Les négociations s’intensifient chez l’équipementier aéronautique Figeac Aéro, qui veut supprimer 320 postes, sur 966 CDI, dans sa principale usine de Figeac (Lot). Syndicat majoritaire, FO exige l’élargissement du Plan de départs volontaires intégré au PSE, et des mesures d’âge.
Débutées mi-septembre, les négociations sociales s’intensifient dans la principale usine du sous-traitant aéronautique Figeac Aéro, à Figeac (Lot), encore sous le choc de l’ampleur des réductions de postes prévues : un tiers des effectifs en CDI !
Premier site de production, réalisant 70% du chiffre d’affaires du groupe, il subit de plein fouet la baisse des cadences de production des donneurs d’ordre. La direction annonce ainsi un recul, de plus d’un tiers
. Pour coller à la nouvelle réalité de marché
, elle a fait part le 27 août de son intention de supprimer 320 postes sur 966 CDI, dans le cadre d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) intégrant un Plan de départs volontaires (PDV).
Rien d’une surprise : en juillet, le groupe avait annoncé de nouvelles mesures pour s’adapter au caractère durable de la crise
, après avoir déjà réduit de 600 emplois (soit 30%) les effectifs de ses filiales étrangères low cost (Maroc, Tunisie, Mexique, Roumanie) et aux États-Unis.
A Figeac, où il a mis au chômage partiel plus de la moitié du personnel, il s’était déjà séparé de 147 intérimaires et contrats courts. Le plan social était prévisible, mais son importance est un choc. Il faut cependant prendre de la hauteur : l’activité n’est pas là
, commente Frédéric Bessières, délégué FO, premier syndicat.
L’objectif de FO : zéro départ contraint
Le groupe, qui a réalisé près de la moitié de son chiffre d’affaires (447 millions d’euros à fin mars 2020) en fabriquant des pièces d’avions long-courriers, lesquels sont davantage impactés par la crise que les moyen-courriers, prévoit un long trou d’air, avec un retour au niveau d’activité de 2019 en… 2024 ou 2025. D’ici là, estime-t-il, la remontée sera très progressive. Alors que le niveau d’activité était de 40% en juillet-août, il est prévu à 50-55% jusqu’en novembre, puis à 55%-60% à partir de décembre. Il devrait passer à 65 % en 2021 et à environ 70 % en 2022.
La direction présente le plan social comme étant taillé pour la reprise en 2022. Cela signifie que, même après la suppression d’un tiers des effectifs, il y aurait un léger sureffectif. Elle compte se le permettre, en signant un accord d’activité partielle longue durée [ou APLD, autorisant les salariés concernés de chômer 40 % du temps de travail en percevant 70 % du salaire brut pendant deux ans, NDLR]. La négociation doit s’ouvrir en novembre
, explique Frédéric Bessières.
Organisation majoritaire, avec 50,25% des suffrages aux dernières élections, FO se retrouve en position de force [l’APLD nécessite, pour être mise en œuvre, un accord collectif majoritaire, NDLR]. D’emblée, le militant FO a fixé sa ligne rouge dans le cadre de la négociation préalable du PSE : L’objectif, c’est zéro départ contraint
, martèle-t-il.
Une usine « jeune », 38 ans d’âge moyen
Pour y arriver, le militant demande l’élargissement des départs volontaires, intégrés au PSE, aux catégories professionnelles qui ne sont pas visées par les suppressions d’emploi
. Celles-ci concernent en partie la Direction des opérations, ainsi que certaines fonctions supports et centrales du groupe. Il demande aussi des mesures de retraite anticipée, avec prise en charge par Figeac Aéro d’une sur-cotisation permettant de maintenir le niveau de cotisation d’une activité à temps plein.
Enfin, dans le cadre du PSE, Frédéric Bessières demande un congé de conversion d’une durée de deux ans, calée sur la durée de l’activité partielle de longue durée
, avec une allocation égale à 75% de la rémunération brute moyenne des douze derniers mois [la direction propose un congé de conversion de 6 mois, payé au minimum légal, soit 65 % de la rémunération brute moyenne antérieure, NDLR].
Il n’y a pas une seule mesure qui permettra d’éviter 320 départs contraints. Il en faudra plusieurs
, souligne le militant FO, qui décrit des salariés éprouvés par des mois d’activité partielle et les craintes pour l’avenir. Ils sont impatients d’être fixés sur leur sort
.
Dans l’usine de Figeac, le levier des mesures d’âge apparaît limité : selon le CSE (comité social et économique), une quarantaine de salariés sont âgés de plus de 58 ans. De fait, l’usine est « jeune », l’âge moyen des salariés est de 38 ans. Un chiffre illustrant la réussite du groupe, né il y a trente ans mais boosté depuis 2014 par une croissance moyenne de 17% par an. Il a embauché, en conséquence, pour répondre à la hausse de la production des constructeurs avant d’être, comme eux, fauché par les conséquences de la crise sanitaire.
Prochaine négociation le 29 octobre
Il reste moins de deux mois d’ici la fin des négociations prévue le 17 décembre, et à peine cinq séances, la prochaine étant prévue le 29 octobre. Autrement dit, peu de temps pour que Figeac Aéro transforme en actes ses paroles : lors de l’annonce du plan social, il assurait vouloir travailler avec ses partenaires sociaux pour limiter l’impact de ce plan
.
S’il a basculé dans le rouge sur son exercice 2019-2020 (avec une perte de 13,8 millions d’euros après impôt et résultat financier), le groupe, qui supportait un endettement de 282 millions d’euros, a pu sécuriser sa trésorerie pour deux ans
grâce à des prêts garantis par l’État d’un montant de 80 millions d’euros, sans compter un prêt de 15 millions d’euros de BPI France. Ceux-ci s’ajoutent à une trésorerie confortable de 106,9 millions d’euros (à fin mars).
Le territoire n’a pas cette visibilité. Les départs, prévus pour les premiers en mai 2021, seront un séisme pour le bassin d’emploi de Figeac (9 800 habitants), et le département rural du Lot, où Figeac Aéro compte parmi les plus gros employeurs du secteur privé, avec l’autre équipementier aéronautique de la ville, Ratier-Figeac. Déjà, le CSE de Figeac Aéro a recensé 30 emplois EPT (équivalent temps-plein)
possiblement impactés, par effet cascade, chez les prestataires.
Au-delà de Figeac, d’autres bassins de vie vont être impactés par la restructuration de l’entreprise lotoise. A commencer par celui de Méaulte (Somme), où Figeac Picardie a annoncé un plan social, visant la suppression de 26 des 72 postes en CDI. Soit également un tiers des effectifs.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly