Le retour du Covid-19 pour cette rentrée de septembre a fait monter la tension. Les nouveaux protocoles sanitaires n’ont été dévoilés que juste avant la date fatidique du 1er septembre entraînant une rentrée problématique aussi bien dans le monde de l’éducation que de l’entreprise tandis que les personnels soignants en nombre d’endroits s’inquiètent d’une nouvelle arrivée massive de patients.
Le 1er septembre tout le monde est rentré. Ou presque. Et ça s’avère compliqué aussi bien dans le monde scolaire que dans celui des entreprises à l’heure où l’augmentation des cas de Covid-19 se confirme. C’est significativement que, le 27 août, lors de sa conférence de presse de pré-rentrée le chef du gouvernement était entouré de ses ministres de l’Education nationale et de la Santé. FO avait alors aussitôt rappelé que concernant la santé le rétablissement des CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) supprimés suite aux ordonnances travail était plus que jamais nécessaire. Et le secrétaire général de FO, Yves Veyrier, frappé par le nombre de salariés qui ont sollicités FO à ce sujet, de souligner, le 25 août dernier que « le collectif, la solidarité entre les salariés est quelque chose de majeur, d’essentiel en situation particulièrement tendue ».
Pour la FNEC FP-FO, pas de réelle protection
Côté scolaire, la FNEC FP-FO (Fédération nationale de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle), a réagi le 1er septembre en exigeant le retrait du protocole « dit sanitaire » qui ne « ne protège personne », hormis le ministère en le dédouanant de ses obligations d’assurer les conditions d’hygiène et de sécurité. En outre, il ce protocole a été présenté le 27 août « sans avoir recueilli l’avis des représentants au Comité d’Hygiène et Sécurité Conditions de Travail (CHSCT) ».
La FNEC FP-FO, seule organisation à exiger ce retrait, a rappelé que seuls les masques FFP2 étaient « reconnus comme protecteurs par les normes du Code du travail » et qu’ils « ne sont toujours pas mis à disposition des personnels qui le demandent, notamment ceux à risque ». Le secrétaire général de la FNEC FP-FO, Clément Poullet, partage totalement la position de FO demandant des masques gratuits pour tous. Il s’est aussi inquiété du fait que le ministère ne semble pas préparé à gérer les cas de Covid-19 devant survenir dans les établissements qui vont accueillir quelque cinq millions d’enfants, sans compter les personnels : « Tout le monde ne pourra pas être accueilli et en ce cas le protocole sanitaire renvoie vers le dispositif Sport, santé, civisme, culture (2S2C) qui a pour objectif de proposer aux élèves des activités éducatives sur le temps scolaire dans des associations. C’est une porte ouverte au privé, selon Clément Poullet.
Outre le fait que ce protocole mette « les personnels en première ligne sans protection réelle », la FNEC FP-FO conteste le fait que que la responsabilité de son exécution soit « renvoyée à l’échelon local, dans les écoles, les collèges, les lycées, les services ». Ce qui en fait un nouvel outil de territorialisation et de dérèglementation », a souligné Clément Poullet.
« Le compte n’y est pas » : les revendications de FO
Pour Clément Poullet, si le ministre a évoqué une rentrée aussi normale que possible, « le compte n’y est pas, aussi bien au niveau des postes et des moyens. En outre, des suppressions d’heures et de classes ont été opérées. Quant au « Grenelle des professeurs », « le ministre dit avoir mis 400 millions sur la table pour les professeurs mais on lui a rappelé que l’enseignement c’était aussi le personnel administratif, les infirmières,… », a-t-il précisé. « Ce que FO veut, c’est l’augmentation du point d’indice » ce qui permettrait notamment de rattraper la perte de pouvoir d’achat due au gel des salaires/traitements indiciaires depuis 2011 (hormis la hausse minime sur 2016/2017). La fédération revendique aussi pour commencer, 183 euros afin de revaloriser les grilles et cela « pour tous ». La FNEC FP-FO exige en outre l’arrêt des « contre-réformes » et la préservation des garanties statutaires qui ne sauraient être remises en cause « au prétexte de crise sanitaire ».
Répression anti-syndicale
Résultat de cette grogne : des établissements déjà en grève comme entre autres à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et Saint-Sever (Landes) ainsi qu’à Viarmes et Sarcelles (Val d’Oise) pour protester contre des classes surchargées et demander des moyens supplémentaires. Cette rentrée spéciale se déroule aussi dans une ambiance peu favorable en raison d’« une répression anti-syndicale qui reste très prégnante », comme à Cahors, Carcassonne et Montbrison, s’insurge Clément Poullet : « des participants à la mobilisation contre la réforme des retraites et du bac ont été sanctionnés. Certains vont passer en conseil de discipline pour des motifs hallucinants, comme l’incitation à l’émeute par exemple ». Le Premier ministre prône toujours le « dialogue social ». Mais dont la sa mise en pratique au ministère de l’Education nationale est ni plus ni moins qualifiée de « mascarade » par la FNEC FP-FO.
Sous le couvert de la crise…
Le Covid-19 a fait « exploser les emplois du temps des enseignants et éclater les obligations statutaires », s’insurge Clément Poullet déplorant que la crise sanitaire constitue pour le ministère une opportunité pour « liquider » le bac en remplaçant les épreuves par des « évaluations communes » (EC, ex E3C) pouvant être différentes selon les établissements, ce qui met à mal son caractère national. Ce changement rentre en vigueur à la rentrée. Un autre, entrepris pendant la crise sanitaire, concerne les directeurs d’école. Leurs difficultés avaient été mises en exergue par le suicide d’une directrice à Pantin il y a un an. Or, pour toute réponse, le ministère a proposé une reconnaissance financière de 3 euros par jours travaillés (une prime exceptionnelle de 450 euros, Ndlr) et de nouveaux statuts qui transforment la fonction en celle de facto d‘un supérieur hiérarchique chargé d’appliquer les directives ministérielles, s’est indigné Clément Poullet. « Les collègues n’en veulent pas », précise-t-il. Néanmoins le projet de loi (dit loi Rilhac), déposé pendant la crise sanitaire le 12 mai, a été adopté en première lecture, le 24 juin. Une circulaire parue le 27 août au Bulletin officiel, 0et qui reprend les termes de ce projet, s’appliquerait dans les deux semaines suivant la rentrée, selon le souhait du ministère.
Protocole : un éventail de des règles complexes
Côté salariés, le « Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de COVID-19 », en date du 31 août 2020, a imposé au… 1er septembre de nouvelles règles, dont principalement la systématisation du port du masque dans les lieux clos et partagés. « Si c’est ça qui est nécessaire pour protéger la santé des salariés, il faut que ce soit effectivement mis en œuvre sans tergiverser » avait alors réagi le secrétaire général de FO, le 18 août, Yves Veyrier, appelant à des « actions de prévention importantes » pour les salariés et à la fourniture des masques par l’employeur.
Suite à la conférence de presse du chef du gouvernement présentant, le 27 août, les modalités et nouveaux protocoles pour la rentrée, FO a rappelé « que les prescriptions d’ordre public, relatives à la santé de la population, relèvent de la responsabilité des pouvoirs publics et leur mise en œuvre sur les lieux de travail de celle des employeurs au titre de leurs obligations quant à la santé des salariés ». Des questions précises se posent : ainsi concernant les espaces de travail, « on doit pouvoir savoir quels endroits sont les plus exposés et adapter les postes de travail en fonction », soulignait Yves Veyrier.
Concernant les personnes vulnérables, des mesures de protection renforcées ont été édictées, d’autant plus que, selon un décret publié parallèlement, elles ne bénéficient plus du dispositif d’activité partielle, hormis celles atteintes de cas vraiment graves tel qu’un cancer évolutif… Néanmoins, le ministère du Travail préconise toujours le télétravail, même s’il n’est plus la norme, pour les « travailleurs à risques de formes graves de Covid-19 ».
Télétravail : à quand un accord interprofessionnel ?
O, le télétravail, qui avait permis à près d’un actif sur quatre de poursuivre son activité au plus fort de la crise sanitaire, n’est pas une panacée, il a créé en effet de nouvelles difficultés, avait déjà souligné le secrétaire général de FO dans un courrier adressé le 14 mai dernier aux organisations patronales pour demander l’ouverture d’une négociation nationale interprofessionnelle sur le télétravail. Seul , seul un ANI réadapté à la situation actuelle (le précédent date de 2005) étant en mesure de protéger réellement les salariés (https://www.force-ouvriere.fr/teletravail-pour-fo-seul-un-ani-permettra-de-proteger-tous-les). Les négociations entre interlocuteurs sociaux avaient débuté en juin et la rencontre du 2 septembre a permis d’espérer une ouverture même si le Medef n’a pas souhaité se prononcer sur le lancement d’un ANI à l’issue de la prochaine réunion prévue le 11 septembre. « Le Medef est sur un positionnement qui a semblé plus ouvert. Il a dit qu’il pourrait y avoir potentiellement de nouvelles dates de réunion », indique la secrétaire confédérale de FO chargée du numérique, Béatrice Clicq.
Santé : toujours l’attente de postes et de lits
En matière de santé, justement, les soignants sont toujours en première ligne, sans avoir toujours les moyens et les effectifs alors que des chiffres inquiétants ne cessent de parvenir des zones rouges. « On constate des tensions dans l’équipement en gants alors qu’on est en plein préparatifs pour faire face à l’extension de la pandémie », signale le secrétaire général de FO-SPS, Didier Birig. Or il constate que les personnels sont déjà « très fatigués » après la première vague de Covid-19, et précise que « les avancées obtenues au Ségur de la Santé ne sauraient cacher leur détresse ». Un Ségur qui, selon lui, demandera encore « bien un an de travail » et qui est loin d’être un solde de tout compte.
Sur le terrain, selon les données mêmes de Santé Public France, au 31 août, l’Île-de-France, l’Auvergne-Rhône-Alpes, les Hauts-de-France et le Grand Est regroupaient 70 % des malades en réanimation tandis que 57 départements étaient en situation de « vulnérabilité », dont la Mayenne, où à Laval plusieurs services du centre hospitalier se sont mis en grève à l’appel de FO, syndicat majoritaire. La cause de cette insatisfaction qui perdure dans les services de nombre d’hôpitaux : le manque pour l’instant encore criant de personnel et de lits (urgences de Grenoble, hôpital de Douarnenez, Marseille… ) même si le Ségur a programmé 15000 embauches dont la moitié de créations de postes. A Laval, FO a d’ailleurs déploré que « lors de la première vague, des renforts de la réserve sanitaire, mais également d’autres services du CH Laval avaient été positionnés dans ce service, mais depuis, plus aucun renfort ». En cette rentrée, les agents hospitaliers ont au moins reçu une bonne nouvelle. Dans le cadre du suivi du protocole d’accord du Ségur de la Santé, les personnels viennent d’obtenir entre autres (via un avenant signé le 27 août par FO notamment) une amélioration du calendrier pour les revalorisations décrochées pendant ce Ségur. La fédération FO-SPS indique ainsi que les premiers 90 euros obtenus seront versés au plus tard sur la paie du mois d’octobre 2020 (avec le rappel de septembre) et les 93 euros complémentaires, seront quant à eux, versés comme prévu, avec la paie du mois de mars 2021.
Source: Éditoriaux de jean-claude Mailly