Yves Veyrier, Secrétaire général de Force Ouvrière, était l’invité de 7h10 sur France Info avec Marc Fauvelle le mardi 6 octobre 2020.
Marc Fauvelle : Il a été la star du confinement mais depuis il décline un peu. Voilà près de 6 mois que les syndicats et le patronat piétinent dans leurs discussions sur le télétravail. La prochaine réunion est prévue dans un mois et hier c’est le gouvernement qui a remis la pression. La ministre du Travail, Elisabeth Borne demande d’intensifier le recours au télétravail face au rebond de l’épidémie. A-t-elle raison de remettre aujourd’hui le sujet sur le tapis ?
Yves Veyrier : Ce qu’on comprend c’est que l’idée est, du fait de la circulation accrue du virus et des tensions aujourd’hui dans le secteur hospitalier, de limiter les croisements, la densité de population que ce soit sur les lieux de travail ou dans les transports. On n’est pas encore dans le confinement mais c’est une sorte de semi-confinement. On n’est pas du tout dans ce que nous estimons ce que devrait être du télétravail encadré, occasionnel, répondant à l’intérêt des salariés. On est dans une situation qui est encore une fois extraordinaire, liée à ces considérations sur le virus.
MF : Vous constatez que les entreprises ont tendance aujourd’hui à faire revenir de plus en plus leurs salariés sur leur lieu de travail ?
YV : Vous disiez que le télétravail était la star. La réalité est que s’il y a eu une forme d’engouement un peu au départ, très vite, on s’est aperçu que pour beaucoup de salariés, parce que c’était à 100%, 5 jours sur 5, parce que ça n’avait pas été préparé, organisé, la sortie du télétravail a été un peu comme la sortie du confinement en général. On a vu des salariés qui s’étaient remis assez difficilement de cette situation en particulier du fait de l’isolement, de la pression exercée sur le travail parfois par le salarié lui-même qui essaie d’en faire plus parce qu’il se sent un peu coupable d’être chez lui à travailler, alors qu’il est dans des conditions souvent difficiles. On se rappelle qu’à l’époque il y avait aussi la garde des enfants qui s’y ajoutait. Pour que le télétravail soit possible il faut qu’il soit possible pour le salarié également. Tout le monde n’a pas une résidence avec suffisamment d’espace, un bureau séparé, une connexion idéale, le matériel qui va avec.
MF : Quand vous entendez la ministre du Travail dire qu’il faut intensifier le télétravail. Est-ce que vous allez plus loin et vous dites il faut le rendre obligatoire dans les zones rouges où le virus aujourd’hui circule le plus pour éviter l’heure de pointe dans les transports en commun par exemple ?
YV : Non, on n’est jamais pour que les choses soient obligatoires. Nous pensons que si, pour des raisons sanitaires qu’il ne m’appartient pas d’évaluer ou de juger, il faut limiter la densité sur les transports en commun, sur les lieux de travail et bien effectivement le télétravail est un des moyens qui peut être mis en œuvre. Mais nous avons armé et nous armons nos syndicats, nos délégués. Malheureusement dans toutes les entreprises il n’y a pas suffisamment de syndicats. C’est pour cela d’ailleurs que je ne peux qu’inviter les salariés à se syndiquer. C’est important de négocier les conditions dans lesquelles se met en place le télétravail pour protéger les salariés.
MF : Le dernier accord national sur le télétravail date d’il y a 15 ans, de 2005. Les discussions entre les partenaires sociaux ont débuté il y a 6 mois en France. La prochaine réunion est prévue dans tout juste un mois, pourquoi nous n’avançons pas ou alors si lentement sur cette question ?
YV : Les employeurs ont pris la mauvaise habitude de s’appuyer sur les décisions gouvernementales et sont assez peu allants pour qu’on négocie. D’ailleurs, si on a la perspective d’une négociation, ils l’ont dit eux-mêmes, ils ne veulent pas d’un accord qui soit prescriptif ou normatif. C’est-à-dire qu’ils veulent renvoyer à l’échelon de l’entreprise voir à la relation entre le salarié et l’employeur.
MF : Ce n’est pas ce que vous nous dites-vous aussi ce matin ?
YV : Non, ce n’est pas ce que nous disons. Malheureusement on n’a pas été assez vite et je ne peux que le déplorer. FO a beaucoup poussé pour qu’on ouvre une véritable négociation. Les choses avancent lentement. Il nous faut encadrer au niveau interprofessionnel les conditions de la mise en œuvre du télétravail ; y compris les conditions des négociations qui pourront ensuite se mener dans les branches et dans les entreprises. Il faut un cadre protecteur parce qu’on sait quels sont les risques transversaux qui valent dans quelque secteur que ce soit. Il ne faut pas oublier non plus que tous les postes ne sont pas télétravaillables. Je le redis, les postes qui ne sont pas télétravaillables sont parfois quand le salarié lui-même n’est pas en condition de pouvoir ou de vouloir télétravailler. C’est très important.
MF : L’autre actualité du jour, Yves Veyrier, ce sont les cafés fermés au moins pour 15 jours dans plusieurs départements : Paris, la petite couronne parisienne, une partie des Bouches du Rhône… Est-ce que ça risque d’être le coup de grâce pour une partie de la profession et est-ce qu’il faut des mesures d’urgences nouvelles de la part de Bercy ?
YV : Entre autres mesures d’urgence j’en viens à la négociation. Il y a un dispositif d’activité partielle de longue durée. Une négociation s’est ouverte au niveau de la branche, en tout cas il faut qu’elle s’ouvre et qu’elle se conclue pour protéger les salariés du secteur. Ça va avec la protection des entreprises qui sont souvent des petites entreprises. Donc protéger doublement, l’entreprise et par voie de conséquence l’emploi des salariés. Les dispositions existent. Il faut absolument qu’on évite les suppressions d’emploi, qu’on garde les salariés en emploi avec le dispositif d’activité partielle et j’espère que la négociation va pouvoir se conclure favorablement.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly