate féminine du World Press Photo en 1977 avec une photo, si symbolique de la guerre civile libanaise et qui fera le tour du monde. Une photo prise en janvier 1976 lors du massacre du quartier palestinien de la Quarantaine par des miliciens des phalanges chrétiennes libanaises.
[1] Une histoire mondiale des femmes photographes, dir. Luce Lebart, Marie Robert. Paris, ed. Textuel, 2020, 504 p., 69 €.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly